"Depuis ses commencements, la littérature s'est nouée au chant, à la poésie orale. Sacrant Dylan comme figure du barde homérique ayant renoué avec l'aube de la littérature, le jury ne laisse point entendre que le verbe nu ne se suffit plus à lui-même. À travers Dylan, l'académie a reconnu une littérature qui a configuré notre époque. Sacraliser la poésie électrifiée n'est pas ipso facto enterrer une écriture ne pariant que sur son rythme muet."
Véronique Bergen - La Nouvelle Quinzaine Littéraire (n°1160, novembre 2016)
Premier fait, l'élu n'est pas venu à la remise officielle du prix, il a préféré une discrète réunion ultérieure. Dans sa lettre de remerciement à l'Académie, Bob Dylan écrit n'imaginer pas que Shakespeare, animé par une grande ambition artistique, aux prises avec les problèmes terre-à-terre de son théâtre, se soit jamais posé la question de savoir s'il faisait ou non de la littérature, pas plus que le chanteur se l'est jamais posée lui-même. Le couronnement de l'Académie suédoise le flatte, mais il est peu vraisemblable que la question le sensibilise vraiment.
Faut-il voir dans le choix d'une icône de la chanson populaire une volonté de ranimer un prix Nobel essoufflé ? Ce que semble insinuer David Caviglioli (Bibliobs) qui souligne "l’ennui poli qui accueille les Nobel de littérature depuis une vingtaine d’années". Le journaliste conclut son compte-rendu de la soirée de remise du prix (j'ai tendance a faire le même constat) : "C'était au fond une triste soirée pour la littérature, qui n’était pas là et qui n’a manqué à personne".
Toutefois, s'étonner de Dylan nobelisé, s'en indigner au plan purement littéraire, serait mal placer le débat. Le Nobel de littérature tient à couronner un écrivain qui a "rendu de grands services à l'humanité grâce à une œuvre littéraire" (wikipédia) et il faut se rappeler que "la qualité des apports poétique et esthétique d'une œuvre au domaine des Lettres n'est pas le seul critère impartial sur lequel s'axe l'Académie suédoise" (wikipédia). De là les nombreuses controverses qui entraînent des contestations, régulièrement et depuis toujours.
Que la littérature élargisse ses marges m'importe peu, le "verbe nu" et le "rythme muet", nimbés du silence où je lis, suffisent à m'enchanter.
Oh, magnifique conclusion, permettez-moi de la partager avec vous. (Shakespeare, excusez du peu.)
RépondreSupprimerEh bien je me doutais que vous seriez d'accord sur ce point.
SupprimerAnecdote : je me souviens qu'un professeur de français à l'Athénée nous avait fait apprendre (et réciter) "Le plat pays".
je n'ai pas un goût prononcé pour Bob Dylan mais si Leonard Cohen avait eu le prix Nobel cela m’aurait beaucoup plu, alors oui je suis d'accord avec ce billet.
RépondreSupprimerSans être un connaisseur des textes de Dylan ou Cohen, j'écoute les deux avec plaisir(et même plus pour certains titres de Cohen), ils font parte de ma jeunesse musicale. Mais tout cela fait partie d'un univers de la chanson, avec tout ce que ça implique. Pas de la lecture, pour moi en tout cas.
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