Je ne crois pas que dans vingt ou trente ans, l'on recherchera les numéros du "Magazine littéraire" nouveau comme on le fait pour les anciens consacrés à de copieux et excellents dossiers d'auteurs qui donnèrent à la publication ses lettres de noblesse. Gageons qu'alors aura disparu l'adjectif "littéraire", pas porteur sans doute, car déjà minoré en couverture de la nouvelle formule, qui a en outre opté pour une renumérotation depuis 1 – ce qui à mon sens est potentiellement l'indice d'un redémarrage à zéro. Faire beaucoup de place aux débats d'actualité, est-ce la vocation d'une revue littéraire ?
Il n'empêche, le dossier consacré à Oscar Wilde tout à la fin de l'exemplaire de janvier (n°13) est bien fait (nonobstant les numéros de notes qui ne renvoient à rien). Au centre, l'article "Les bonheurs du sophiste" de Pascal Aquien (spécialiste de Wilde) s'attache à analyser sommairement paradoxes, chiasmes et aphorismes qui abondent dans l'œuvre de l'Irlandais. Chez Wilde, le langage n'a pas prétention à vérité : il joue la surprise, non la persuasion, il préfère divertir plutôt qu'éclairer. Chez les sophistes, à la virtuosité sans profondeur, les dieux n'existent pas et "l'homme est à lui-même sa propre œuvre, et son arme et son outil premiers sont le langage". Wilde s'est approprié cette démarche qui, par les mots, contribue à produire le monde et se délivrer du joug de la raison critique. Pascal Aquien précise : "On pourrait avancer que la vérité l'indiffère. Plus exact serait de dire que sa démarche est de signifier que l'être n'est qu'un produit du dire."
L'article mentionne Freud et "Le mot d''esprit et sa relation avec l'inconscient" (1905) : la censure tolère mieux ce qui est dit avec esprit, particulièrement ce qui heurte "la structure éthique du psychisme" (surmoi). Et la rapidité des formules énoncées peut donner l'illusion qu'elles expriment des vérités : "pour Wilde, le langage et la logique ne renvoient qu'à un monde «fictif», où seul le langage est en gloire".
Il n'empêche, le dossier consacré à Oscar Wilde tout à la fin de l'exemplaire de janvier (n°13) est bien fait (nonobstant les numéros de notes qui ne renvoient à rien). Au centre, l'article "Les bonheurs du sophiste" de Pascal Aquien (spécialiste de Wilde) s'attache à analyser sommairement paradoxes, chiasmes et aphorismes qui abondent dans l'œuvre de l'Irlandais. Chez Wilde, le langage n'a pas prétention à vérité : il joue la surprise, non la persuasion, il préfère divertir plutôt qu'éclairer. Chez les sophistes, à la virtuosité sans profondeur, les dieux n'existent pas et "l'homme est à lui-même sa propre œuvre, et son arme et son outil premiers sont le langage". Wilde s'est approprié cette démarche qui, par les mots, contribue à produire le monde et se délivrer du joug de la raison critique. Pascal Aquien précise : "On pourrait avancer que la vérité l'indiffère. Plus exact serait de dire que sa démarche est de signifier que l'être n'est qu'un produit du dire."
L'article mentionne Freud et "Le mot d''esprit et sa relation avec l'inconscient" (1905) : la censure tolère mieux ce qui est dit avec esprit, particulièrement ce qui heurte "la structure éthique du psychisme" (surmoi). Et la rapidité des formules énoncées peut donner l'illusion qu'elles expriment des vérités : "pour Wilde, le langage et la logique ne renvoient qu'à un monde «fictif», où seul le langage est en gloire".
Un excellent examen du paradoxe, dont aimait jouer Wilde – jusqu'à le poser en "chemin de la vérité" – conduit Pascal Aquien à écrire : "Si les mots font exister le monde, cela ne signifie pas pour autant qu'ils le dépeignent en vérité. Si l'être humain croit se rassurer en pensant maîtriser le réel par des mots, il ne fait guère que se bercer d'illusions faussement réconfortantes." Wilde est conscient de ce danger qui fragilise les fondements de la raison, mais l'intention de l'écrivain est d'abord esthétique. Cette forme d'impuissance du langage est à opposer à sa musicalité et à son dynamisme qui sont toute la littérature, la poésie en particulier.
