La vallée des lacs : Gérardmer, Longemer, Retournemer. Nous y retournions en septembre et le temps ne serait pas beau, frais et pluvieux. Nous ne le savions pas encore lorsque sur un marché aux livres près de Liège, je découvrais ce vieux recueil de contes : il agrémenterait notre séjour et mettrait un baume sur les contretemps atmosphériques.
S'il se peut que la fée maline Polybotte guida mes yeux pour dénicher le livre, ce fut alors la même qui nous farça à l'arrivée dans le pays géromois par un violent orage qui paralysa la circulation automobile: mieux vaut se garer quand ces forces-là se déchaînent. Une fois au gîte, à l'abri et au sec, j'eus un frisson réjoui en sortant le bouquin de mon sac, songeant que ces conjectures pussent être vraies : imprimé en 1951, le livre a exactement mon âge, concomitance frappante.
Léon Fresse s'inspire de légendes locales aux issues tragiques, comme la plupart de celles du pays vosgien, dont "la gaieté n'est pas une vertu" avertit l'auteur en avant-propos. L'écrivain lorrain propose "des récits un peu moins sévères, écrits par fantaisie", plaçant dans leur temps "les sujets et les personnages dont les générations d'antan peuplaient nos sommets et nos sites" et donne libre cours à son imagination, nourrissant le folklore local.
L'ensemble est bien écrit, très soigneusement mis en forme, dans la tradition de la première moitié du siècle précédent, sur un papier cotonneux comme du buvard qui sent le vieux, dessins insérés et larges majuscules dessinées en tête de chapitre. Des dehors artisanaux, sans luxe.
Le théâtre de ces quinze contes est circonscrit dans un diamètre d'une quinzaine de kilomètres autour de Gérardmer et l'auteur ponctue plusieurs récits d'indications historiques et géographiques conviviales. Il se fallait de suivre les traces de ces nobles dames et chevaliers, ces amants, ces curés et marchands, notables et paysans, dans un pays au climat rude, propice aux enchantements et diableries.
Dans "La filleule de Sabbat", les sorcières de la région se réunissent à la Roche du Diable pour danser au son d'une flûte faite d'un tibia percé puis se livrent au baptême satanique de jeunes postulantes par le Fourchu. La vieille Agathe a amadoué Margoton la Blonde mais celle-ci renonce au dernier moment à vendre son âme au diable. La belle finit fracassée au bas du promontoire.
La Roche du Diable |
À la Roche du Diable, oserons-nous approcher du bord du gouffre
où Margoton fut emportée par un fort vent d'ouest qui la jeta
en contrebas, sur le bord du lac de Retournemer, les os rompus ?
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Le grand fermier Maître Joson de Giraumé [Gérardmer] n'est pas enclin à laisser sa fille à Colas de Longemer, préférant maintenir les terres familiales dans la famille et dans la commune. Puisque Colas veut obtenir la main de sa beyesse [sa fille], il le défie de descendre la Vologne depuis Longemer sans quitter son embarcation. Impossible avec la cascade et les roches de ce site, malgré les tentatives dans une cuve qui sert à échauder les cochons. "Le Saut des Cuves et son pont d'Amour" raconte comment Colas avec l'aide de ses amis – ils le portèrent à bout de bras dans une barque – réussit le défi et gagna la main de Marie.
Le Saut des Cuves : défi pour épouser Marie |
La Vologne au Saut des Cuves |
"La "Légende de la Roche du Page" est l'histoire du chevalier Hugon qui fut changé en rocher par la fée Polybotte, pour avoir refusé son amour et ses propositions mirifiques, par fidélité à Eveline. Son page parti à sa recherche s'endormit sur le rocher et à l'aube, le sentant proche, l'appela en sonnant du cor jusqu'à en mourir. Le conte trahit heureusement la légende, il voit le sortilège de Hugon annulé par la magicienne.
Devenu pierre, regarder éternellement le miroir de Longemer...
Sur la Roche du Page, dans le vent, on entend parfois
un cor sonner désespérément le chevalier Hugon.
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"La potence de Martimpré" est le récit de Bricolet, jeune ouvrier de château qui échappe au gibet, injustement accusé d'un crime pour avoir voulu fleurir, la nuit en cachette, la fenêtre de sa bien-aimée. Au lendemain des événements, heureux de l'issue, le comte Jean-François de Martinprey, fit ériger en 1698 une croix de grès rouge. Les gens du pays l'appellent la croix des Pendus, sans doute à cause de la condamnation de Bricolet, mais "il est de notoriété publique que les sires de Martinprey n'ont jamais pendu personne".
