Ce serait comme jeter quelques taches de peinture sur une toile, pas complémentaires, inopinées mais qui désigneraient quelque chose de nouveau, qu'on ne penserait jamais donner à ressentir. Mais quelque chose de juste. Ou lancer des notes absurdes, des accords inédits, croches ou demi-soupirs incongrus qui s'accrochent en un jingle qu'on n'oubliera pas, parce que c'est ce qu'on aurait voulu proférer un jour sans soleil. Les strophes de Luc Baba sont comme cela, téméraires, en révolte et sans normes, glaçantes et pénétrantes. Et magnifiques.
Un freux détaché de la nuit
Donnait à l'aube un cou de bec
Ces poèmes - je n'aime pas ce mot trop scolaire, chargé de mesures calculées auxquelles je préfère les mots sautillant en liberté -, cette poésie disais-je, m'a accompagné pendant deux semaines le matin au lever, un rituel étrange, deux ou en deux minutes pour apprivoiser le recueil et y revenir souvent, les yeux clos ou vides pour y découvrir d'autres clés ou d'autres échos colorés, comme à travers un kaléidoscope.
Sous l'ardoise bleue des paupières
C'est de l'ambre
Et de vieux insectes
Et va le temps long de la pierre
J'ai souvenir de bons moments passés avec Luc autour de l'écriture et je revois cette immense photo des trois ''grands'', Brel, Ferré, Brassens qui éclairaient ses ateliers. Comme eux, il dit ce qui est, y compris ce qui est moche, avec une préférence pour le moche dans son cas. Car l'écriture paraît un exutoire pour lui, presque un défi à la souffrance et à la laideur. Et c'est violent :
Le froid aiguisait une lame
À ses os
Un froid d'usine
Et le chandail noir des oiseaux
Lui semblait une injure de Dieu
Alors qu'il n'existe pas
Voici ce qu'il m'a confié: ... c'est un recueil de poésie. Le premier, écrit lors d'un hiver difficile. L'homme du trottoir, c'est le marginal libre, basculant entre le bonheur et la douleur d'être l'un et l'autre. Mais c'est toujours le texte qui décide. Quelques mots naissent, un personnage, on le suit, et les questions viennent ensuite. Les 30 vilains petits poèmes, c'est un ressac d'amours bâclées, que je regarde avec le sourire de la distance...
Du vin que je buvais sur ta langue
J'ai gardé ce goût de verre brisé
C'est une première publication poétique pour cet auteur liégeois dont on connaît l'attirance pour la scène : acteur, chanteur, slameur. Douze romans ont vu le jour sous sa plume, tous publiés. Et une foule de textes, du théâtre, des nouvelles,... Visitez le blog de cet artiste épris des mots, qu'il invente, dit ou chante avec une ardeur sombre et communicative.
Il évoque aussi des projets : J'écris encore des romans. Les aigles ne tuent pas les mouches, le dernier en date, est sorti en octobre dernier. Le prochain pourrait paraître l'an prochain. Mais j'en parlerai alors... Je travaille en outre sur un roman de plus longue haleine, qui s'ouvre en 1917 sur les bords de la Meuse.
Et je m'en réjouis, car c'est avec joie que je retourne vers ses écrits à l'éclat singulier, non-conformistes, soulignés pour l'humanité et la sincérité.
Commentaires
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
AUCUN COMMENTAIRE ANONYME NE SERA PUBLIÉ
NO ANONYMOUS COMMENT WILL BE PUBLISHED