Je me réjouissais de lire un autre Banville après avoir apprécié Infinis: je n'ai pas été déçu. Bien sûr, cet auteur ne propose pas de mystère nébuleux, ne déroule aucune enquête haletante, pas plus qu'il n'imagine de péripéties palpitantes ou vaudevillesques. Il s'attache à saisir des scènes, des sensations, des moments furtifs remontés à la mémoire qu'il prolonge somptueusement en croquant gestes, expressions, non-dits, frissons même, avec un crayon précis, tendre ou cruel et toujours intelligent. Je le vois comme un peintre ou un photographe enrichi de toute la gamme des évocations que permet l'écrit. Ce n'est sans doute pas un hasard si la peinture (avec Bonnard notamment) et la photographie pointent leur nez dans ce roman.
La puissance de la mémoire est la ligne de force de cette histoire. Les souvenirs vont et viennent comme le ressac de la mer et submergent le lecteur d'un bain trouble et exaltant, doux et chargé d'écume amère. L'impression générale faite de dunes et de vent, de douleurs sourdes et de pulsions en herbe, m'a tant pénétré que j'en garderai sans doute un souvenir inoubliable. Mon séjour sur la côte de la Mer du Nord durant la lecture contribue certainement à renforcer ce sentiment. Et la proximité d'âge que je dois avoir avec cet homme écrivant les effluves de sa mémoire le rend naturellement attachant à mes yeux... Je suis assez déçu des critiques molles que j'ai trouvées sur les sites de lecteurs, car je comprends mal qu'on puisse passer à côté de cette perle.
La puissance de la mémoire est la ligne de force de cette histoire. Les souvenirs vont et viennent comme le ressac de la mer et submergent le lecteur d'un bain trouble et exaltant, doux et chargé d'écume amère. L'impression générale faite de dunes et de vent, de douleurs sourdes et de pulsions en herbe, m'a tant pénétré que j'en garderai sans doute un souvenir inoubliable. Mon séjour sur la côte de la Mer du Nord durant la lecture contribue certainement à renforcer ce sentiment. Et la proximité d'âge que je dois avoir avec cet homme écrivant les effluves de sa mémoire le rend naturellement attachant à mes yeux... Je suis assez déçu des critiques molles que j'ai trouvées sur les sites de lecteurs, car je comprends mal qu'on puisse passer à côté de cette perle.
Le récit tient en peu de choses, mais les sublime toutes: un homme au soir de sa vie revient sur des événements de vacances à la mer pendant sa jeunesse. Son épouse vient de mourir d'un cancer (...l'imprévu suprême lui avait fondu dessus) et désemparé, il retourne sur le lieu de vacances de son adolescence, de ses premiers émois sensuels, là où il a vécu un autre drame révélé tout à la fin du roman au terme d'une progression adroite de la tension. Ce n'est pas un livre triste du tout: il est poignant et m'a parfois serré la gorge, c'est vrai, mais ce texte apporte autre chose d'enveloppant et d'indicible, qui n'est pas de désespoir ni de mélancolie. N'est-ce pas simplement cela l'art, la beauté de l'art ?
La Mer, en définitive: une aquarelle où se côtoient l'initiation et la mort, mouillé sur mouillé.
La Mer, en définitive: une aquarelle où se côtoient l'initiation et la mort, mouillé sur mouillé.
Je ne suis pas très compétent pour juger de la traduction et je peux me tromper, mais je tiens à noter que j'avais senti une écriture (encore) plus raffinée avec la traduction d'Infinis par Pierre Emmanuel Dauzat qu'avec celle-ci d'Albaret-Maatsch, qui soit dit en passant a pratiquement traduit tout ce qui existe de Banville en français et n'a de compte à rendre à personne. Il se peut aussi que Banville ait écrit La Mer d'un trait plus spontané, avec toujours, et pour mon grand plaisir, ces changements de rythme, alternant phrases courtes et longues dans un rythme élégant.
Un bref extrait: Puis, soudainement, non, pas soudainement, mais dans une sorte de houle impérieuse, toute la mer s'est soulevée, ce n'était pas une vague, mais un rouleau paisible qui avait surgi des grandes profondeurs, à croire qu'un énorme quelque chose avait bougé là en-dessous, et j'ai été soulevé et emporté un peu plus loin vers le rivage, puis reposé sur mes pieds comme auparavant, comme s'il ne s'était rien passé. Et en effet il ne s'était rien passé, juste un formidable rien, juste un haussement d'épaules indifférent du vaste monde.
Un bref extrait: Puis, soudainement, non, pas soudainement, mais dans une sorte de houle impérieuse, toute la mer s'est soulevée, ce n'était pas une vague, mais un rouleau paisible qui avait surgi des grandes profondeurs, à croire qu'un énorme quelque chose avait bougé là en-dessous, et j'ai été soulevé et emporté un peu plus loin vers le rivage, puis reposé sur mes pieds comme auparavant, comme s'il ne s'était rien passé. Et en effet il ne s'était rien passé, juste un formidable rien, juste un haussement d'épaules indifférent du vaste monde.
Si vous le pouvez un jour, retrouvez ce passage à la fin du livre et constatez que situé dans son contexte, il prend une dimension supérieure. Comprenez-en toute la portée ontologique et John Banville aura peut-être gagné un lecteur, une lectrice.
Le livre a connu un gros succès outre-manche et il a été largement traduit. Booker prize 2005.
Le livre a connu un gros succès outre-manche et il a été largement traduit. Booker prize 2005.
En poche 10/18, 247 pages, traduction de Michèle Albaret-Maatsch
Commentaires
" une aquarelle où se côtoient l'initiation et la mort, mouillé sur mouillé."
RépondreSupprimerme donne à penser que vous pratiquez peut-être vous-même l'aquarelle. C'est le cas?
Oui effectivement Sibylline, j'ai pratiqué l'aquarelle, avec un peu de réussite, assez pour voir encore accrochées quelques réalisations aux murs de notre habitation.
SupprimerLa technique du mouillé sur mouillé est très difficile et bien entendu aléatoire, la part de maîtrise étant limitée par l'eau qui fuse à son gré, cette part de hasard qui fait toute la beauté de la technique, comme dans la vie où il faut savoir laisser las choses se faire seules, parfois.