Dessin de Gros dans "Marianne" |
Je tiens à relayer un article de Françoise Siri dans "Marianne" (26 mars, p.72) qui s'insurge contre la standardisation des esprits en littérature jeunesse.
D'abord les interdits. Le dessinateur Frédéric Pillot dit ne pas pouvoir représenter une prise de courant banale pour éviter que les enfants aient l'idée d'y mettre effectivement les doigts. Delphine Perret a tourné en ridicule ces interdits pour la sécurité de l'enfant : sur la page de gauche, elle écrit "C'est l'histoire d'un cow-boy..." et à droite elle dessine un singe avec l'explication qu'un cow-boy fait peur avec des dents cariées et un air mauvais ; et une banane remplace le pistolet qui fait trop dangereux. Un jury d'enfants de 7-9 ans a donné à ce livre le prix Enfantaisie 2019: les gosses "en ont visiblement assez d'être pris pour des crétins", commente l'article.
Que le livre jeunesse soit protégé par une loi de 1949 (modifiée en 2011) est une chose, que l'édition se livre à une standardisation dans des buts mercantiles en est une autre. Il faut segmenter les livres pour enfants en tranches d'âge du héros pour faire croire qu'on fait un livre pour eux. Les enfants ne pourraient-ils lire sans s'identifier ? Les sorcières doivent être rigolotes et le grand méchant loup pas méchant, car il est préférable de proscrire tout négatif. Mais le lièvre et la tortue alors, il faut quand même bien que ça finisse mal pour un des deux ?
Dans un tel contexte, les écrivains se répètent beaucoup et c'est la faute d'un système éditorial qui nuit à la créativité.
La langue est simplifiée à l'extrême. Le passé simple est banni et le passé composé à éviter. La langue s'oralise, la négation saute : j'écris pas, je lis pas, ça va pas. Et il est question de "vraie vie" et de "vraies gens". La romancière Anne Herbauts constate : "Hier on écrivait : "un lapereau s'est tapi dans le taillis" ; aujourd'hui on écrit : "un petit lapin s'est caché dans le buisson". On perd les nuances. Par exemple "un petit lapin", c'est presque un personnage, comme une peluche, qui n'a plus le rôle animal."
Un éditeur (formation Lettres) regrette les consignes du marketing (formation HEC) : avec l'arrivée en force de Marc Levy en édition jeunesse, on prépare le terrain pour des futurs lecteurs adultes, acheteurs de Levy.
Un autre éditeur qui garde l'anonymat : "... ce qui m'inquiète le plus, c'est le lissage de l'implicite, dans la plupart des maisons, pour les romans. Tout doit être très clair, très simple, très direct. Ce n'est pas faire confiance aux enfants, à leur intelligence. Une façon de les faire grandir est aussi de leur donner une liberté d'interprétation. Et s'il n'y a plus d'implicite, il n'y a plus de littérature."
Cocteau disait : "L'enfance sait ce qu'elle veut. Elle veut sortir de l'enfance". Respectons-la.
Dans un tel contexte, les écrivains se répètent beaucoup et c'est la faute d'un système éditorial qui nuit à la créativité.
La langue est simplifiée à l'extrême. Le passé simple est banni et le passé composé à éviter. La langue s'oralise, la négation saute : j'écris pas, je lis pas, ça va pas. Et il est question de "vraie vie" et de "vraies gens". La romancière Anne Herbauts constate : "Hier on écrivait : "un lapereau s'est tapi dans le taillis" ; aujourd'hui on écrit : "un petit lapin s'est caché dans le buisson". On perd les nuances. Par exemple "un petit lapin", c'est presque un personnage, comme une peluche, qui n'a plus le rôle animal."
Un éditeur (formation Lettres) regrette les consignes du marketing (formation HEC) : avec l'arrivée en force de Marc Levy en édition jeunesse, on prépare le terrain pour des futurs lecteurs adultes, acheteurs de Levy.
Cocteau disait : "L'enfance sait ce qu'elle veut. Elle veut sortir de l'enfance". Respectons-la.
J'étais au courant de cette simplification des livres jeunesse : hélas!
RépondreSupprimerComme vous dites...
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