Tagada... nous courrions enfants dans la cour.... tagada... pan! pan !... serrant du poing vide les rennes de montures nerveuses... sous le préau, pan !... harcelés de coups de fusil, indiens hurlants à notre poursuite... tagada... parfois touchés «pour de rire», jamais morts. Nous étions Kit Carson, Davy Crockett ou Buffalo Bill, loin de songer que le cinéma que nous nous faisions, venu des salles obscures, certains de ses héros se l'étaient inventé de toutes pièces. C'est le cas de Buffalo Bill dont la légende s'est probablement bâtie au coin d'un comptoir de saloon.
On a fait un mythe et collé un nom de bison à William Cody, carrure de bûcheron et mains d'artiste, employé des chemins de fer qui, entre deux coups de gnôle, racontait des fanfaronnades à rallonges dont Ned Buntline fit un roman à bon marché. Bill n'a décidé de rien, son personnage le dépasse, on l’encourage à jouer son rôle lui-même. C’est ainsi qu’il monte sur scène, vêtu de costumes de fantaisie, afin de se conformer à son personnage. Il s’imite. Il deviendra lentement celui qu’il joue. Sa vie sera la parodie de sa vie, en quelque sorte, une autre vie fabriquée, promise à d’autres.
Le spectacle devient le célèbre Wild West Show – chaque jour quarante mille personnes – et révolutionne l'art du showbiz... : parfois, la scène semble exister davantage que le monde, elle est plus présente que nos vies, plus émouvante et vraisemblable que la réalité, plus effrayante que nos cauchemars.
Le spectacle devient le célèbre Wild West Show – chaque jour quarante mille personnes – et révolutionne l'art du showbiz... : parfois, la scène semble exister davantage que le monde, elle est plus présente que nos vies, plus émouvante et vraisemblable que la réalité, plus effrayante que nos cauchemars.
Sitting Bull |
On aime ou pas les spectacles vivants, mais l'indignation surgit quand on propose à des indiens de jouer leur propre rôle dans ce qu'il convient d'appeler une farce, un trucage de la réalité : Wounded Knee ne fût pas une bataille mais un massacre, il n'y a pas eu de victoire mais une boucherie commise par le 7e régiment de cavalerie, commandés par le major Whitside. Tristesse de la terre raconte l'avènement de ce cirque et la vie de celui qu'on appela Buffalo Bill. On ne parlera pas d'un roman mais d'un récit, en soulignant l'adroite formulation de l'éditeur Actes Sud sur la quatrième de couverture : «une écriture acérée et rigoureusement inventive». Les très remarqués Conquistadors, La bataille d'Occident et surtout Congo, permettent d'accorder le crédit de la véracité historique à Éric Vuillard, un des écrivains les plus incisifs de sa génération, septième livre déjà.
L’Indien se cache, mais tout le monde le voit. Les soldats approchent lentement, ils ne savent pas où est l’Indien ! La foule crie. Siffle. Les mentons tremblent. Un cornet de frites glisse entre les sièges. Le rideau du destin est ouvert, il va peut-être se refermer dans un instant ! Un jeune soldat rampe vers la droite, Sitting Bull ne l’a pas vu… Les respirations s’arrêtent. Le chef indien tourne la tête, il a juste le temps d’amorcer un geste, le soldat tire. Silence. Une seconde détonation lui troue le ventre et l’Indien chancelle. Ah ! comme on l’aime à présent, les enfants du moins, et même les adultes éprouvent en secret ce précipité de culpabilité irrémédiable qui finalement absout de tout. L’Indien est mort. Les cavaliers remontent en selle et quittent la piste. La foule applaudit et bisse ; car à cet instant, on désire plus que tout revoir la scène, oui, juste la fin tragique, seulement ça, la mort du chef indien. L’émotion est ainsi faite qu’elle arrive sur commande ; le même épisode vu et revu, le refrain d’une chanson passée en boucle nous met chaque fois les larmes aux yeux, comme si une vérité indicible et sublime se répétait inaltérée. Alors, l’acteur se relève, les morts ressuscitent, les cavaliers reviennent en scène ; et on rejoue le final.
Voilà le Wild West Show, l'histoire revue et corrigée par Buffalo Bill et John Burke, dans le plus pur esprit américain : C’est une version pour nos livres de classe. Une version pour enfants.
