Parce qu'il était musicien dans l'âme et déçu par ses échecs de compositeur, Ernest Theodor Amadeus Hoffmann (1776-1822) est devenu un grand auteur de contes. Vitesse, liberté, rebondissements font un tempo de pièce musicale qui fait fi du plausible. Comme l'écrit Pierre Péju en préface, pour lui une belle histoire est une horloge compliquée qui fonctionne de façon surprenante mais ne donne pas forcément l'heure exacte.
L'ironie permanente de ses écrits est assortie de notes désespérées et inquiétantes. Freud a mentionné l'«inquiétante étrangeté» (Unheimlichkeit) qu'il a décelée dans L'homme au sable. Mais Le choix d'une fiancée demeure un récit vif et léger, qui atteste de la vision gaie qu'avait Hoffmann de Berlin, cadre de cette comédie un peu vénitienne.
Imbroglio amoureux qui voit l'héritière Albertine, éprise du jeune peintre Edmund, devenir l'objet des convoitises de deux autres prétendants aux motivations moins limpides. Si on sait dès le départ qui l'emportera comme dans tout beau conte, le lecteur est suspendu à la façon dont les décisions se font, par l'entremise d'une abracadabrante scène de loterie où chacun trouve son compte, parodie de la scène des coffrets du Marchand de Venise de Shakespeare. Mais une ombre hoffmannienne plane jusqu'à la fin, et la comédie s'achève avec une virevolte qui sonne comme un grand rire noir, pour reprendre les mots de Péju pour qualifier l'œuvre d'Hoffmann.
Avec son aisance de la caricature, il n'est pas étonnant que l'auteur ait connu quelques ennuis avec des collègues et amis. Il fait communiquer des mondes et facilite les dédoublements, en maître d'une sorte de «réalisme fantastique», fondement de son art. Il n'hésite pas à mélanger les genres, passant de la drôlerie à l'angoisse, multipliant les références empruntées à la tradition et à la littérature. Une connaissance fine des mœurs des petits-bourgeois lui permet de traduire le fantastique en une réalité troublante.
Le choix d'une fiancée qui se présente sous la forme d'une nouvelle longue – assez pour que les personnages deviennent familiers –, a servi de base à un opéra-comique fantastique de Ferruccio Busoni qui n'eut pas de succès. On ignore peut-être que le Casse-noisette de Tchaïkovski est tiré d'un texte de Dumas qui s'inspirait d'Hoffmann. On ignore moins comment Offenbach fit revivre avec bonheur son univers. J'espère pouvoir vous entretenir prochainement de L'homme au sable qui m'attend sur l'armoire.
Éditions Sillage, 158 pages.
La trame met en scène une combinaison des principaux types de personnages hoffmanniens. Le jeune fille idéale, belle et convoitée, (Albertine), le bourgeois rustre et intéressé (le baron Bensch), le fonctionnaire maniaque (le secrétaire de chancellerie Tusmann), l'Artiste (le peintre Edmund) – avec le A majuscule de celui qui a entendu un appel, celui qui a une mission, comme celle qu'Hoffmann lui-même espérait accomplir en musique – et le magicien inquiétant et ambivalent, aux pouvoirs sans limites, qui agit comme un marionnettiste fascinant, mi-diable, mi-mage (tel l'écrivain...). Ce dernier «masque» figure le moteur surnaturel qui anime les contes fantastiques de l'auteur prussien.
Imbroglio amoureux qui voit l'héritière Albertine, éprise du jeune peintre Edmund, devenir l'objet des convoitises de deux autres prétendants aux motivations moins limpides. Si on sait dès le départ qui l'emportera comme dans tout beau conte, le lecteur est suspendu à la façon dont les décisions se font, par l'entremise d'une abracadabrante scène de loterie où chacun trouve son compte, parodie de la scène des coffrets du Marchand de Venise de Shakespeare. Mais une ombre hoffmannienne plane jusqu'à la fin, et la comédie s'achève avec une virevolte qui sonne comme un grand rire noir, pour reprendre les mots de Péju pour qualifier l'œuvre d'Hoffmann.
