23 janvier 2013

Kosaburo, 1945 - Nicole Roland


Kosaburo, étudiant universitaire japonais: sous l'influence de la propagande impériale, il se plonge dans l'étude du code des samouraïs et devient fervent combattant. Mitsuko, la jeune femme qu'il aime: elle est la sœur d'Akira, un garçon auquel le fanatisme fait peur, attaché aux beautés de la vie qu'il ne veut pas renier par un sacrifice contraint.
Car à cette époque de la fin du second conflit mondial, le Japon est survolé par les bombardiers américains et l'opprobre qui s'annonce pour le pays est combattu par l'endoctrinement pour subjuguer des combattants de la dernière chance. Akira renonce à se battre et s'enfuit dans un monastère, provoquant le déshonneur de sa famille. Mitsuko prend la place de son frère, pour sauver la face devant Kosaburo et épargner la dignité familiale, puis rejoint ce dernier qui l'entraîne aux arts martiaux, au pilotage et sur la voie de la perfection .

Dans le même camp d'entraînement que son ami, Mitsuko, les cheveux coupés, est perçue comme un garçon — rien n'est dit des difficultés pour cacher sa féminité dans la promiscuité des baraquements militaires — et devient une excellente pilote de chasse. Tous deux sont choisis comme potentiels kamikazes, représentants du vent divin[1], la force qui sauvera le pays de la défaite honteuse.

Vent divin.
Soufflant sur les braises d'un peuple exsangue
dont il espérait ranimer le courage.




Nicole Roland expose très bien comment, à travers les textes, figures et rites ancestraux, les jeunes japonais étaient amenés à se proclamer fiers de donner leur vie. L'endoctrinement des combattants répand des convictions contre nature: amour, poésie, sentimentalisme doivent être refoulés. Le seul destin possible est le combat avec la victoire ou la défaite avouable. La mort est la seule issue si l'empereur d'ascendance divine — il le sera jusqu'en 1947 — perd la face ou la vie.

Chaque jour, quand le corps et l'esprit sont en paix,
on doit méditer sur le fait d'être déchiré par des flèches, des lances,
projeté au cœur d'un immense feu, frappé par un éclair,
contraint à se faire seppuku à la mort de son maître.

Je vous laisse le soin de découvrir le destin de ces deux enfants et de leurs refoulements, alors que les bombes atomiques vont signifier la vanité du sacrifice ultime des héros. Nicole Roland a choisi de raconter cette fiction dramatique en courts chapitres formant un roman rapidement lu, instructif et assez captivant. Les motivations et états d'âme des kamikazes sont soigneusement rapportés. Qui peut comprendre ce qu'éprouvaient des êtres amenés à ruminer, jour après jour, des semaines entières, chaque détail de leur mission future, sans rien ignorer de ce qu'elle préfigurait ?


Dès 1943, les pilotes japonais, inexpérimentés et mal équipés, 
plus chassés que chasseurs...

Mon seul grief sera pour la description des combats aériens qui me paraissent un peu édulcorés et pour une insistance particulièrement maladroite sur la description des kitsune en plein final d'un récit qu'on regrette de voir ralentir à ce moment. Petite remarque à Actes Sud qui aurait pu ajouter quelques notes pour décrire sommairement certains termes de la culture traditionnelle japonaise.

Le livre trouve son sens définitif grâce à une postface. J'en tairai la nature car, placée en fin de récit, le vœu demeure que le lecteur en conçoive a posteriori la signification. Il est particulier que la vie privée de l'auteur induise une dimension réellement importante à un fiction, pour ma part, je considère que c'est ici un bénéfice.

Les avions utilisés par les japonais pour leurs raids suicides étaient les fameux Mitsubishi A6M, les Zéros: tout un pan de mon adolescence est revenu. Nous construisions, mon frère et moi, tous les avions de chasse au 1/72ème, en deux ou trois jours pour assembler les trente pièces plastiques Revell ou Heller, et si Spitfires et Stukas étaient des impératifs, le zéro étaient le sommet, la touche exotique de la collection, avec leurs décalcomanies, soleils rouges sur les ailes. C'est sans doute un peu dans ces carlingues de rêve et de toc que j'ai vu Mitsuko se battre dans le ciel...

Des kosaburo ont existé, leur jeunesse a été fracassée, ce livre leur rend hommage et nous met en garde contre la confiance aveugle ou excessive dans les valeurs doctrinales. Ce roman a obtenu le Prix Première en 2011 (jury d'auditeurs).

[1]Kamikaze se traduit vent divin.

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