12 février 2013

Contes pour Caprine - Maurice Carême

Illustration de Michel Ciry

La fluidité du style, le dépouillement et la simplicité des œuvres de l'auteur belge contrastent avec l'univers complexe, mutant et désenchanté que découvrent maintenant des yeux de plus en plus matérialistes. L'enchantement est affaire de regard et Carême invite à réanimer une réalité décolorée avec les atouts de l'enfance, jeux et rêves. En cela, ces contes où l'imaginaire est roi, diffusent un souffle vivifiant et salutaire. Ils ne sont pas seulement cela car, couronnés par le Prix Rossel en 1947, ils suscitent la réflexion sur, justement, le désenchantement, le passage à l'âge adulte et la mort dont l'antidote est la capacité de s'émerveiller. Le mot d'ordre, à qui sait l'entendre, est de préserver cette clé. On peut faire le tour du monde en parlant avec une étoile.

Maurice Carême convoque le Diable et le petit Jésus en personne et ce sera la seule nuance: c'est un peu vieux bateau en regard de la finesse du reste. Ces petites histoires fantastiques (le terme nouvelle conviendrait, chutes et formes répondant aux critères du genre, si l'univers était plus réaliste) conduisent inévitablement le lecteur à une interprétation spirituellement nourrissante. L'enfant qui les lira ou les entendra lire gagnera à formuler son ressenti: qu'a pensé Caprine, la petite fille assise sur les genoux du narrateur, de ce qu'on lui a lu ?

Primento propose trois publications[1] numériques simultanées: Mère, La lanterne magique, tout deux des poèmes, et ces contes en prose. L'habillement est sobre et beau: agrémentés d'illustrations soignées, le tout manifeste une belle présentation qui n'est pas toujours le souci premier de l'édition numérique.

Mon sentiment: "La Vague et le Goéland, Le Petit Vieux" sont de pures merveilles : chacun porte en lui ses morts. "Le Bonhomme de Neige" m'a ému: voulez-vous y entrer ?

"En se levant, la lune aperçut un bonhomme de neige debout sur la place du village. Elle ne put réprimer sa surprise lorsqu'elle le vit se décroiser les bras.

— Encore un malheureux qui va tenter de vivre ! Soupira-t-elle.

Que de gaucheries dans ses gestes ! Que d'efforts pour arracher du sol ses énormes pieds ! Le bonhomme faillit se casser à mi-corps et, durant un long moment, n'osa plus bouger. Pourtant ses yeux faits d'éclats de porcelaine s'habituaient à voir, sa cervelle de neige durcie s'accoutumait à réfléchir. Il ébaucha lourdement quelques pas, contourna la place en s'arrêtant à chaque tilleul, puis lâchant son balai, il s'engagea dans une rue craquante de gel.

L'idée lui vint de s'approcher d'une maison. Il jeta un coup d'œil par-dessus les rideaux, et ce qu'il discerna lui parut merveilleux.

(...)."

Oui, vous avez gardé votre âme d'enfant: émerveillez-vous, il est toujours temps.

Illustration de Léon Navez
[1] Vous trouverez en librairie numérique les formats iPadePub et Kindle.

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