Albin Michel, 2021 175 pages |
Je trouvai cela drôle, fin et littéraire. Il n'en fallut pas plus pour que j'entre dans ce trentième opus d'Amélie Nothomb, moi qui la boudais depuis plus de vingt ans, pensant n'avoir lu que "Hygiène de l'assassin" (1992), alors que je compte sept titres à mon actif, dont plus de la moitié sont cochés d'une note positive.
Le père d'Amélie est décédé à 84 ans, en 2020, elle ne put assister à ses funérailles (Covid) et ce roman biographique s'écrivit dans la foulée. Loin de tout dolorisme, rédigé à la première personne – c'est presque du culot – ce père se raconte, depuis la petite enfance à sa libération en 1964, lors de la prise d'otage par les révolutionnaires Simbas à Stanleyville (Opération Dragon rouge). Il y fut otage et négociateur en vertu de son statut de diplomate.
Alors que le peloton d'exécution, la mort imminente pointent Patrick, vingt-huit ans, soudain pris dans le rétrécissement infini de son existence, il raconte les moments importants de son enfance, de sa vie d'homme, donnant un récit qu'on voit s'épanouir comme un conte.
Le roman a l'élégance de la simplicité, écrit dans un style direct, pur, sans détours.
Alors que je m'emberlificote pour le résumer, comment donc s'écrit un récit aussi limpide et de haute tenue littéraire ? Tenez, l'entrée par le train de l'enfant dans la vraie Ardenne : "Assis à côté de la fenêtre, je voyais défiler un paysage de plus en plus sauvage. Dès Jemelle, ce fut la grande forêt des Ardennes, dont la splendeur m'interdit." J'ai éprouvé cela un jour dans les mêmes circonstances : rien ne dépasse ce silence après le passé simple.
Le grand-père Pierre Nothomb vit dans le château du Pont d'Oye ; il eût treize enfants. Un de ses fils, le père de Patrick, fut tué dans un accident de déminage avant la guerre et laissa Claude, une veuve remarquablement stoïque dont Amélie Nothomb dessine l'ombre admirable [extrait à venir]. Le château en question fut le lieu d'enfance adéquat où s'endurcir, avec des êtres sauvages petits et grands, à savoir oncles et tantes du jeune Patrick. L'atmosphère me rappelle le château du Grand Meaulnes tant tout semble s'y passer dans un songe. Il en est ainsi de la grande part du récit, dont la rencontre très romanesque avec Danièle, future maman de l'auteure.
Il ne s'agit en rien d'un texte larmoyant, mais d'un roman sensible et drôle qui m'a ébloui. Le tour de force est de l'avoir écrit malgré le deuil, comme si ne venait à l'écrivaine que ce qui ne devait pas chagriner. Par "Premier sang", papa se rêve, papa revit.
Article dans le "Le Carnet et les Instants" suivis d'un entretien (équipe Albin Michel) avec l'autrice, un verre de champagne à la main, bien entendu.
Tiens tiens, là vous me tentez beaucoup. Je sais de quoi est capable Amélie N quand elle se lance. Ses livres plus autobiographiques m'attirent plus, justement.
RépondreSupprimerIci, elle parle peu d'elle-même, il s'agit quasiment de l' «autobiographie » de son père, écrite par elle. Je posterai un billet qui concerne sa grand-mère Claude demain.
Supprimerje suis punie pour mes jugements à l'emporte pièce, pendant des années j'ai snobé Amélie Notomb, j'avais lu un seul roman qui m'avait agacé et je n'aimais pas le personnage
RépondreSupprimerIl y a quelques semaines j'ai lu sur la recommandation sur un blog Psychopompe et j'ai énormément aimé, je viens de lire le récit de son retour au Japon et j'ai énormément aimé, du coup j'ai acheté son livre sur le Japon tout récent et j'y prend grand plaisir
Du coup je note celui là vous faisant totalement confiance
Votre confiance m'honore, chère Dominique.
SupprimerUn peu comme vous, je l'ai snobée mais je reviens sur cet a priori négatif. L'ami qui m'a refilé "Premier sang" m'a prêté son dernier, 'L'impossible retour".
Bizarrement, j'ai lu ce récit sans y entrer, si je puis dire. Je devrais peut-être lui donner une seconde chance. "Pyschopompe" m'avait enchantée.
RépondreSupprimerUne lectrice, un lecteur n'est pas l'autre. Je note "Psychopompe".
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