18 mars 2015

Chaque époque a le sacré qu'elle mérite

Si la prééminence du marché constitue la religion bien tempérée de la démocratie libérale, le triomphe de l'argent en est, à coup sûr, son dévoiement. La crispation inégalitaire d'aujourd'hui est au libéralisme originel – celui d'Adam Smith ou de Tocqueville – ce que le catharisme avait été au christianisme ou le bolchevisme à la révolution d'Octobre : un intégrisme hérétique. Or c'est bien l'imperium de l'argent sur la culture, la tyrannie de la Finance sur l'économie, la corruption minant le politique qui paraissent configurer dorénavant la modernité occidentale et lui donnent, au-dehors, si mauvaise haleine.



De Chirico - Les Époux, 1926

Le titre du billet est une citation de l'auteur tirée du même ouvrage.

18 commentaires:

  1. J'avoue ne rien voir de bien tempéré dans la religion de la prééminence du marché !

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    1. Contradictoirement, Guillebaud utilise, un peu plus loin dans le texte, l'expression «chariah du marché». L'observation de la charia n'induit pas vraiment l'idée de modération.

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    2. @K : Je pense que Guillebaud use des termes «bien tempérée» pour souligner le côté muet, insidieux de cette loi du marché qui ne s'affiche pas ouvertement comme un dogme commun. Ce qui la rend d'autant plus maligne. Le titre du chapitre d'où vient l'extrait est précisément L'idéologie invisible".
      Il faut reconnaître que les mots accrochent, vingt ans après, quand on considère le potentiel dévastateur de l'économie de marché.

      Bonne soirée, à bientôt.

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    3. Effectivement, ce complément permet de mieux saisir. Merci !

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  2. Une mauvaise haleine...c'est peu dire!
    Nous n'en sommes pas à une contradiction près...

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    1. Guillebaud écrivait cela en 95, et la situation me semble bien plus criante maintenant. Cynisme et arrogance ne sont pas les valeurs que veulent reconnaître des pays moins favorisés pour les autoriser à accorder de l'estime aux démocraties occidentales.
      Bonne après-midi Colette

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  3. Je n'arrive pas toujours à suivre les propos de cet auteur, je ne le trouve pas très clair, mais la mauvaise haleine, oui, c'est une image qui parle. Et Colo a raison c'est peu dire ..

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    1. L'auteur est un intellectuel et son discours l'est beaucoup forcément. Je le trouve assez clair toutefois, sans quoi j'aurais quitté cet ouvrage qui m'a conduit jusqu'à son tiers aujourd'hui. Je reconnais qu'il faut parfois relire quelques paragraphes quand la concentration diminue.

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  4. Cela fait du bien de lire cela, je me sens moins seule. Mais bon, l'avenir n'est guère glorieux....

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    1. L'avenir fait peur, mais je crois qu'il faut, qu'il est impératif de garder, de prôner ce qui fait l'humanité belle. Surtout garder un esprit positif et optimiste : vous êtes loin d'être seule !

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    2. Je viens de relire pour l'étudier avec mes élèves, Les identités meurtrières, d'Amin Maalouf. Je me permets de vous conseiller ce livre si vous ne le connaissez pas. Un livre écrit en 1998 et tellement d'actualité.

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    3. J'ai loupé ce livre de Maalouf et y reviendrai volontiers, la question religieuse et identitaire est essentielle. Parti en quête, je découvre que j'ai le livre (en numérique) et, chance, une version audio. Merci pour le conseil, j'y entre dès que j'en ai terminé avec le Guillebaud.
      N'hésitez pas à me communiquer un retour sur la réception du texte par vos élèves.

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    4. "Mais c'est prise de tête, Madame, ce bouquin" - ça, c'était au début.
      "Mais on dirait qu'il l'a écrit hier ce bouquin" - ça, c'était à la fin.

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    5. C'est donc une réussite ! Ce qui atteste de l'universalité du livre de Maalouf. Merci à lui, à vous.

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  5. Comme Bonheur du Jour, si je ne déforme pas sa réaction, je suis scandalisée par ce libéralisme sauvage qui ne semble pas avoir de fin et aux conséquences désastreuses. Je retiens ce titre, merci & bon week-end.

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    1. Au long de ce livre, l'auteur met l'accent sur l'abandon par nos sociétés de ce qui les faisait crédibles, respectables, enviables : l'héritage des Lumières.
      Je pense revenir plus longuement dans un billet plus conséquent sur des propos tenus à la fin du siècle, alors qu'expirait l'idéologie communiste et qui, selon moi, restent totalement vifs vingt ans plus tard

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  6. un auteur qui me pose problème quant à son parcours personnel et je le trouve un peu trop donneur de leçon s mais je dois dire qu'ici ce qu'il dit fait écho chez moi

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    1. Il aurait peut-être été intéressant, voire fructueux, pour la communauté qui lit ceci, que vous exprimiez en quoi le parcours de Guillebaud vous pose problème...?
      Les intellectuels, qu'ils soient de tel ou tel «bord», dès qu'ils osent, après analyse, prendre position pour dénoncer, risquent de passer pour des donneurs de leçon. Ce que j'en ai lu ici, et je suis presque à la fin du livre, me laisse l'impression d'une opinion orientée, certes, et nuancée.

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