Ce petit bouquin bilingue français (page de gauche)/néerlandais (l'autre), d'un homme des Flandres françaises a des postures identitaires : disposé sur un présentoir d'une bibliothèque de Liège, il n'échappe pas à un œil éveillé aux complications communautaires belges.
Wido Bourel embarque dans un condensé intéressant de l'histoire du dialecte du nord-ouest français, le Flamand de France (Vlaams). Ce parler se limite aujourd'hui à quelques milliers de locuteurs et il regrette sa disparition : "On a beau apposer de plus en plus de noms flamands aux maisons, flamandiser la signalisation des communes, voire multiplier le nombre de drapeaux flamands, en Flandre française, la revendication accrue de l'identité flamande va de pair avec la disparition d'un des symboles les plus forts, la langue." La carte suivante (wikipédia) montre l'évolution à Dunkerque.
Recul du flamand de France : Source Wikipédia |
Wido Bourel embarque dans un condensé intéressant de l'histoire du dialecte du nord-ouest français, le Flamand de France (Vlaams). Ce parler se limite aujourd'hui à quelques milliers de locuteurs et il regrette sa disparition : "On a beau apposer de plus en plus de noms flamands aux maisons, flamandiser la signalisation des communes, voire multiplier le nombre de drapeaux flamands, en Flandre française, la revendication accrue de l'identité flamande va de pair avec la disparition d'un des symboles les plus forts, la langue." La carte suivante (wikipédia) montre l'évolution à Dunkerque.
La noblesse française, raconte Bourel, "assuma longtemps que son sang était de même couleur que ses yeux, à savoir bleus". Car elle descendait des Francs, vrij en vrank (libres et heureux), et non des Gaulois, "seul passé à la potion magique autorisé par les historiens français". Et l'auteur déplore que "l'enthousiasme des pères fondateurs du royaume des Francs se veuille inversement proportionnel à la germanité de ses origines." Malgré tous les efforts du général de Gaulle "pour faire surgir la France «du fond des âges»", on peine à en trouver l'embryon dans le partage de l'empire carolingien en 843. Les premiers rois de France ne parlaient pas le français mais la langue des Francs, dont le flamand et le néerlandais sont les légitimes héritiers.
Au 15e siècle, la langue parlée autour de la mer du nord (dialectes thiois) était appelée le Dietsch ou Diets (on retrouve aujourd'hui le dutch anglais pour le néerlandais et ses dialectes), langue enracinée du peuple, en opposition aux langues romanes qualifiées de waals, wallonnes. De là l'expression «wat waals is vals is» (tout ce qui est wallon est fourbe), lit-on encore sous la plume de Wido Bourel, "cri de guerre des flamands dans "Le Lion de Flandre" de Hendrik Conscience".
Cet ouvrage reste instructif à d'autres titres. Le "Roman de renard" trouve ses sources dans le pays de Waas ("Van de vos Reinaert" au 13e siècle) et le mot renard a supplanté goupil en français. "La chanson de Roland" trouverait ses origines dans un texte populaire du côté de Bruges ; d'ailleurs, le nom de l'épée du chevalier, Durandal, vient de deur en al (à travers tout et de part en part) : "la magie de l'épée de Roland ne peut s'expliquer que par la langue des Flamands".
La Révolution française, où les langues des minorités sont déclarées féodales, conduira à un "ethnocide linguistique" (sic). L'auteur juge totalitaire le slogan «les peuples libres parlent français» : "La logique jacobine qui occulte notre passé voudrait que les frontières étatique et linguistique coïncident". Plus tard, la francisation de l'enseignement (loi Guizot 1933) sera déterminante.
On ne peut évoquer cette contrée sans parler du ch'ti, langue picarde (oïl): Bourel pointe Bergues (Sint-Winoksbergen), ville très flamande, où fut tourné ce "film primaire" réalisé par un "biloute de même envergure" (Dany Boon). Ceci afin d'exposer que le ch'ti a été fortement influencé par le Vlaams : quinquin (de kindje), bouquin (de boek), mekind (de meisje), cotch (de kot), ...
Si Wido Bourel sort ses griffes envers les francophones, il étaie ses déclarations, tel le processus de francisation à la création de l'État belge en 1830, où l'on vit interdire le néerlandais dans la justice, l'administration et l'armée, alors que la population était majoritairement flamande (sous prétexte que les flamands ne parlaient que des dialectes) : "Charles Rogier agissait dans l'ombre pour le compte du roi Louis-Philippe".
