Ce dont il se souvenait vers la fin ? Rien. Ou alors si peu. Car s'il ne retombait pas en enfance, son enfance devait forcément remonter vers lui et, dans le désœuvrement auquel la vieillesse l'obligeait, il assistait à ce miracle imprévu qui, certainement, lui rendait cette part de son passé à laquelle il avait cessé de penser depuis que l'occupait le travail exclusif d'exister. Le Temps, avec pour chacun ce rêve plus ancien au sein duquel le cauchemar de l'Histoire ne vient s'installer qu'ensuite, préservant ainsi l'immémoriale antériorité d'un songe plus vrai que tous ceux qui l'ont suivi et que la lointaine nuit de jadis abrite, où les fictions du sommeil originel ne se laissent jamais totalement distinguer des premières expériences de la vie consciente. Et, entrant dans l'âge adulte, à son insu, on emporte au fond de ses poches toute cette menue monnaie de la mémoire dont chacun retrouve, pour finir, le lot insignifiant de souvenirs indélébiles comme un trésor magnifique de petites pièces jaunes dont le cuivre a noirci et qui, pourtant, luisent sous les yeux et tintent encore entre les doigts, aussi intensément qu'elles le faisaient autrefois lorsqu'on les tenait pour l'or même du temps.
Philippe Forest - Le siècle des nuages
Une lecture loin d'être achevée – il y en a pour 560 pages – et l'envie, déjà, de partager un fragment de l'histoire de ce père Forest passionné d'aviation. Moins une biographie que le roman d'un homme dans l'aventure collective du vingtième siècle. De la réflexion à l'histoire intime – la mémoire et l'Histoire ressassés – et puis les avions en filigrane : "... il me semble qu’il est bien à plaindre celui qui ne tourne plus la tête vers le ciel lorsque passe au-dessus de lui un avion."
François Flameng (1856-1923) |
"Mais chaque spectateur cherchait en soi l’enfant miraculeux
Siècle ô siècle des nuages"
Siècle ô siècle des nuages"
Bonne lecture :-)
RépondreSupprimerMerci
Supprimer;-)
Quel beau titre déjà ! Merci pour l'extrait & la dernière citation qui me parle. Bonne journée, Christw.
RépondreSupprimerBelle journée ensoleillée Tania.
SupprimerJ'avais assisté à une rencontre avec l'auteur à propos de ce roman-là. Un homme discret et fort intéressant.
RépondreSupprimerÀ le lire, depuis "Le chat de Schrödinger" déjà, il me fait l'effet d'un homme méditatif. Et comme vous dites, je l'imagine bien assez discret.
SupprimerQuel bel extrait..et prometteur! "Le travail exclusif d'exister...."
RépondreSupprimerBelle semaine ensoleillée parait-il chez vous, profitez-en le plus possible.
Il y a de belles expressions chez Philippe Forest.
SupprimerJ'utilise le mot "ressassés" dans le billet, il aime tourner autour d'un thème, avec une complaisance qui dit son attachement à la phrase, mais j'aime assez, je ne suis pas pressé...
Très beau temps oui, nous espérons qu'il se maintiendra en septembre sur les ballons vosgiens où nous irons nous balader.
je ne l'ai pas lu mais j'aime l'auteur et je crois que je sais à qui je vais pouvoir proposer ce livre
RépondreSupprimermerci donc Christian
Je me demande si ce n'est pas vous qui m'avez parlé de Philippe Forest tout au début. Bonne lecture à qui adoptera "Le siècle des nuages".
SupprimerJ'aime tous ses livres, romans, essais, biographies. C'est pour moi l'un des meilleurs écrivains français contemporains.
RépondreSupprimerJe connais moins ses essais – je trouve que ses romans le sont un peu tant ils expriment d'idées – et je suis d'accord avec cet avis.
SupprimerDe Stefan Hertmans que tu m'avais renseigné, je lis "Comme au premier jour", roman en récits – on dirait des nouvelles – je suis enchanté jusqu'ici, après une quarantaine de pages (je n'ai pas encore trouvé "Guerre et Térébenthine").
Tu le lis en epub ou sur papier, je ne l'ai pas lui celui-ci.
RépondreSupprimerVersion imprimée de la bibliothèque (chez C Bourgeois). J'aurais aimé le partager...
SupprimerDommage, pas grave, j'ai tenté !
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