La cinquième loi fondamentale du professeur Carlo Cipolla, pince-sans-rire émérite, avance que les individus stupides sont les plus dangereux: sachant que leur proportion σ (sigma) est toujours et partout sous-estimée, nous voici en présence d'un sévère avertissement, appuyé sur une démonstration récréative en forme de traité mathématique. Et l'on rit de bon cœur bien que ce ne soit pas très indiqué au moment où, consternante allégation de l'orateur, l'humanité est dans le pétrin et que c'est la chienlit.
Suivons le début de l'exposé.
Supposons en abscisse (ligne horizontale) les actes d'un individu (ou d'un groupe) donné X et en ordonnée (ligne verticale) les conséquences de ses actions pour les autres Y. À droite de l'axe horizontal, les actions de X qui lui procurent un profit, vers le haut de l'axe vertical, les bénéfices pour les autres.
Si X pose une action à son profit et qu'il en résulte des avantages pour autrui, on le classera dans la zone supérieure droite de notre graphique, c'est-à-dire, et à juste titre, parmi les Intelligents. Si X agit à son avantage au détriment des autres – s'il vole par exemple – on le classera dans la zone inférieure droite parmi les Bandits.
Vous avez immédiatement compris qu'à gauche de la verticale se trouvent les perdants: au nord-ouest, les personnes roulées, dupées, exploitées, soit les Crétins, et, ô fléau, les individus non seulement néfastes pour autrui mais aussi pour eux-mêmes, occupent le dernier quadrant: ce sont les Stupides, la proportion σ qu'on trouvera partout indépendamment de leur sexe, race, âge, classe et profession, ce qui précisément les rend redoutables.
En progressant dans les cinquante pages de ce petit traité à la rhétorique académique, on apprend que les Bandits à tendance stupide, à savoir ceux qui causent grands dommages collatéraux pour de maigres bénéfices, se situent de plus en plus parmi les gens de pouvoir. C'est là précisément que les proportions deviennent inquiétantes, car la proportion de Crétins augmente... Et c'est la chienlit donc. CQFD.
Ce petit livre, rédigé au départ en anglais et repris par un éditeur méconnu les Mad Millers1 dans les années 70, a été édité en langue italienne en 1988. Best-seller international, nous disposons aujourd'hui de la version française aux Puf (2012). Son auteur Carlo M. Cipolla est un historien réputé de l'économie italienne.
Il doit certainement le succès de son génial petit livre au bon goût de ne jamais suggérer au lecteur qu'il n'est a priori pas exclu de la proportion σ de Stupides.
1 Les Meuniers Fous
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