Comme toute patrie, celle-ci secrète ses exclusions.
Au Wallon que je suis, Quick et Flupke avaient tôt ouvert les portes d'une civilisation mystérieuse. Cette civilisation vivait en deux aires. L'une était urbaine, et je sentais confusément qu'elle me resterait d'un accès malaisé (j'ai su plus tard que cette difficulté avait pour nom Bruxelles). L'autre était faite d'espaces jaunes et bleus. Et celle-là, je savais qu'elle m'appartenait aussi d'emblée. Pourtant, je n'en avais pas pris possession ; je n'avais pas encore été sacré par la pelle et le seau, qui sont le sceptre et le sceau de ce royaume-là. C'était la Côte, notre Côte. Et je savais que je resterais exclu du nous tant que ce sacrement ne serait pas descendu sur moi. Oh, j'allais bien, moi aussi, à la mer ! Mais ça ne valait pas. Cette Frise lointaine, où m'emmenaient des parents sans doute écolos avant le mot, avait beau avoir des plages grises bordées de dunes, être peuplée des mêmes mouettes, ça comptait pour du poivre. Il y manquait les pavés sarreguemines de la digue, les cerfs-volants, les chars à voile, les haut-parleurs et les cordons de «villas Monique» qui faisaient d'une mer La Mer.
Car aller «à la mer», sans autre déterminatif, ce n'était pas aller vers des improbables méditerranées, ni vers la mer qui cesse un peu d'être du Nord quand elle est de France ou de Hollande. Non, aller à la mer, c'est se poser sur cette terre bien peu maritime, de sable et de coquillages, qui était toute la Belgique. Aller à la mer, c'était vivre son pays.
Je reste souvent muette devant tes articles, j'ai souvent envie d'écrire la même chose, un peu bête : c'est "intéressant", merci pour la découverte : banal, alors le plus souvent je m'abstiens... mais je dis, ou répète, que j'aime ce blog, et la façon dont il est présenté ; ce qui s'en dégage. Tendresses.
RépondreSupprimerS'abstenir de commentaires rebattus m'évite de me casser la tête pour y répondre :-)
SupprimerMerci, Nikole, pour l'appréciation.
Avec mes amitiés.
Mais oui, c'était tout à fait ça "aller à la mer", merci!
RépondreSupprimerNous le disons encore parfois, au printemps...
SupprimerLa photo est magnifique ! bravo !
RépondreSupprimerMerci, elle date du temps où je me consacrais à la photo «artistique».
SupprimerD'autres sur http://christw.piwigo.com/
Un fort bel extrait et vivre son pays, vaste programme, engageant !
RépondreSupprimerMerci K.
SupprimerCette expression ramène aux étés de l'enfance, des grandes vacances, aux appartements loués sur la digue. L'extrait me rend encore plus curieuse de ce livre.
RépondreSupprimerEncore maintenant, lorsqu'il s'agit pour nous au printemps de passer quelques jours à la côte belge, je crois que nous espérons retrouver ce que nous vivions jeunes en "allant à la mer".
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