Un autre développement exclut toute manœuvre irrédentiste, des Pays-Bas ou de Belgique flamande, liée aux défenseurs du Vlaams dans le nord-ouest de la France. Il y a que ce Français sentimental "aime entendre et parler les délicieuses sonorités qui ont bercé ses jeunes années". Il garde néanmoins le sens pratique et sait que l'apprentissage d'un dialecte, plutôt que le néerlandais, ne permettra pas de trouver un emploi en Flandre belge ou aux Pays-Bas ni d'y fréquenter les universités.
Sous une forme pugnace et bien tournée, demeure rivé au cœur de ce livre, le souci de transmettre aux générations futures le Vlaams, et avec lui, une certaine identité. Dans cet esprit, un prochain extrait mettra l'accent sur le retour aux dialectes dans un monde globalisant. J'avoue ne pas avoir retrouvé dans cet énergique plaidoyer le sourire goguenard et attendri que manifestent la plupart des vieux Wallons considérant le devenir de leurs dialectes.
D'aucuns trouvent dans le sujet de ce livre une occasion de pointer le marasme dans lequel les élites maintiendraient la région du nord-ouest français.
Au 15e siècle, la langue parlée autour de la mer du nord (dialectes thiois) était appelée le Dietsch ou Diets (on retrouve aujourd'hui le dutch anglais pour le néerlandais et ses dialectes), langue enracinée du peuple, en opposition aux langues romanes qualifiées de waals, wallonnes. De là l'expression «wat waals is vals is» (tout ce qui est wallon est fourbe), lit-on encore sous la plume de Wido Bourel, "cri de guerre des flamands dans "Le Lion de Flandre" de Hendrik Conscience".
Cet ouvrage reste instructif à d'autres titres. Le "Roman de renard" trouve ses sources dans le pays de Waas ("Van de vos Reinaert" au 13e siècle) et le mot renard a supplanté goupil en français. "La chanson de Roland" trouverait ses origines dans un texte populaire du côté de Bruges ; d'ailleurs, le nom de l'épée du chevalier, Durandal, vient de deur en al (à travers tout et de part en part) : "la magie de l'épée de Roland ne peut s'expliquer que par la langue des Flamands".
La Révolution française, où les langues des minorités sont déclarées féodales, conduira à un "ethnocide linguistique" (sic). L'auteur juge totalitaire le slogan «les peuples libres parlent français» : "La logique jacobine qui occulte notre passé voudrait que les frontières étatique et linguistique coïncident". Plus tard, la francisation de l'enseignement (loi Guizot 1933) sera déterminante.
On ne peut évoquer cette contrée sans parler du ch'ti, langue picarde (oïl): Bourel pointe Bergues (Sint-Winoksbergen), ville très flamande, où fut tourné ce "film primaire" réalisé par un "biloute de même envergure" (Dany Boon). Ceci afin d'exposer que le ch'ti a été fortement influencé par le Vlaams : quinquin (de kindje), bouquin (de boek), mekind (de meisje), cotch (de kot), ...
Si Wido Bourel sort ses griffes envers les francophones, il étaie ses déclarations, tel le processus de francisation à la création de l'État belge en 1830, où l'on vit interdire le néerlandais dans la justice, l'administration et l'armée, alors que la population était majoritairement flamande (sous prétexte que les flamands ne parlaient que des dialectes) : "Charles Rogier agissait dans l'ombre pour le compte du roi Louis-Philippe".
Un autre développement exclut toute manœuvre irrédentiste, des Pays-Bas ou de Belgique flamande, liée aux défenseurs du Vlaams dans le nord-ouest de la France. Il y a que ce Français sentimental "aime entendre et parler les délicieuses sonorités qui ont bercé ses jeunes années". Il garde néanmoins le sens pratique et sait que l'apprentissage d'un dialecte, plutôt que le néerlandais, ne permettra pas de trouver un emploi en Flandre belge ou aux Pays-Bas ni d'y fréquenter les universités.
Sous une forme pugnace et bien tournée, demeure rivé au cœur de ce livre, le souci de transmettre aux générations futures le Vlaams, et avec lui, une certaine identité. Dans cet esprit, un prochain extrait mettra l'accent sur le retour aux dialectes dans un monde globalisant. J'avoue ne pas avoir retrouvé dans cet énergique plaidoyer le sourire goguenard et attendri que manifestent la plupart des vieux Wallons considérant le devenir de leurs dialectes.
D'aucuns trouvent dans le sujet de ce livre une occasion de pointer le marasme dans lequel les élites maintiendraient la région du nord-ouest français.
