"Souvenirs pieux" (1974) est le premier volume de la trilogie autobiographique de Marguerite Yourcenar "Le labyrinthe du Monde" ; il explore la lignée maternelle. Le second tome "Archives du Nord" (1977) part de la nuit des temps pour aboutir, à travers la lignée paternelle, à cet "enfant qui a environ six semaines". Enfin "Quoi ? L'Éternité" est inachevé, s'arrête en 1918 et a été publié un an après la mort de Marguerite en 1987.
MY par De Grendel Bernhard en 1982 à Bailleul |
Quand on lui demanda pourquoi ressusciter une mère dont elle s'était peu souciée jusque-là et qui mourut de complications après son accouchement, Yourcenar répondit : "Parce qu'elle a existé".
En historienne, en généalogiste, Yourcenar opère, du point où elle vint à la vie, une boucle temporelle qui conduit en bord de Meuse à Flémalle et chez des serviteurs des princes-évêques pour revenir à sa grand-mère, l'attachante Mathilde, et Fernande sa maman. Sur le chemin, elle rend un long hommage à son grand-oncle Octave Pirmez ["...dans le cadre belge, apparaît comme un pendant wallon à De Coster" , "La Littérature belge", Denis-Klinkenberg], l'ancêtre qui laissa une trace dans la littérature belge du 19è siècle et dont elle reconstitue quelques moments de vie marqués par la personnalité du frère, Fernand (dit Rémo), qui se suicida.
Les souvenirs pieux sont ces petites images catholiques émises au décès d’un proche et que l’on glissait dans un missel ; ils servent, dans ce roman-mémoire, à évoquer toute la famille maternelle de l’auteure.
À partir d'archives et de témoignages, Yourcenar s'efforce de toucher à quelque chose d'universel, effectuant un lien entre la généalogie et cet "être que j'appelle moi". Elle tient à distance l'être qu'elle fut, de sorte que ce moi représente la réunion, pas nécessairement cohérente, de ce je raconté et de celle qui écrit.
À partir d'archives et de témoignages, Yourcenar s'efforce de toucher à quelque chose d'universel, effectuant un lien entre la généalogie et cet "être que j'appelle moi". Elle tient à distance l'être qu'elle fut, de sorte que ce moi représente la réunion, pas nécessairement cohérente, de ce je raconté et de celle qui écrit.
En choisissant de considérer le je passé comme un être radicalement étranger, l'auteure pointe les présupposés, compromis et paradoxes qui le constituent et met donc en question le consensus sur lequel repose l'écriture autobiographique.
Reconstituer une généalogie à partir de documents lacunaires ne fut pas mince affaire : "La vie passée est une feuille sèche, craquelée, sans sève ni chlorophylle, criblée de trous, éraillée de déchirures, qui, mise à contre-jour, offre tout au plus le réseau squelettique de ses nervures minces et cassantes. Il faut certains efforts pour lui rendre son aspect charnu et vert de feuille fraîche, pour restituer aux événements ou aux incidents cette plénitude qui comble ceux qui les vivent et les garde d'imaginer autre chose."
Et celle qui se définit comme un "historien-poète et romancier" ("Souvenirs pieux", page 214) dut à ces fins solliciter sa seconde disposition: "Dans Souvenirs pieux ou dans Archives du Nord, j'ai compté [...] sur mon imagination pour évoquer, par exemple, le retour de l'église villageoise de ma grand-mère Mathilde, et le bonheur qu'elle éprouve à marcher dans l'herbe par ce matin d'été, ou encore les dernières réflexions de mon grand-père Michel-Charles. Mais mon projet m'obligeait à ce que tous les détails, même s'ils faisaient l'objet d'une sorte de montage romanesque, fussent authentiques." ("Les yeux ouverts", entretiens avec Matthieu Galey).
Et celle qui se définit comme un "historien-poète et romancier" ("Souvenirs pieux", page 214) dut à ces fins solliciter sa seconde disposition: "Dans Souvenirs pieux ou dans Archives du Nord, j'ai compté [...] sur mon imagination pour évoquer, par exemple, le retour de l'église villageoise de ma grand-mère Mathilde, et le bonheur qu'elle éprouve à marcher dans l'herbe par ce matin d'été, ou encore les dernières réflexions de mon grand-père Michel-Charles. Mais mon projet m'obligeait à ce que tous les détails, même s'ils faisaient l'objet d'une sorte de montage romanesque, fussent authentiques." ("Les yeux ouverts", entretiens avec Matthieu Galey).
La fermeté de l’écriture jointe à un regard de moraliste sur la destinée et le temps humain.
J'ai une préférence pour ses deux grands romans mais j'ai aimé la trilogie de ses archives.
RépondreSupprimerAvez vous lu ses entretiens avec Matthieu Galley, entretiens dont elle a dit ensuite pis que pendre mais qui sont très intéressants et qui viennent éclairer ses écrits
J'avais tellement aimé ses romans que je tenais à lire sa biographie. J'en suis au premier des trois tomes, "Archives du nord" m'attend.
SupprimerOui je connais, sans l'avoir lu, "Les yeux ouverts" (cité dans le billet) je vais d'ailleurs créer un lien pour le référencer. Merci du conseil.
J'aimerais relire cette trilogie plus attentivement que la première fois, retrouver la belle ampleur de son style.
RépondreSupprimerC'est bien entendu ce style, ample et «ferme» (j'aime ce qualificatif trouvé dans une critique), qui m'a fait retourner vers Yourcenar.
SupprimerJamais lue cette trilogie, vous me tentez, là.
RépondreSupprimerJe lirai l'extrait avec plaisir, comme un apéritif!
L'extrait est représentatif, j'espère qu'il achèvera de vous convaincre. Belle journée Colette
SupprimerJe ne l'ai jamais lue non plus, c'est quelqu'un qui m'intimide ! Mais j'y viendrai peut-être. Je serais tentée de commencer par les entretiens avec Matthieu Galley.
RépondreSupprimerOui, je comprends qu'elle soit intimidante ! Les entretiens sont une bonne option. On y perçoit peut-étre moins le beau style littéraire de MY.
SupprimerJ'ai lu, les deux premiers livres... Il y a très longtemps. Je pense que je pourrais les relire, avec grand plaisir, car, en effet, son style est très beau. Généalogiste à mes heures, je partage cette passion de la recherche, toujours émerveillée de voir les êtres renaître sous mes yeux, à partir de si peu de choses.
RépondreSupprimerSi vous aimez la généalogie, vous devriez avoir des affinités avec ce livre et cette trilogie. Yourcenar y apporte le résultat d'une recherche énorme. Et comme vous le dites, il y a si peu de choses au départ : "La vie passée est une feuille sèche, craquelée....", il faut combler les vides.
SupprimerPour l'instant, je n'ai lu que deux romans d eYourcenar et la nouvelle le coup de grâce. J'aime tellement son écriture que j'ai acheté les deux volets de sa bio ( le dernier, je ne l'ai aps encore acheté). Il ne me reste plus qu'à les lire. J'ai hâte.
RépondreSupprimerJ'ai acheté aussi les deux volets, me reste à aborder "Archives du Nord" et je n'ai pas encore trouvé le troisième en brocante (où je préfère acquérir ce genre de livres).
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