La croix des pendus à Martinpré |
[La recherche de cette croix nous prit une journée. Le livre de Léon Fresse la situe près de la chapelle Sainte-Anne (1609) sur la route de Martinpré. Vaine consultation des autochtones (Gerbépal, auberge des Deux-Étangs) puis recherche assidue sur internet qui porta ses fruits : je finis par trouver deux lignes où un randonneur situe la croix sur une butte le long d'un parking sur la nationale. De fait, pas loin de la chapelle, mais bien cachée.]
Ah la magie des livres ! Non, nous ne sommes pas dans la grande littérature, mais tous les livres recèlent leurs chemins inattendus.
Vos photos sont tout simplement magnifiques
RépondreSupprimerj'aime beaucoup la sorte de carte au trésor qui se déplie, une mine pour les enfants, mais aujourd'hui lisent-ils cette sorte de livre ?
Ce n'est pas un livre spécifiquement destiné aux enfants, il s'adresse à tous. C'est vrai qu'on imagine mal grands et petits se tourner vers ce genre de bouquin aujourd'hui. Moi, j'en ai fait mon miel :-))
SupprimerJ'ai renoué avec la photo le temps de ce petit reportage, ce fut un plaisir de créer des atmosphères. Merci Dominique
Le livre, les photos et le billet sont magnifiques mais pas trop tentée par ces contes ( après je dis ça mais Giono que je trouvais trop "terroir" m'a plu. Enfi, pas tous...
RépondreSupprimerL'idée est surtout de partager cette expérience et, pourquoi pas, inviter à parcourir d'autres itinéraires nimbés des contes, mythes ou légendes d'un livre.
SupprimerJ'irai voir les contes de Giono, merci pour l'idée.
Magnifiques paysages (que je ne connais pas). La lecture est d'autant plus agréable que vous pouviez aller voir sur place, ce qui renforce l'intérêt. J'aime bien ces vieux bouquins dont plus grand monde ne veut.
RépondreSupprimerAh oui, je doute que ces récits m'aient intéressé sans la perspective d'aller voir l'endroit, malgré leur bonne tenue. Et quand on y est, un rien suffit pour être «dans» la légende.
SupprimerBonjour Christw, comme Dominique, je trouve aussi les photos magnifiques en particulier le contraste des couleurs. Sinon, dommage que ce livre qui semble daté de 1951 soit indisponible à la vente. On peut éventuellement le trouver d'occasion (en France). C'est un cadeau idéal à faire. Bon dimanche.
RépondreSupprimerDifficile de vous dire oû le trouver. Notre hôte dans les Vosges me l'aurait volontiers racheté, mais j'y tiens. Un beau cadeau, c'est vrai Bon dimanche Dasola.
SupprimerMerci, Christian, pour ce bel article. Belle trouvaille en effet que ce livre à la veille d'un voyage. Bel objet aussi, qui ajoute son charme à celui de la lecture.Non, en effet, la gaieté n'est pas la vertu du pays vosgien. Mais quel charme. Dans ma contrée ensoleillée il m'arrive de regretter, ses brumes.
RépondreSupprimerIl n'y a malheureusement pas toujours des contes pour adoucir les inconvénients des brumes et pluies ;-)
SupprimerMerci pour cet amical retour, Annie. Bonne semaine.
Quel billet plein de charme, celui des contes d'autrefois, celui de vos photos sur ces lieux enchanteurs ! Bravo & merci.
RépondreSupprimerHeureux de vous avoir diverti avec le pays vosgien. À bientôt Tania.
SupprimerTrès bon reportage, bravo, la démarche est fort intéressante et les phots ne gâchent rien ,au contraire, superbes "diable" et "cuves".
RépondreSupprimerMerci K, à bientôt.
SupprimerAh j’imagine votre excitation à l'idée de pouvoir aller sur place vous imprégner de l’atmosphère des contes!
RépondreSupprimerGrand merci pour ces superbes photos et cette allusion au papier "comme buvard" du livre. J'en ai qui viennent de chez ma grand-mère qui ont exactement la même texture, moelleuse.
Bonne journée Christian.
Il y avait ce de genre de livres dans la bibliothèque de ma grand-mère maternelle. Au fond ce furent mes premiers contacts avec des livres «sans images» (même s'ils en avaient quelques-unes, c'était courant de ce temps-là).
SupprimerBelle fin de journée, Colette.
Plus que des images, c'était des dessins imprimés et coloriés chez la mienne de grand-mère!
SupprimerQue de souvenirs...merci.
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