Alors que je relis quelques passages dans "Le Réel - Traité de l'idiotie" pour clarifier Clément Rosset où il blâme Kant et sa critique de la raison, je ne résiste pas à l'envie de partager quelques lignes savoureuses.
Le contexte. Il a d'abord défini l'illusionniste [p. 62-71], celui qui diffère sans cesse le sens, pour qui le sens est ailleurs et toujours à révéler (les hégéliens modernes, Lacan, Derrida,...). Rosset illustre ceci avec "Le motif dans le tapis" d'Henry James, où le secret jamais dévoilé acquiert une telle présence, quasiment physique, qu'il importe peu de savoir ce qu'il est. On attire donc l'attention sur quelque chose d'invisible et dont on convient qu'elle l'est.
Le contexte. Il a d'abord défini l'illusionniste [p. 62-71], celui qui diffère sans cesse le sens, pour qui le sens est ailleurs et toujours à révéler (les hégéliens modernes, Lacan, Derrida,...). Rosset illustre ceci avec "Le motif dans le tapis" d'Henry James, où le secret jamais dévoilé acquiert une telle présence, quasiment physique, qu'il importe peu de savoir ce qu'il est. On attire donc l'attention sur quelque chose d'invisible et dont on convient qu'elle l'est.
Plus radicale, une manière moderne de conserver le sens consiste à le repérer comme absolument absent et manquant, tout en le maintenant sous forme de pure croyance. Voilà l'inguérissable. [p. 71 et suiv.]
"L'incurable est l'homme atteint d'une maladie à laquelle il n'est pas de remède. L'inguérissable est autre: atteint d'une maladie à laquelle il est d'excellents remèdes, remèdes pour d'assez mystérieuses raisons, sans effet. Il est par conséquent plus profondément «incurable» que l'incurable ordinaire, lequel pourrait toujours s'imaginer guérissant, si l'on découvrait un remède à son cas ; alors que l'autre, l'inguérissable, qui est en quelque sorte vacciné contre tous les remèdes, est à jamais à l'abri de toute guérison possible. Allons plus loin: l'inguérissable c'est l'homme sain d'esprit, c'est l'homme guéri, celui que la guérison même ne réussit pas à modifier. C'est pourquoi nous avons dit ailleurs que le névrosé dont s'occupent les psychanalystes figurait un cas anodin et somme toute bénin en comparaison de l'homme normal. Il n'est pas de remède contre la clairvoyance ; on peut prétendre éclairer celui qui voit trouble, pas celui qui voit clair. Toute «remontrance» est vaine, adressée à quelqu'un qui a déjà sous les yeux ce qu'on se propose de lui faire voir : on ne lui en «re-montrera» jamais, tout étant déjà montré." [p.72]
Rosset a le don d'illustrer son propos d'exemples didactiques. L'inguérissable, c'est le héros du "Journal d'un fou" de Gogol : l'Espagne a un nouveau roi et c'est lui, pense-t-il ; il se prenait pour le conseiller titulaire et frémit à l'idée qu'on aurait pu l'enfermer pour cela. Le bonhomme est tout à fait conscient de ce qu'il ne faut pas faire pour éviter l'asile, ne pas se prendre pour un autre, et il est persuadé maintenant d'être le roi.
La suite du texte [p. 73 et suiv.] conduit au désaveu de la "critique non criticante" de Kant, source selon Clément Rosset des formes modernes de dogmatisme : "on croira de toute façon, peu importe à quoi".
"L'incurable est l'homme atteint d'une maladie à laquelle il n'est pas de remède. L'inguérissable est autre: atteint d'une maladie à laquelle il est d'excellents remèdes, remèdes pour d'assez mystérieuses raisons, sans effet. Il est par conséquent plus profondément «incurable» que l'incurable ordinaire, lequel pourrait toujours s'imaginer guérissant, si l'on découvrait un remède à son cas ; alors que l'autre, l'inguérissable, qui est en quelque sorte vacciné contre tous les remèdes, est à jamais à l'abri de toute guérison possible. Allons plus loin: l'inguérissable c'est l'homme sain d'esprit, c'est l'homme guéri, celui que la guérison même ne réussit pas à modifier. C'est pourquoi nous avons dit ailleurs que le névrosé dont s'occupent les psychanalystes figurait un cas anodin et somme toute bénin en comparaison de l'homme normal. Il n'est pas de remède contre la clairvoyance ; on peut prétendre éclairer celui qui voit trouble, pas celui qui voit clair. Toute «remontrance» est vaine, adressée à quelqu'un qui a déjà sous les yeux ce qu'on se propose de lui faire voir : on ne lui en «re-montrera» jamais, tout étant déjà montré." [p.72]
Rosset a le don d'illustrer son propos d'exemples didactiques. L'inguérissable, c'est le héros du "Journal d'un fou" de Gogol : l'Espagne a un nouveau roi et c'est lui, pense-t-il ; il se prenait pour le conseiller titulaire et frémit à l'idée qu'on aurait pu l'enfermer pour cela. Le bonhomme est tout à fait conscient de ce qu'il ne faut pas faire pour éviter l'asile, ne pas se prendre pour un autre, et il est persuadé maintenant d'être le roi.
La suite du texte [p. 73 et suiv.] conduit au désaveu de la "critique non criticante" de Kant, source selon Clément Rosset des formes modernes de dogmatisme : "on croira de toute façon, peu importe à quoi".
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