Éditions Arléa, 2009 - 90 pages - 13€
Un coup de cœur parti de trois pages parcourues comme on lèche un incipit au détour d'un rayon de librairie. Quel diagnostic pour cette femme jeune qui va consulter un neurologue pour une douleur inquiétante au bras ? Des taches blanches au cerveau, maladie démyélinisante, potentiellement très grave. Elle décide de tout quitter, mari, enfants. Geste excessif, avec, dirait-on, le sceau d'interrogations féministes ou existentielles. On craint la suite, pénible psycho-scénario pour chaîne audience confidentielle.
Mais trop tard, le style simple et ample, la voix sûre et lucide ont déjà pris le dessus: impossible de rien lâcher. Ensuite, aucun rideau de soins palliatifs en bout de couloir, pas de nana qui pleure vodka sur le sofa. Le premier roman d'Anne Révah, c'est beau et c'est bien, avec cette facilité d'écriture émouvante: du talent et des mots.
Au lieu de prendre l'avion pour Madras, atterrissage dans un meublé en location pour taper une lettre à sa mère: Je veux te donner un récit, avec un début, une fin. Et dès la page 33, le lecteur s'envole avec les sentences – et je choisis le mot – de cette lettre libératrice inattendue. La course de mes mots est mon seul rythme. En dire plus tuerait le sujet difficile, vite et finement traité. Au bout, le livre reste calé entre les doigts crispés, un peu groggy : on voudrait dire merci pourtant.
Je n'ai pas l'habitude d'être aussi dithyrambique à propos d'un livre, je sais que cette auteure a écrit ceci après, j'ignore quels succès lui sont acquis ou promis, mais avec ce Manhattan, elle a réussi, selon moi, un pierre fine idéalement taillée. On a l'impression d'un seul jet mais tout, les tournures, la progression, la concision incisive témoignent d'un bon travail de polissage dans l'ombre. Jamais on ne sent le roman, jamais on ne sent les 90 pages se dérober tant c'est pathétique et juste. Et pudique. L'intensité du ton monocorde s'épand en un réquisitoire douloureux.
Alors pourquoi Manhattan ? Le mal que ressent la narratrice sur la peau de l'avant-bras a la forme d'un rectangle qui évoque pour elle l'arrondissement de Manhattan. Cela fait écho à un voyage décevant avec son mari à New-York :
Au lieu de prendre l'avion pour Madras, atterrissage dans un meublé en location pour taper une lettre à sa mère: Je veux te donner un récit, avec un début, une fin. Et dès la page 33, le lecteur s'envole avec les sentences – et je choisis le mot – de cette lettre libératrice inattendue. La course de mes mots est mon seul rythme. En dire plus tuerait le sujet difficile, vite et finement traité. Au bout, le livre reste calé entre les doigts crispés, un peu groggy : on voudrait dire merci pourtant.
Je n'ai pas l'habitude d'être aussi dithyrambique à propos d'un livre, je sais que cette auteure a écrit ceci après, j'ignore quels succès lui sont acquis ou promis, mais avec ce Manhattan, elle a réussi, selon moi, un pierre fine idéalement taillée. On a l'impression d'un seul jet mais tout, les tournures, la progression, la concision incisive témoignent d'un bon travail de polissage dans l'ombre. Jamais on ne sent le roman, jamais on ne sent les 90 pages se dérober tant c'est pathétique et juste. Et pudique. L'intensité du ton monocorde s'épand en un réquisitoire douloureux.
Alors pourquoi Manhattan ? Le mal que ressent la narratrice sur la peau de l'avant-bras a la forme d'un rectangle qui évoque pour elle l'arrondissement de Manhattan. Cela fait écho à un voyage décevant avec son mari à New-York :
"Je n'ai rien dit de négatif, Victor a cru que j'étais contente; j'ai dit les choses qu'on dit habituellement à propos de New-York: c'est impressionnant. J'avais trouvé que c'était inhumain et fatigant."
"Inhumain et fatigant "comme une grave maladie, comme un drame jamais avoué. Cruel, plausible.
"Inhumain et fatigant "comme une grave maladie, comme un drame jamais avoué. Cruel, plausible.
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