3 décembre 2012

Le malheur des forts


... je ne puis m'empêcher de penser avec les vieux maîtres que, tout compte fait, il servirait de bien peu de chose aux hommes de posséder tout le reste, s'ils ne se possédaient d'abord eux-mêmes. Et quel est le fort qui se soit jamais possédé lui-même ?
 Je n'ai jamais été réellement moi, dit l'empereur à Saint-Héhène1.
De Goethe à Napoléon, ce sont les mêmes plaintes. Tandis que le grand Germain dit les travaux renaissants qui l'ont toujours emporté loin du bonheur, on entend le père immensément radieux du Code civil , le héros qui pendant vingt ans sauva chaque jour les Constitutions de l'Europe, l'homme  qui si souvent travailla pour des œuvres qui ne devaient  prendre naissance qu'après sa mort, lui faire écho dans cette conversation de Sainte-Hélène, parmi ses vieux compagnons fidèles:
 Nous disions à l'Empereur, au sujet de sa campagne d'Italie, des victoires rapides et journalières dont elle avait occupé la renommée, qu'il avait dû avoir bien des jouissances.
 Aucune, répliquait-il.
 Mais, au moins, Votre Majesté en a bien procuré au loin ?
 Cela se peut: au loin on ne lisait que le succès, on ignorait la position. Si j'avais eu des jouissances, je me serais reposé: mais j'avais toujours le péril devant moi, et la victoire du jour était aussitôt oubliée, pour s'occuper de l'obligation d'en remporter de nouvelles le lendemain, etc. etc. (sic).2 

Christian Beck - Le Papillon (Zellige) 

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