Au coin des rues, des jeunes-filles présentaient à chaque passante une large bande de coton sur laquelle elles invitaient à broder un point. Je connaissais cet usage par les lettres que m'adressait à présent ma famille. Partout, des femmes se penchaient sur ces points de broderie qui, au nombre de mille, étaient censés nous protéger et nous rendre invulnérables. Recevoir cette bande protectrice faisait partie du rituel des adieux. Quelque part, ma ceinture m'attendait. Je songeai à tous les visages qui se seraient penchés sur elle, aux doigts fins ou malhabiles qui auraient tiré l'aiguille, incrustant dans l'étoffe un nouveau signe chargé de sortilèges. Et cela raffermit mon âme. J'étais un combattant. J'allais combattre pour elles, pour eux tous. J'honorerais mes ancêtres et je ferais barrage à l'invasion ennemie, soudée à mon avion comme un samouraï à son sabre.
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Qui pouvait dire ce qu'était le courage ? Ne pas éprouver la peur ? Ou au contraire connaître une angoisse mortelle, du fait d'être contraint à attendre l'exécution de la sentence ?
Nicole Roland - Kosaburo, 1945 (Actes Sud)
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