La pensée magique en psychanalyse repose sur la croyance que certains rituels confèrent des vertus de protection. Pourquoi ne pourraient-ils, par enchantement, apporter culture et connaissance ? En acquérant les qualités de ce qu'on ingère, par exemple.
Je mange du bison, j'hérite de sa force; je mange bio, je suis bio; et si je lis le dernier Goncourt, me voilà cultivé ! Cette croyance en la transsubstantiation est si puissante qu'elle peut donner lieu à d'étranges rituels où le livre n'est plus ingéré que symboliquement: un quatrième de couverture à la hâte, des fiches pour réviser les classiques, et l'heureux lecteur croit s'être incorporé les connaissances d'un grand homme.
Ne pas confondre, en effet, la vraie connaissance d'un sujet et le fait de savoir en parler: reste à définir le vrai savoir, à partir d'où connaît-on un sujet ? Les charlatans et les étudiants semblent les plus susceptibles de pratiquer ce type de lecture, encore que ces derniers soient sûrement les plus conscients de la duperie.
On pourrait étendre la pensée magique aux livres eux-mêmes: un roman marqué du sceau Goncourt ou National Book Award subit-il une transsubstantiation qui en fait un grand livre ? Ah, le bandeau rouge magique en couverture sur le présentoir, eucharistie de librairie.
Sur base d'un réflexion de Frédérique Pernin dans sa Petite philosophie du lecteur (Éditions Milan).
Commentaires
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
AUCUN COMMENTAIRE ANONYME NE SERA PUBLIÉ
NO ANONYMOUS COMMENT WILL BE PUBLISHED