Il ne réalise certainement pas, en Belgique ou ailleurs, les tirages de E-E Schmitt ou de Nothomb et il occupe moins d'espace médiatique. Mais sa discrétion lui va bien et les trois nouvelles publiées début 2013 (même pas, ou déjà plus, en présentoir dans la médiathèque) ont retenu mon attention pour deux raisons : prédilection pour cette forme de fiction courte et le souvenir heureux d'anciennes lectures de François Emmanuel (quinze ans déjà depuis La passion Savinsen).
J'ai beaucoup aimé ces trois textes consacrés au souvenir de personnes disparues, avec l'interrogation sur le passage, l'absence qui mute en présence dans les lieux où elles vécurent, où on les a aimées. Mélancolie, nostalgie dira-t-on, mais non, des mots fourre-tout, trop pauvres pour dire ce qui nous est donné là au rythme d'une musique dont on connaît le métier.
Convocation m'a procuré une vraie "épiphanie de lecteur". Texte simple et somptueux, ciselé, émouvant. Le narrateur arrive à Cagliari où il a vécu une passion avec L. Une lettre du mari de celle-ci, Stefano Minghelli, marchand d'art, l'a convoqué dans la ville sarde, sous-entendant que L. n'est plus. Lorsqu'ils se rencontrent, Minghelli propose d'acheter à sa place une esquisse de Filippo Lippi, un faux sans doute, manière d'approcher celui qui a connu des moments privilégiés avec la femme qu'il pleure. À présent que tout est fini j'ose croire qu'il est possible que nous parlions vous et moi sans nous protéger trop. La conjoncture suffit à elle seule à nous saisir. J'avais oublié à quel point l'auteur manie les longues phrases agréablement rythmées, génératrices d'émotion, comme si les mots parcouraient les veines, en mesure avec le trouble des protagonistes face à l'absence. En incise, les phrases de la lettre de l'antiquaire, révélée par bribes, parole lancinante et anxiogène qui habite le texte.
Emmanuel tient en Minghelli, admirable homme mûr, fragilisé et sensible et dans la belle L., sombre et lumineuse à la fois, artiste exigeante — si je ne suis plus visitée je m'arrêterai —, deux personnages immenses qui feraient un grand roman. Mais peut-être est-ce justement l'ellipse propre à la nouvelle qui confère à ces deux êtres une telle grandeur ? Jusqu'aux derniers mots — ..., regardons ensemble le soir qui tombe. —, nous nous élevons, avec cette littérature, une fois encore, au-dessus de la vie et la mort.
L'île des morts - Arnold Böcklin (version de Bâle, 1880) |
Les murmurantes sont les voix inspirantes, mais épuisantes, entendues par un écrivain espagnol. Possédé, il fait transcrire par son secrétaire ce qu'elles chuchotent, à charge pour ce dernier d'en faire le livre. La nouvelle relate les quelques jours des funérailles de l'écrivain, révélatrices de ce qui le liait à celui qui est devenu en quelque sorte son nègre. La progression mesurée de l'écriture fait entrer doucement, élégamment dans l'univers endeuillé d'une résidence sur un île d'Espagne (L'auteur parle du topos de la nouvelle). La seconde épouse envahissante, l'agent littéraire vénal, la fille du défunt dont le secrétaire est épris, l'accident qui a amené ce dernier à jouer un rôle prépondérant, tout cela compose une histoire riche autour d'un seul lieu, relatée en souvenances chargées de sens.
D'une envergure moindre, selon moi, avec L'Inde pour toile de fond, Amour déesse triste où le narrateur retourne sur les traces de celle qu'il a aimée à Goa, poussé par deux lettres énigmatiques de la bien-aimée. Vit-elle encore ? La mystique indienne, qui unifie le corps et l'âme sied parfaitement à cette quête : Il va se rendre compte que l'important est moins le le but à atteindre que le cheminement, constate François Emamnuel. Une phrase clé, laconique, est révélée par le sage Vishram : Ce que l'on cherche est toujours en soi, la suite de la nouvelle le fait comprendre.
Les cimetières sont peuplés de saints, diront les grincheux : les défunts de François Emmanuel n'ont en effet pas de défauts, ils sont très "lisses". C'est en cela, précisément, que ces nouvelles sont magnifiques: une grâce étrange et pure enveloppe les lieux qu'ils ont désertés.
Vous trouvez Les murmurantes sur Espace Livres : une interview de l'auteur et un extrait lu par lui.
D'une envergure moindre, selon moi, avec L'Inde pour toile de fond, Amour déesse triste où le narrateur retourne sur les traces de celle qu'il a aimée à Goa, poussé par deux lettres énigmatiques de la bien-aimée. Vit-elle encore ? La mystique indienne, qui unifie le corps et l'âme sied parfaitement à cette quête : Il va se rendre compte que l'important est moins le le but à atteindre que le cheminement, constate François Emamnuel. Une phrase clé, laconique, est révélée par le sage Vishram : Ce que l'on cherche est toujours en soi, la suite de la nouvelle le fait comprendre.
Les cimetières sont peuplés de saints, diront les grincheux : les défunts de François Emmanuel n'ont en effet pas de défauts, ils sont très "lisses". C'est en cela, précisément, que ces nouvelles sont magnifiques: une grâce étrange et pure enveloppe les lieux qu'ils ont désertés.
Vous trouvez Les murmurantes sur Espace Livres : une interview de l'auteur et un extrait lu par lui.
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