8 février 2017

Le moi inconsistant

"Suis-je tellement assuré de ma propre personne ? de mes parents qui meurent, de mes amis qui changent, des femmes qui dans ma vie apparaissent et disparaissent sans laisser de traces, vaines illuminations et vaines ténèbres, des livres que j'aime un jour et qui après m'ennuient, de mes propres phrases où en vain je cherche la marque de la pensée qui les dicta ?" (Emmanuel Berl, Méditation sur un amour défunt)

[...]

"...une personne n'est pas, comme j'avais cru, claire et immobile devant nous avec ses qualités, ses défauts, ses projets, ses intentions à notre égard (comme un jardin qu'on regarde, avec toutes ses plates-bandes, à travers une grille), mais est une ombre où nous ne pouvons jamais pénétrer, pour laquelle il n'existe pas de connaissance directe, au sujet de quoi nous nous faisons des croyances nombreuses à l'aide de paroles et même d'actions, lesquelles les unes et les autres ne nous donnent que des renseignements insuffisants et d'ailleurs contradictoires, une ombre où nous pouvons tour à tour imaginer, avec autant de vraisemblance, que brillent la haine et l'amour." (Proust, Guernantes I)



Ces extraits d'un "égal pessimisme", mis en parallèle dans la biographie de Berl par Raczymow, en page 28 du Blanche Gallimard, augurent peut-être d'une lecture intéressante ? On y revient plus tard.

8 commentaires:

  1. Bonjour Christian, je clique sur les liens et découvre un auteur, un roman fort intéressants. Avez-vous d'autres livres d'Henri Raczymow?
    Vous dites qu'on y reviendra, je m'en réjouis.
    Merci, bonne fin de semaine.

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    1. C'est la première fois que je lis Raczymow, je n'ai rien d'autre encore. J'y reviens, je termine la biographie, il y a quelques belles approches, un témoignage sur le monde littéraire de la première moitié du 20è siècle.
      Mais les imbroglios sentimentaux de Berl ne m'amusent pas, on a raison de parler d'années folles...

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  2. D'un égal pessimisme ? Je ne sais si Proust est pessimiste en décrivant ces limites à la connaissance de l'autre, mais il est éloquent.
    Comme je ne connais Berl que de nom, je suis allée me renseigner sur Wikipedia et j'ai trouvé un autre lien (amusant) entre Proust et lui : Berl s'irritait du "snobisme de l'homosexualité". "Dans une lettre, Proust aurait proposé à Berl, pour l'aider à entrer dans le milieu littéraire, un « faux certificat d'inversion »."
    Hors sujet, j'ajoute que le titre de votre billet me fait penser à un essai récent dont j'ai lu la critique dans LLB, "Lost Ego" de François de Smet.

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    1. Le pessimisme que veux dire Raczymow, à mon avis, est de devoir se résigner à ces limites justement quand il s'agit d'une personne qui nous est (très) chère, et a fortiori s'il s'agit de soi....

      Le livre de Raczymow fait état de lettres échangées entre Berl et Proust, de quelques chamailleries (certaines attitudes de Berl irritaient Proust) mais il n'est pas question de l'anecdote amusante que vous mentionnez (on y retrouve l'esprit de Proust, j'espère y revenir avec une fine réponse à une lettre illisible de Berl).

      J'irai voir la LB pour "Lost ego", merci Tania.

      NB : je peux confirmer, maintenant qu'il est lu, cet essai sur Emmanuel Berl est excellent.

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  3. Ce passage de Proust me donne à réfléchir : ne serait-ce pas temps de le relire encore une fois ?

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    1. Relire Proust – ou sa correspondance peut-être – il y a tant à prendre.

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  4. bel extrait de Proust! et superbe photo

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    1. Heureux que vous y soyez revenue pour l'apprécier, Luocine, à bientôt.

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