La collection Vendredi 13, dirigée par Patrick Raynal, compte treize titres dont l'action se déroule autour du vendredi 13 et se termine mal. L'esprit Série Noire est posé et des auteurs tels Bordage, Chamoiseau, Pouy et Alain Mabanckou donnent de l'allure au projet. Compliments, en passant, pour la couverture maline et le format agréable des éditions La Branche (l'objet, le papier rappellent ceux des éditions Sabine Wespieser).
Le roman de Mabanckou est doublement noir. Monde de pommés, petits truands, filles faciles, trafics de faux en tous genre avec l'ambiance sombre des hôtels et bars malfamés. Mais aussi l'immigration noire à Paris où Sénégalais, Maliens et Congolais, fringués en technicolor, ne semblent pas toujours appartenir à la même Afrique.
Julien Montfort, nom inscrit sur ses faux papiers, immigré congolais de Pointe-Noire, écrit son histoire du fond de sa geôle à Fresnes. Vivant en promiscuité dans un studio parisien, sous les directives de Pedro, toujours à l'affût de bonnes affaires illégales, il est devenu son bras droit mais aussi, malgré lui, son pantin naïf. Le vendredi où ils rencontrent le fils de ministre venu de Brazzaville, pour une affaire juteuse, les circonstances ne vont pas faire mentir son vrai nom: José Makambo signifie «ennuis» dans la langue Kikongo. En attendant Pedro occupé à «régler» l'affaire proposée, une jeune femme blonde s'écrase devant lui sur le trottoir. Trop visible dans son costume vert électrique et ses chaussures bordeaux, il s'enfuit effrayé et devient la cible des poursuites et le suspect principal. Pedro lui remet une somme d'argent et Julien/José comprend que l'enjeu du coup est le meurtre dont il ne sait rien. Il se réfugie dans un petit hôtel discret de banlieue.
Quel est son rôle ? Quoiqu'il arrive, il est coincé : la filière congolaise lui propose de se dénoncer à la place de Pedro et de bénéficier plus tard des honneurs et de la protection du milieu. S'il refuse, sa planque sera dénoncée. Je ne dévoile pas l'entourloupe de la fin qui donne son sens au roman : tais-toi et meurs, il est la victime impuissante d'une noire mystification.
On assiste à la transposition d'éléments classiques du polar dans la communauté immigrée africaine parisienne. Un monde clos qui vit de trafics louches sans grande envergure, dans une relative pauvreté, avec quelques figures caricaturales. Personnellement, j'ai trouvé tout cela un peu ennuyeux en dépit de quelques moments de verve pince-sans-rire, un fabriquant de faux documents aux allures de desperado mythique et une nymphomane exultant dans les toilettes. Le tout est décrit d'une façon agréable mais très convenue, encore que l'écriture dépouillée sied pourtant à ce personnage simple et candide. Soupir de soulagement, tout à la fin, en découvrant la clé du roman qui lui donne sa dimension.
Il est peut-être souhaitable d'aborder Alain Mabanckou par un ouvrage plus autobiographique et divertissant, un de ceux qui semblent avoir séduit la majorité (Demain j'aurai vingt ans, Black Bazar, Mémoires de porc-épic)[1]. Il y a trop de longueurs dans Tais-toi et meurs. Un manque d'unité aussi : je n'ai pas vu l'intérêt de raconter l'histoire du détenu qui partage sa cellule, j'ai cru un moment que l'issue du récit se trouvait là.
L'auteur écrit beaucoup depuis une dizaine d'années : romans, essais, poésies. Est-il toujours bon de multiplier l'écrivain lorsqu'il a du talent ?
Dernier point : hormis le personnage principal qui paraît plutôt victime des événements, on brosse ici un tableau peu engageant de la communauté africaine. À une époque où la question de l'immigration est sensible, faut-il risquer d'en renforcer certains préjugés ?
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