L’Indien se cache, mais tout le monde le voit. Les soldats approchent lentement, ils ne savent pas où est l’Indien ! La foule crie. Siffle. Les mentons tremblent. Un cornet de frites glisse entre les sièges. Le rideau du destin est ouvert, il va peut-être se refermer dans un instant ! Un jeune soldat rampe vers la droite, Sitting Bull ne l’a pas vu… Les respirations s’arrêtent. Le chef indien tourne la tête, il a juste le temps d’amorcer un geste, le soldat tire. Silence. Une seconde détonation lui troue le ventre et l’Indien chancelle. Ah ! comme on l’aime à présent, les enfants du moins, et même les adultes éprouvent en secret ce précipité de culpabilité irrémédiable qui finalement absout de tout. L’Indien est mort. Les cavaliers remontent en selle et quittent la piste. La foule applaudit et bisse ; car à cet instant, on désire plus que tout revoir la scène, oui, juste la fin tragique, seulement ça, la mort du chef indien. L’émotion est ainsi faite qu’elle arrive sur commande ; le même épisode vu et revu, le refrain d’une chanson passée en boucle nous met chaque fois les larmes aux yeux, comme si une vérité indicible et sublime se répétait inaltérée. Alors, l’acteur se relève, les morts ressuscitent, les cavaliers reviennent en scène ; et on rejoue le final.
Voilà le Wild West Show, l'histoire revue et corrigée par Buffalo Bill et John Burke, dans le plus pur esprit américain : C’est une version pour nos livres de classe. Une version pour enfants.
une drôle d'épopée, j'ai beaucoup lu sur ce sujet quand les éditeurs ont consacré des collections aux "terre d'Amérique" et où l'on a découvert les premiers textes sur les massacres indiens
RépondreSupprimerje garde un très fort souvenir de Enterre mon coeur à Wounded Knee
Dee Brown, pour ce titre sur le massacre. Je n'avais jamais lu sur ces sujets, j'y reviendrai peut-être plus tard. Qu'on ai fait un show édulcoré d'un crime humanitaire est révoltant, mais cela est souvent le cas pour beaucoup d'événements proches de nous qui ont été beaucoup moins reluisants que ce que l'histoire en retient pour ses enfants.
SupprimerJ'ai découvert cet auteur par ce livre, magnifique. Du coup j'en ai lu deux autres de lui, différents mais tout aussi bien.
RépondreSupprimerLesquels avez-vous lus Pascale ? J'aimerais aborder "Congo", dans la ligne du "Rêve du celte" de Vargas Llosa que j'ai lu il y a quelque temps.
SupprimerLa légende de la première illustration en dit long sur ces massacres au nom d'une civilisation, d'une race.
RépondreSupprimerUn sujet qui m'intéresse, un auteur à découvrir.
Vous avez tout dit. Bonne soirée Tania.
SupprimerJ'ai lu un petit récit, "Congo" et un long, "Conquistadors" que j'ai préféré, peut-être à cause du thème, sûrement pas à cause du traitement ou de l'écriture, superbes dans les deux ouvrages.
RépondreSupprimerJe ne connais pas le Vargas Llosa dont vous parlez...
"Le rêve du celte" est une biographie romancée par Vargas Llosa du révolutionnaire irlandais Roger Casement qui fut sensible aux injustices sociales de la colonisation en Afrique (Leopold II et le Congo). La seconde partie de livre se déroule en Amazonie mais je ne l'ai pas (encore ) lue. Un personnage fascinant.
SupprimerUn auteur que j'aimerais découvrir, pour son écriture. Après il reste à choisir le thème qui me parle le plus dans l'immédiat.
RépondreSupprimerC'est à vous de voir, il ne faut pas nécessairement aller vers des thèmes qui nous sont sympathiques, au risque de s'y enfermer.
SupprimerCe sujet-ci ne m'intéressait pas du tout mais je me suis laissé mener après deux pages et je ne l'ai pas regretté.
Bonne journée.
Idem que vous sur votre réponse à Aifelle ci-dessus, Christian.
RépondreSupprimerJe n'ai jamais entendu parler de cette bio romancée... et si je peux vous conseiller, sur le thème de la colonisation du Congo par les Belges, je vous encouragerais à lire "Je ne suis qu'un nègre" du belge de langue néerlandaise Jef Geeraerts, c'est sur le lendemain de l'Indépendance, puis continuez avec son "Récit de Matsombo". Terrible.
Merci, je prends note. Il y a prescription, mais cela reste un sujet délicat ici en Belgique.
SupprimerJe n'ai pas lu ce livre là mais beaucoup d'autres ("enterre mon coeur à Wonded Knee" fut l'un des premiers d'une longue liste) sur les massacres d'indiens , on est bien loin du cinéma et plus proche de l’horreur des génocides.Je note ce roman.
RépondreSupprimerVous citez le même titre que Dominique.Je vais le chercher à la bibliothèque.
SupprimerComme vous dites, pas le cinéma...
Avec tous les indiens qui courent ou galopent dans mon blog, j'ai évidemment lu ce roman, découvert une belle écriture ... et pas fait de billet!
RépondreSupprimerLa prochaine fois que j'irai dans votre blog, je ferai attention aux flèches des indiens...;)
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