Raconter déforme, raconter les faits déforme les faits, les falsifie et les nie presque, tout ce qui est raconté devient irréel et approximatif même si c'est vrai, la vérité ne dépend pas du fait que les choses soient ou arrivent, mais du fait qu'elles restent cachées, ignorées, non racontées, dès qu'elles sont relatées, mises en évidence, montrées, même par ce qui semble le plus réel, la télévision ou les journaux, ce que l'on appelle la réalité ou la vie ou encore la vie réelle, elles participent alors de l'analogie, du symbole, ce ne sont plus des faits, ils se changent en reconnaissance. La vérité ne brille jamais, comme dit l'expression, car la seule vérité est celle que l'on ne connaît ni ne transmet, celle que l'on ne traduit pas en mots ou en images, celle qui est cachée et non vérifiée, c'est peut-être pour cela que l'on raconte tout, pour que rien ne soit jamais arrivé, puisqu'on le raconte.
[...]
«J'ai fait l'action»[1], s'est risqué à dire Macbeth, juste après l'avoir faite, qui se risquerait à ce point, non point tant à le faire qu'à le dire, la vie et les années à venir ne dépendent pas de ce qui se fait, mais de ce que l'on sait de quelqu'un, de ce que l'on sait qu'il a fait et de ce que l'on ne sait pas parce qu'il n'y a pas eu de témoins et qu'il s'est tu.
Javier Marías - Un cœur si blanc
Javier Marías - Un cœur si blanc
Merci pour cet extrait! En disant on cache..c'est la quadrature du cercle, car pourquoi dire alors?
RépondreSupprimerJavier Marias bouscule les certitudes, réfléchit sur le dit, le non-dit, nous pousse à le faire avec lui. Les questions aboutissent à des illogismes, tant mieux, gardons-nous des évidences faciles, rien ne l'est, ni noir ou blanc. La vérité est rarement l'évidence.
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