Avec son aisance de la caricature, il n'est pas étonnant que l'auteur ait connu quelques ennuis avec des collègues et amis. Il fait communiquer des mondes et facilite les dédoublements, en maître d'une sorte de «réalisme fantastique», fondement de son art. Il n'hésite pas à mélanger les genres, passant de la drôlerie à l'angoisse, multipliant les références empruntées à la tradition et à la littérature. Une connaissance fine des mœurs des petits-bourgeois lui permet de traduire le fantastique en une réalité troublante.
Le choix d'une fiancée qui se présente sous la forme d'une nouvelle longue – assez pour que les personnages deviennent familiers –, a servi de base à un opéra-comique fantastique de Ferruccio Busoni qui n'eut pas de succès. On ignore peut-être que le Casse-noisette de Tchaïkovski est tiré d'un texte de Dumas qui s'inspirait d'Hoffmann. On ignore moins comment Offenbach fit revivre avec bonheur son univers. J'espère pouvoir vous entretenir prochainement de L'homme au sable qui m'attend sur l'armoire.
Beaucoup aimé ces contes, lus chez Corti je crois, il y a longtemps. Merveilleux souvenir du "Violon de Crémone" où cet adorateur de Mozart glisse vers le fantastique.
RépondreSupprimer"Le violon de Crémone" ne figure pas parmi les six contes que je m'apprête à lire. Il avait un prénom prédestiné, Amadeus... Découverte totale pour moi et je me réjouis de le poursuivre.
SupprimerBonne continuation !
RépondreSupprimerLes éditions Sillage font un travail remarquable, j'ai lu pas mal de beaux textes qu'ils remettent en lumière, dont un sur Jules Renard, si je me souviens bien.
Et en restant dans la musique classique, les mémoires de Berlioz sont extraordinaires, si jamais vous tombez un jour dessus....
Merci beaucoup pour le conseil, je ne manque pas de suivre attentivement les éditions Sillage. Rien que ce petit Hoffmann, vite et bien préfacé, m'avait convaincu de ce que vous dites.
SupprimerEt je vois qu'il reste encore quelques éditeurs qui ne vous fâchent pas ;-)
Bon dimanche.
Je n'ai jamais lu ces contes, pour moi Hoffmann n'évoque que la musique d'Offenbach ! Je devrais peut-être me pencher sur cette lacune.
RépondreSupprimerEssayez, c'est distrayant et très fin.
Supprimerj'aime bien cet éditeur grâce à qui j'ai lu Thomas Hardy ou Tchékov , j'ai lu les nouvelles d'Hoffmann il y a très longtemps mais comme c'est un genre qui me parle peu je n'en garde pas un vrai souvenir
RépondreSupprimerIl ne faut surtout pas trop croire que Hoffmann fait du fantastique pour le plaisir du fantastique. C'est «bien utilisé» dans son genre de comédie.
SupprimerC'est vraiment un grand classique, moins connu en francophonie, parce qu'il est allemand peut-être.
Si je ne m'abuse (pas moyen de vérifier ce genre d'association mentale ;-), c'est parce que Karen Blixen admirait Hoffmann que je suis arrivée à lire quelques-uns de ces contes, pas celui-ci ni "L'homme au sable" qui ne figurent pas dans mon édition de poche. Cette "comédie" semble garantir un bon moment de lecture.
RépondreSupprimerAvant de l'aborder, je me tournerai sans doute vers "Le chat Murr" que je m'étais promis de lire aussi (inspirateur de Sôseki, "Je suis un chat").
J'ai omis de citer "La chat Murr" dans mon compte-rendu et c'est, j'en conviens, impardonnable aux yeux de celles et ceux qui aiment les chats ;)
SupprimerJe pense que les contes de Karen Blixen me conviendront: j'en prends note..
Le petit recueil de Hoffmann que j'espère bientôt lire s'appelle "Contes Fantastiques" chez JC Lattès.
Et puisque j'aime aussi les chats sans vouloir/pouvoir encore en posséder, j'irai voir du côté de Sôseki. Enfin, avez-vous lu "Le chat révélé" de Desmond Morris ?
Non, je ne connaissais pas ce titre, je le note, merci. Trois mois après la disparition de Nina, cela devient plus facile de penser aux chats sans trop de tristesse. On en rencontre si souvent dans les livres.
SupprimerJe suis désolé pour Nina, mais il paraît que les chats ont sept vies...
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