Juan Cabo est un romancier espagnol connu (Lauréat de l'hypothétique prix Bartleby Le Plumitif) qui a perdu entièrement la mémoire dans un accident de voiture. Parmi des notes prises le soir funeste, il écrivait être tombé amoureux d'une femme inconnue. C'est le départ d'une stupéfiante investigation pour retrouver l'apparition – désir du désir –, une robe échancrée, dos nu, chignon relevé de cheveux châtains. On découvre rapidement que "Les métamorphoses" d'Ovide dont l'écrivain est un spécialiste, sous-tendent cette fiction : la belle inconnue est une Daphné insaisissable quand l'amoureux croit la tenir.
Épigraphe "[...] la signification de la fable d'Apollon et de Daphné m'est brusquement apparue : heureux, ai-je pensé, qui peut saisir dans une seule étreinte le laurier et l'objet même de son amour." (André Gide - "Les Faux-Monnayeurs") |
Le restaurant où Cabo prit ces fameuses notes est réservé à des écrivains de tout acabit auxquels les serveurs remettent des cahiers personnels pour écrire pendant les repas. Puisque la belle inconnue était assise à une table en face de la sienne, Juan ne pourrait-il consulter ce que les auteurs voisins ont écrit à propos de l'occupante de la table 15 ? L'enquête s'avère complexe et conduit à une mystification littéraire rocambolesque. On y voit que tout le monde écrit, qu'un poète est assassiné, qu'un détective privé est critique littéraire, qu'il existe des modèles rémunérés pour jouer des scènes afin d'inspirer l'écriture et qu'un puissant éditeur projette LE roman du millénaire.
Toute cette aventure intelligemment imaginée tourne autour de l'écrit poussé à l'extrême, au point que tout le monde est écrivain en herbe : "L'humanité était romancière". Alors que de nos jours, l'image semble être devenue le principal vecteur médiatique, José Carlos Somoza instaure un vaste espace où l'écrit, le texte, fictionnel ou pas, serait souverain, de sorte qu'il soulève de nombreux questionnements sur ce qu'est l'écriture. Et jusqu'où peut-elle aller ?
Un élément vital de "Daphné disparue", qui est nommé/traduit par le mot "rabat", est l'information extérieure qui donne un sens à un texte. Plus important que le livre lui-même, il détermine une lecture, qu'il s'agisse d'une liste de courses, d'une encyclopédie ou d'un roman. Exemple : c'est à travers le rabat que la Bible est la parole de Dieu tandis que "Les Mille et une Nuits" sont un recueil de contes fantastiques. Échangez leurs rabats et "les aventures de Yahvé constitueraient un délice pour les petits enfants, pendant que de nombreux dévots seraient morts pour Aladin [...]".
Divertissant et déroutant, Somoza manie non sans humour les jeux de mots (espagnols, soulignés et expliqués par l'édition Actes Sud), les adjectifs baroques ("anxiété bachique", "cris philologiques") et s'en tire par une ultime pirouette qui rappelle que l'auteur est psychanalyste. Il s'agit de l'un de ses premiers romans, paru en 2000, le premier traduit en français (2008).
Un roman, très original et inattendu en effet, amusant parfois, que j'ai beaucoup apprécié.
RépondreSupprimerLe récit est composé de sortes de couches successives qui toutes se relient à la fin, prennent sens.
Une sorte d'odyssée, d'apparence légère, qui suit un chemin d'intrigue et suspens...
Bonne semaine Christian
Voilà qui ajoute des mots heureux au compte-rendu, merci Colette.
SupprimerJ'ai un autre auteur espagnol en attente Juan Marsé, qu'en pensez-vous ?
Nous partons quelques jours en Île-de-France demain, serons de retour pour l'an nouveau. Portez-vous bien, belle fête de Noël.
Excellent auteur Juan Marsé, L'amant bilingue est un de ses romans les plus connus, et aussi (mais je ne crois pas qu'il soit traduit), le titre en espagnol est "la jeune fille à la culotte en or".
SupprimerPassez d’excellentes fêtes!
Ok, j'ai "La calligraphie des rêves", je vais voir, c'est plutôt un gros livre, j'attendrai peut-être ceux que vous citez. Merci !
SupprimerJ'aime beaucoup cet auteur mais je ne connaissais pas ce roman.
RépondreSupprimerAlors vous aimerez "Daphné disparue", ce doit être le premier de ses romans qui ait vraiment marqué.
SupprimerJe vois que Colette a, elle aussi, apprécié ce roman ; deux avis donc qui me pousse à le noter. Je lis très peu d'auteurs espagnols et ce n'est pas voulu.
RépondreSupprimerDepuis Javier Marias, je n'ai pas lu beaucoup d'espagnols, il y a Llop ("Le rapport Stein", c'est très bien) et puis Somoza.
SupprimerBonne piicge je note vos references chers Christian(w) et Colette !
RépondreSupprimer☺☺
De bonnes fêtes cher K !
SupprimerJe n'ai toujours pas lu cet auteur dont pourtant quasiment toutes les histoires me tente. Je note également celle-ci, surtout qu'il n'est pas trop long.
RépondreSupprimerJ'ai vu en effet que certains Somoza pèsent lourd, comme "Clara et la pénombre"...
SupprimerCa me donne envie de le lire ! J'adore la citation " l'humanité était romancière". Je n'ai pas lu en entier les métamorphoses, il faudrait que je m'y mette aussi... En tout cas ça a l'air d'un livre jubilatoire pour les amoureux de la littérature
RépondreSupprimerVous verrez, c'est amusant et vous le dites bien, jubilatoire pour les amoureux de littérature.
SupprimerOh ! un excellent souvenir de lecture :-) jubilatoire, je suis tout à fait d'accord avec vous !
RépondreSupprimerUn rien tiré par les cheveux (l'auteur est psychanalyste) mais un vrai plaisir de lecture, oui.
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