Son discours fut aussi étrange et majestueux que lui-même. Il commença en disant que le roman du passé avait appartenu au protagoniste, au héros, au Quichotte et à Anna Karénine. Il appartenait présentement à l'auteur. Aujourd'hui, on ne parlait pas tant de personnages que d'écrivains célèbres. Mais le roman du futur franchirait une étape supplémentaire. Le monde s'était cristallisé en un labyrinthe ; la réalité était complexe, diffuse, inabordable... Qui pouvait penser que ces grandes figures qui nous accompagnaient aujourd'hui – il parlait des écrivains de l'histoire, des pantins déguisés qui s'étaient réunis derrière lui comme une cohorte de cadavres attentifs – allaient continuer à cimenter la littérature de l'avenir ? Non : le nouveau millénaire serait trop abscons, chaotique et mathématique pour la compréhension d'un seul homme. Le roman de l'avenir appartiendra à l'Éditeur. Comme ça, avec une majuscule : Éditeur. Mais ne nous leurrons pas, affirmait-il : pas à l'éditeur en tant que créateur, mais en tant qu'"organisateur". Études de marché, conception informatique, publicité... Tout cela serait le véritable roman – en fait c'était déjà le cas, dans une large mesure –, et la responsabilité de coordonner cet immense travail retomberait sur l'éditeur. La littérature reviendrait à ses lointaines origines : elle redeviendrait anonyme, "non par le travail d'une seule personne mais de plusieurs".
C'est tout à fait lucide ! Merci pour cet extrait.
RépondreSupprimerC'est une fiction intelligente, en effet.
SupprimerEt j'imagine que l'intelligence, chez l'éditeur du futur, sera artificielle ?
RépondreSupprimerBon week-end de Noël, Christw.
N'en doutons pas et pourvu que les auteurs s'en tiennent à une inspiration naturelle !
SupprimerNous revenons du musée d'Orsay (déjà l'an passé à cette époque), avec des livres évidemment, des histoires de peintres, dont celles de Daniel Arasse.
Merci Tania, une joyeuse fête de Noêl !