12 février 2018

Localisme culturel

"Aussi contradictoire que cela puisse paraître dans notre monde globalisant, la mode est au retour aux dialectes. Ce phénomène se constate également en Flandre belge et aux Pays-Bas. Nombre d'artistes y trouveront une source d'inspiration qu'ils estiment plus authentique.
Dans le Limbourg néerlandais, il fait très chic de parler le dialecte local. À la sortie des salles de théâtre, les notables de la région se distinguent par leur conversation en limbourgeois. Chaque année, à l'occasion du concert donné par son orchestre sur le Vrijhof, la grand-place de Maastricht, le célèbre dirigeant André Rieu s'adresse à son public dans le dialecte de sa ville natale[*]. Les Limbourgeois aiment ainsi cultiver leur différence et leur esprit sudiste et «bourguignon» contraste avec le reste des Pays-Bas.
En Flandre belge les séries télévisées les plus populaires parlent le dialecte anversois ou le westflamand. En Flandre occidentale, des chanteurs comme Willem Vermandere, Flip Kowlier et autres Wannes Cappelle montrent que talent et créativité peuvent s'exprimer en utilisant le dialecte.
D'un côté une anglomanie généralisée, et de l'autre, la montée du phénomène dialectal. Les ethnopsychiatres pourront peut-être nous expliquer comment comprendre ce retour démonstratif au localisme culturel."

Wido Bourel - Olla Vogala

Source Live & Learn

[*] La télévision publique belge a diffusé, lors de la période des fêtes, un de ces concerts de l'été 2017, à Masstricht, où le chef s'exprime entièrement en français.

12 commentaires:

  1. "Très chic" pour flatter l'"entre soi" ? Si je comprends bien le plaisir "authentique" d'une langue locale, j'ai à plusieurs reprises observé l'incompréhension entre Flamands usant de dialectes différents et expérimenté la difficulté de communiquer avec certains dans un néerlandais standard.
    D'un côté, la si précieuse liberté d'expression et la diversité culturelle, de l'autre, le repli sur soi et le rejet de l'autre, voilà aussi ce qui se joue derrière la question des langues.
    Votre billet précédent éclaire bien l'évolution du côté français, dont on parle beaucoup moins.

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    1. Vous avez parfaitement résumé tout cela et je crois que vous êtes bien placée à Bruxelles pour le comprendre.

      La langue peut s'avérer un motif très sensible. Non comprise, elle conduit vite au malaise, même en famille : ma mère et la sienne parlaient parfois entre elles le patois luxembourgeois que nous les enfants, ni mon père, ne comprenions. Cela semblait indélicat (au moins) par moments, même si leur dialogue était tout à fait innocent.

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  2. (C'est vrai qu'on se sent exclu quand, ostensiblement ou pas, on parle une autre langue près de soi. Que ce soit dans un but d'exclusion volontaire ou pas, c'est vexant pour la personne à côté.)
    Tout ce qui a trait aux langues est, comme vous le dites, dans un sens plus large, un sujet sensible. Et important.

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    1. À côté de l'apparence (peau, vêtements), c'est un fameux motif de rejet. Le parler exclusif est une bonne occasion de faire de l' "entre soi" élitiste, branché, identitaire, génerationnel, etc... tout de qui n'est pas ouverture à l'autre.

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  3. les dialectes se développent peut-être pour justement de distinguer de l'anglais qui domine tout. J'ai toujours été admirative pour ces personnages qui parlent plusieurs langues, notamment les belges qui parlent souvent anglais, français et leur dialecte.

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    1. Si l'anglais domine tout,il est pratique pour s'exprimer dans un pays étranger dont on ne connaît pas la langue. Les dialectes sont savoureux, ici c'est le(s) wallon(s), mais ça me dérange plus quand on y associe des visées identitaires excessives.

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  4. Bonjour christw, je ne sais pas quoi penser. Les dialectes de toutes sortes ne doivent pas être oubliés mais cela doit rester folklorique et non devenir identitaire comme vous l'écrivez. Bonne après-midi.

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    1. C'est exactement comme je pense, merci de donner régulièrement votre avis, Dasola, à bientôt.

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  5. Et bien ! en France, c'est pas demain que nos élites vont se remettre à parler le patois bourguignon, c'est sûr... Et on ne l'entend plus que grâce à la belle voix de Colette que l'on peut encore écouter, lisant des extraits de ses ouvrages.
    Ici, on parle au contraire de "glottophobie", autrement dit, de discrimination linguistique. Il y avait une émission intéressante hier, à la radio, sur le sujet ! Bonne journée à vous.

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    1. La glottophobie est une notion vraiment pertinente pour cette question sur les dialectes (je ne connaissais pas et si vous avez un lien vers l'émission, dites-moi), grand merci de l'avoir signalée.
      Je pense que l'extrait qui est donné ici (un peu ironiquement pour dénoncer un repli identitaire, un "entre-soi"), s'inscrit dans un ensemble de deux billets (je vous invite à lire premier si vous ne l'avez pas fait). Le retour aux dialectes n'est certainement pas une généralité chez nous, et la vision de l'extrait sert le propos identitaire de ce Flamand.
      Les patois wallons, comme votre vieux bourguignon, ont une valeur sentimentale et nous regrettons de les voir s'éteindre, sans pour autant dénoncer un ethnocide...!
      Ici en Belgique, les discussions sur la langue prennent vite une coloration politique, vous le comprenez.
      Bonne journée Margotte.

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    2. Bonsoir, coup de chance, j'ai vite trouvé le lien. Il est ici : https://www.franceculture.fr/conferences/universite-bretagne-loire/la-glottophobie-un-concept-pour-analyser-les-discriminations
      Bonne écoute !
      Je viendrai lire le 2e billet plus tard...

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    3. Merci beaucoup, j'écouterai entièrement P. Blanchet demain.
      J'ai trouvé sur mediapart quelques situations exemplatives de cette discrimination, on aurait tort d'en sourire :
      https://blogs.mediapart.fr/edition/petite-encyclopedie-critique/article/210116/la-glottophobie-un-type-de-discrimination-largement-ignore
      Bonne fin de soirée.

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