31 juillet 2013

Faille de l'aurore

Le jeune homme simple que je connaissais à peine cachait donc en lui l'immense pouvoir de la mort. Il a levé les frontières, uni les entités distinctes de la discontinuité – là, dans la chambre où parvient le chant de l'oiseau. Il s'est retiré sans mot dire et, alors que sa voix n'était rien, son silence est profond. Il a étendu sa vie comme un manteau à fouler; où nous mène-t-il ? Nous arrivons au bord et nous nous penchons pour voir. Mais il est à perte de vue, il se fond dans le ciel lointain; pour nous, le vert tendre des feuilles, le bleu du ciel demeurent; mais lui, tout transparent que soit le monde, il n'en veut pas; il s'est détourné de notre groupe à l'extrême limite de la pointe; il disparaît, faille de l'aurore, il n'est plu. Il nous faut rentrer.1
Virginia Woolf -  Sympathie  (1919)  (La fascination du l'étang)


1 Le plus surprenant –  le plus élevé peut-être ?  – vient de la vanité de ces mots, car la narratrice apprend à la fin qu'il s'agit d'un malentendu, que le jeune homme n'est pas décédé.

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