En appendice, large bibliographie et plusieurs lexiques instructifs :
langue des Goths/Néerlandais/français,
francique/néerlandais/français,
vieux saxon/néerlandais/français,
présence germanique dans le français.
Explication du titre, le plus ancien manuscrit en flamand ancien (vers 1100), découvert à Oxford en 1932 :
langue des Goths/Néerlandais/français,
francique/néerlandais/français,
vieux saxon/néerlandais/français,
présence germanique dans le français.
Explication du titre, le plus ancien manuscrit en flamand ancien (vers 1100), découvert à Oxford en 1932 :
Hebban olla vogala nesta bagunnan
Hinase hic enda thu
Unat unbidan uue nu ?
↓
Tous les oiseaux ont fait leur nid
Tous les oiseaux ont fait leur nid
Sauf toi et moi
Qu'attendons -nous ?
Je découvre des informations dans votre billet. Je ne pensais pas que le problème linguistique était si présent dans cette région française. On entend davantage parler des Bretons ou des Occitans. Un ouvrage qui a l'air dense et passionnant.
RépondreSupprimerJe vais de temps en temps là-bas et je ne le savais pas non plus, même si pour nous, belges, Dunkerque sonne comme beaucoup de communes flamandes du bord de mer. Si vous regardez la carte, le Vlaams, c'est très local quand même actuellement.
SupprimerOn ressent dans ce livre dense mais très court, une intense revendication identitaire, sujet très sensible.
sujet très sensible en effet, on a vite fait de passer de la revendication autour d'une langue à des revendications nettement moins pacifiques
RépondreSupprimerLes corses chez nous sont en plein dedans
Vlaams j'ai bien ce nom
"Moins pacifiques" dites-vous, oui, j'ai trouvé que les propos de cet auteur ont quelquefois des colorations extrémistes. Il est très facile d'utiliser ces valeurs «affectives» pour sensibiliser les gens politiquement. Bourel ne fait pas ça, mais le terreau est propice.
SupprimerJ'ai été très intéressée par cet article et très surprise en examinant les cartes qui l'illustrent. Je ne savais pas que ce problème existait également au Nord de la France. Mes grands-parents parlaient l'occitan -surtout lorsqu'ils se disputaient !-, mon père le comprenait et le parlait moins bien et moi je ne me souviens que de quelques expressions. C'est une perte en effet, comme l'est également le fait de brandir sa langue pour exclure les autres.
RépondreSupprimerIci en Belgique nous avons un région à l'est du pays qui est germanophone (bilingue en fait) mais je n'ai jamais ressenti là-bas des revendications identitaires de cette nature.
SupprimerArticle intéressant ! les cartes associées sont très parlantes... C'est drôle (enfin, au sens figuré...) car aujourd'hui, sur France Culture, j'ai écouté une émission sur la langue française qui elle aussi a du plomb dans l'aile et pourrait bien un jour connaître le sort de certains "dialectes"... Décidément, un sujet passionnant ! D'autant plus quand on habite la Bretagne, région où la langue locale est encore sujet de discorde... et hélas bien peu parlée. Cela a d'ailleurs engendré de vrais drames car la politique d'extinction de cette langue par les autorités françaises a été violente à une époque. Oui, sujet passionnant !
RépondreSupprimerJe vous mets le lien de l'émission d'aujourd'hui : https://www.franceculture.fr/emissions/le-temps-des-ecrivains/langue-avec-andrea-marcolongo-et-jean-michel-delacomptee
Dans "Olla vogala", l'auteur semble dénoncer lui aussi des méthodes dures vis-à-vis des patois, dialectes néerlandais du nord de la France, comme pour les Bretons dirait-on. Ici les plus anciens parlent encore le patois wallon, mon père et surtout mes grands-parents le pratiquaient volontiers. Je ne ressens pas toutefois une volonté de le défendre autre part qu'à travers quelques théâtres amateurs locaux, du folklore sans plus.
SupprimerMais nous avons un accent et un parler ici à Liège (une émission radio rappelle jour après jour ce qu'on appelle des «liégeoiseries», pas correctes en bon français, je parie que j'en sors de temps en temps dur le blog sans le savoir) qui étonnent. En France, à Paris notamment, nous subissons quasiment la glottophobie en regard du vif accent parisien.
Merci pour l'émission, je l'écouterai demain, pas le temps ce dimanche que je vous souhaite beau, Margotte. Je reviens vers vous si j'ai des commentaires.