Tout a été dit précédemment sur le style emberlificoté et virtuose d'Alan Pauls (que mon introduction semble pasticher). Je ne crois pas avoir précisé l'absence de divisions du texte en chapitres. Juste un interligne de-ci de-là pour respirer. J'en garde l'impression que l'auteur s'est assis à sa table pour se lancer d'un trait dans sa confidence, sans respiration, dans des phrases digressives où le lecteur s'essoufflerait plus vite que lui, qui les déroule en coureur de fond infatigable.
Ce gamin croit en la douleur. Il croit plus en son héros préféré Superman anéanti par les fameuses pierres maléfiques (la kryptonite) que lorsque celui-ci vainc les lois de la gravité et s'envole à la vitesse de la lumière. Son père le définit: il est, il doit être très sensible, au point qu'il est devenu habituel que ce fils verse des pleurs en présence de son père pour répondre à l'image voulue et au point de ne plus pouvoir pleurer dans d'autres circonstances. Lorsque vient la fin de ces journées enthousiasmantes passées avec son père à la piscine, il associe le bout des doigts brûlants et fripés par l'eau à la sensation qui l'habite lorsqu'il perçoit la douleur, la peine des autres. Il est une oreille à laquelle se confient volontiers les adultes. Puis les paroles d'une chanson : Tout doit éclore/Comme au printemps/Surtout rien ne doit mourir à l'intérieur entendu dans un club. Il comprend tout. Peut-être s'agit-il du grand événement politique de sa vie : ce qui lui révèle la justesse de la cause pour laquelle il a toujours milité [la révolte] est en même temps et à jamais ce qui lui retourne le plus l'estomac [les confidences qu'on lui fait]. Dès lors il appelle cela la nausée. Puis curieusement, le 11 septembre 1973, après avoir vu l'incendie du palais présidentiel d'Allende au Chili à la télévision, il ne cèdera plus rien, surtout pas à son père. Il n'aura plus de larmes. Ce sera même à son tour de faire pleurer, comme on le verra.
Mais je tente d'expliquer alors qu'il est vain de vouloir résumer un livre d'Alan Pauls, il y a tant d'éléments disparates et secrets qui le composent... Comme est la vie tout simplement, sans réelle direction ni fil conducteur, hasards et coïncidences, multiple et complexe. L'argentin ne cherche pas à démontrer, il écrit ce qui s'est passé. Rien d'autre mais cela suffit souvent aux meilleurs textes, où l'on se retrouve, où l'on sourit et partage.
Ce gamin croit en la douleur. Il croit plus en son héros préféré Superman anéanti par les fameuses pierres maléfiques (la kryptonite) que lorsque celui-ci vainc les lois de la gravité et s'envole à la vitesse de la lumière. Son père le définit: il est, il doit être très sensible, au point qu'il est devenu habituel que ce fils verse des pleurs en présence de son père pour répondre à l'image voulue et au point de ne plus pouvoir pleurer dans d'autres circonstances. Lorsque vient la fin de ces journées enthousiasmantes passées avec son père à la piscine, il associe le bout des doigts brûlants et fripés par l'eau à la sensation qui l'habite lorsqu'il perçoit la douleur, la peine des autres. Il est une oreille à laquelle se confient volontiers les adultes. Puis les paroles d'une chanson : Tout doit éclore/Comme au printemps/Surtout rien ne doit mourir à l'intérieur entendu dans un club. Il comprend tout. Peut-être s'agit-il du grand événement politique de sa vie : ce qui lui révèle la justesse de la cause pour laquelle il a toujours milité [la révolte] est en même temps et à jamais ce qui lui retourne le plus l'estomac [les confidences qu'on lui fait]. Dès lors il appelle cela la nausée. Puis curieusement, le 11 septembre 1973, après avoir vu l'incendie du palais présidentiel d'Allende au Chili à la télévision, il ne cèdera plus rien, surtout pas à son père. Il n'aura plus de larmes. Ce sera même à son tour de faire pleurer, comme on le verra.
Mais je tente d'expliquer alors qu'il est vain de vouloir résumer un livre d'Alan Pauls, il y a tant d'éléments disparates et secrets qui le composent... Comme est la vie tout simplement, sans réelle direction ni fil conducteur, hasards et coïncidences, multiple et complexe. L'argentin ne cherche pas à démontrer, il écrit ce qui s'est passé. Rien d'autre mais cela suffit souvent aux meilleurs textes, où l'on se retrouve, où l'on sourit et partage.
On lit beaucoup que Pauls écrit sur l'histoire argentine, sur les événements politiques de l'Amérique du Sud : l'objet de ce livre n'est pas là du tout, car cette toile de fond sert d'abord à l'exploration de l'intime, d'une enfance. Cet officier mémorable, voisin de palier, qui garde l'enfant de quatre ans sur son tricycle est un tel moment de lecture...! Le coup de théâtre final lié à ce militaire se rattache de fait à l'histoire du pays, mais les dernières lignes du roman qui suivent reviennent encore sur les larmes, à mille lieues d'histoire de révolution.
Dans l'histoire de l'argent, puis dans celle-ci, je trouve que Pauls a brossé, souvent de façon allusive, le tableau d'un personnage saisissant, pathétique qui vaudrait mille romans : la mère. Aux deux tiers du triptyque, cette dépressive meurtrie se dessine pour moi de plus en plus nettement. Les révélations finales liées à l'argent, les derniers mots des larmes sont pour elle. À quand Histoire de la mère ?
Je voudrais répondre ici à des interrogations qui m'ont été faites sur Alan Pauls et le cinéma en citant l'auteur au sujet des adaptations de ses livres : [...]. "Mais en termes d’écriture, cinéma et littérature s’ignorent complètement. Aucune zone commune entre eux : ces deux pratiques voisines impliquent des contrats, des situations, des protocoles absolument différents. À tel point que je ne me sens jamais autant écrivain que lorsque je découvre pour la première fois l’adaptation de l’un de mes scénarios au cinéma. Face à la précarité des mots, je supporte mal l’aspect définitif que produit l’image sur l’écran. Mais ça n’a rien à voir avec la qualité du film ou avec la trahison ou non de mon histoire. C’est plutôt d’ordre ontologique. Et là, je suis toujours du coté de la littérature…" (Voir l'entretien complet sur "écrivains argentins").
Dans l'histoire de l'argent, puis dans celle-ci, je trouve que Pauls a brossé, souvent de façon allusive, le tableau d'un personnage saisissant, pathétique qui vaudrait mille romans : la mère. Aux deux tiers du triptyque, cette dépressive meurtrie se dessine pour moi de plus en plus nettement. Les révélations finales liées à l'argent, les derniers mots des larmes sont pour elle. À quand Histoire de la mère ?
Je voudrais répondre ici à des interrogations qui m'ont été faites sur Alan Pauls et le cinéma en citant l'auteur au sujet des adaptations de ses livres : [...]. "Mais en termes d’écriture, cinéma et littérature s’ignorent complètement. Aucune zone commune entre eux : ces deux pratiques voisines impliquent des contrats, des situations, des protocoles absolument différents. À tel point que je ne me sens jamais autant écrivain que lorsque je découvre pour la première fois l’adaptation de l’un de mes scénarios au cinéma. Face à la précarité des mots, je supporte mal l’aspect définitif que produit l’image sur l’écran. Mais ça n’a rien à voir avec la qualité du film ou avec la trahison ou non de mon histoire. C’est plutôt d’ordre ontologique. Et là, je suis toujours du coté de la littérature…" (Voir l'entretien complet sur "écrivains argentins").
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