18 janvier 2012

L'invention de la solitude - Paul Auster

Paul Auster est souvent qualifié d'auteur inclassable, ce livre le justifie amplement. Entre la recherche de l'identité d'un père peu présent, la mise en évidence de la mémoire et de la solitude dans l'acte d'écriture, les collisions du hasard dans le temps et l'espace, à travers un flot de réflexions autobiographiques intimes et tentaculaires, il ouvre des portes que certains d'entre-nous ont entrouvertes pour vite les refermer, pris de vertige. Il nous met face à notre esprit.

Les thèmes développés dans L'Invention de la Solitude sont devenus les marques de fabrique de l'auteur de la trilogie new-yorkaise.
 Combien de fois, en voyant le lieu de travail de nos écrivains, ne nous disons-nous pas déçus et dubitatifs: c'est donc dans cet endroit insignifiant que sont nés les histoires merveilleuses et les chefs-d'œuvre ? C'est autour de cela qu' écrit Auster: un endroit, une chambre simple où converge tout le passé, un lieu-nœud de conjonction des fils du souvenir. De là nous parcourons avec lui un réseau touffu réparti en une quinzaine de livres de la mémoire, disparates, unis par une remarquable persévérance dans une quête de soi avec en toile de fond la culture occidentale. Paul Auster est d'ailleurs très européen à ce point de vue.

Dans la première partie, il tente de raconter qui est son père. Cette recherche le conduit vers sa propre paternité (Le fils sauve le père.), vers son travail intime d'écrivain, un travail de mémoire qu'il décrit abondamment dans la seconde partie, dense et intense. Les méandres de ses réflexions et anecdotes le conduisent de Vermeer à Anne Franck, de Pinocchio aux Contes des 1001 nuits. Il pose des panneaux indicateurs. Suivre son parcours nous conduit immanquablement vers notre propre intimité culturelle et spirituelle, vers nos velléités d'écriture peut-être aussi. C'est en cela que ce livre honnête touche. Qui permet aussi de découvrir l'homme qu'était Auster au moment de devenir écrivain majeur.

J'ai été fasciné par la description de S., artiste méconnu et marginal rencontré à Paris, qui vivait dans un réduit étroit comme un compartiment de train, avec juste la place pour un lit entouré d'étagères qui rassemblaient tout ce qui lui était cher et nécessaire pour vivre. Un microcosme, métaphore de l'esprit écrivant ? Saisissant. Voir l'extrait ici dans la rubrique Extraits d'auteurs.

Il n'apparaît pas de conduite claire dans la seconde partie du livre: tout est livré sans projet précis. Cela gênera autant les esprits rigoureux que les inconditionnels du roman, mais ravira les penseurs gourmets, amateurs de plats variés dans lesquels on grignote ce qui plaît, entre deux regards songeurs à travers les voiles de crachin d'un hiver doux.

Pour conclure, pour tout dire, je cite les dernières phrases du livre: « Il prend une nouvelle feuille de papier, la pose sur la table devant lui, et trace ces mots avec son stylo. Cela fut. Ce ne sera jamais plus. Se souvenir. »

Voir quatre extraits dans la rubrique Extraits d'auteurs

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