Ces considérations ont plané amèrement et loin au-dessus du procès fatidique (1895) qui crucifia l'artiste, accusé d'homosexualité par le père de son amant, avec pour enjeu le bagne. La création contre les conventions sociales. Le dossier du magazine reprend quelques dialogues entre Wilde et le redoutable avocat à charge Edward Carson, retranscrits intégralement dans un récent ouvrage au "Livre de Poche":
"– Mes écrits ne visent jamais à produire d'autre effet que celui de la littérature.
– De la ... littérature ?
– Oui, de la littérature.
– Puis-je en déduire que vous n'avez cure qu'ils aient un effet moral ou immoral ?
[...].
– Bien. Nous dirons que, selon vous, un roman sodomitique peut être un bon livre. "
"– Mes écrits ne visent jamais à produire d'autre effet que celui de la littérature.
– De la ... littérature ?
– Oui, de la littérature.
– Puis-je en déduire que vous n'avez cure qu'ils aient un effet moral ou immoral ?
[...].
– Bien. Nous dirons que, selon vous, un roman sodomitique peut être un bon livre. "
Ce dossier, titré "Le dandy crucifié", met aussi en exergue le film de Rupert Everett "The Happy Prince" qui montre les dernières années de calvaire après la condamnation. Il rappelle "Le portrait de Dorian Gray" en version non censurée, chez Grasset. Pour terminer, Laurent de Sutter propose un article sur "L'Âme de l'homme sous le socialisme" où Oscar Wilde établit une jonction entre le socialisme et l'individualisme. Le dandy voulait aller contre les règles de l'autorité : "Sa philosophie se trouvait confirmée par l'hostilité qu'elle rencontra, par la volonté de fouiller jusque dans son lit pour y déceler de quoi ruiner son désir d'individualité."
vraisemblablement intéressant le dossier mais j'ai arrête de lire cette revue qui nous enfume, prendre la suite du magasine littéraire garder le nom et consacrer les 2/3 de la revue à autre chose que la littérature c'est un peu du vol, je me suis fait arnaqué par les 2 premiers numéros et depuis j'ai dit stop
RépondreSupprimerDommage car cela fait une revue littéraire en moins dans le paysage
y a t-il des revues littéraires spécifiques en Belgique ?
Vous le dites avec d'autres mots. C'est devenu le mag anti-macron.
SupprimerEn Belgique, pas de revue littéraire marquante. Il vaut mieux aller vers les suppléments livres des journaux quotidiens. En télévision, "Livré à domicile" (Thierry Bellefroid") tient bon. Plus décontracté que la GL que j'aime bien, parfois.
merci je vais voir si il est possible de voir l'émission Livré à domicile en replay
SupprimerAllez voir sur RTBF Auvio:
Supprimerhttps://www.rtbf.be/auvio/emissions/
Puis inscrivez-vous et retrouvez les émissions "Livrés à domicile"
(s'il n'y a pas de problème depuis la France).
Comme Dominique, j'ai acheté les premiers numéros et vite abandonné ; ce n'est plus une revue littéraire, dommage.
RépondreSupprimerJe n'ai rien contre les magazines progressistes. Dommage que la revue perde petit à petit son cachet "littérature" au profit de considérations plus politiques, ainsi que l'attestent les mouvements d'une direction flottante.
SupprimerSinon, je me demande si je ne vais pas relire "Le portrait de Dorian Gray" version complète, emprunté hier.
Ah oui,les anciens Magazine littéraire, avec ces dessins en couverture, magnifiques, ces dossiers impeccables....
RépondreSupprimerBon dimanche.
On les regrette !
SupprimerBon dimanche.
Dommage - comme vous, je gardais les anciens numéros pour leurs excellents dossiers. J'ignorais la publication d'une version "non censurée", je vais aller ouvrir ce lien.
RépondreSupprimerJ'ai ce livre «non censuré» sur la table, je n'ai pas pas encore décidé de relire...
SupprimerC'est un auteur que j'aime beaucoup ! J'ai lu sa Salomé et ses maximes. J'aime bien les magazines littéraires mais j'avoue que je n'en achète plus... même si effectivement, c'était des dossiers de qualité...
RépondreSupprimerJ'ai emprunté un petit livre de maximes de Wilde, j'hésite à me lancer dans trop de livres que ne n'arrive pas à finir.
SupprimerLes magazines littéraires, hormis "Lire" peut-être, ce ne sont plus de gros tirages....