Traduit du néerlandais (Belgique) par Danielle Losman
La quatrième de couverture de "Comme au premier jour" indique qu'il s'agit «d'un roman en récits». De fait, chaque "chapitre" représente une histoire qui peut être lue indépendamment, comme une nouvelle. Des détails épars, des indices comme ce mystérieux "fil d'argent", tracent entre eux une destinée unique répartie en trois étapes, celle d'un enfant entre jeux de guerre et idylle, celle d'un adolescent débridé parfois cruel et enfin celle d'une maturité perturbée et inquiétante, filant dans une spirale turpide. Parmi la diversité des récits (tonalités, noms,...), on garde l'impression d'un développement progressif focalisé sur le même personnage.
La presse belge francophone n'est pas très diserte à propos de Stefan Hertmans, particulièrement pour ce roman que le Gantois inclut dans un triptyque à côté de deux titres non traduits en français "Naar Merelbeke" ("Vers Merelbeke") et "Harder dan sneeuw" ("Plus dur que la neige").
Un article de Claire Devarrieux (Libération) offre une élégante recension du livre et y voit le monde se dérober dans "une descente aux enfers contemplée, et peut-être provoquée, par l'œil tétanisant d'un paon. Un paon de basse-cour, une basse-cour peinte, une peinture flamande du XVIIe siècle, en réalité une copie. Le tableau, fréquenté depuis l'enfance, a contaminé le personnage principal, Simon, dont la conscience sombre un peu plus à chaque étape".
D’après Melchior d’Hondecoeter (Utrecht, 1636 – Amsterdam 1695) |
Hertmans n’est pas seulement un artiste érudit qui jongle avec des savoirs et des données encyclopédiques, il s’intéresse aussi à l’homme derrière l’œuvre d’art, à l’artiste. Ses thèmes centraux vont au caractère inconnaissable du moi et de la réalité, et ceci est particulièrement sensible dans ce livre dense et saisissant.
L'auteur explique (dans un entretien pour Rekto:verso) que dans chaque ouvrage de la trilogie, est abordé le même questionnement en indiquant les résidus du sacré dans les comportements délictueux de gens qui vivent ce qu'il appelle une «déchristianisation» (ontkerstening). Le roman, écrit à l'époque de l'affaire Dutroux, montre comment certains peuvent s'égarer dans leur désir obsessionnel de toucher la pureté. "Pour Dutroux et autres Fourniret, il s'agit du viol de la figure de la «ballerine», ainsi que Fourniret qualifiait Isabelle Brichet. La noirceur de cette confusion gouverne mon livre. Il s'agit d'une réflexion sur la criminalité issue d'un rêve de pureté. "[1], dit Stefan Hertmans. La quête de l'Image sublime dans les passions humaines, initiée dès l'enfance, contribue ici aux catastrophes intimes et aux déviances de psychopathes.
Une œuvre littéraire ambitieuse et, selon moi, remarquablement aboutie et loin d'être aussi sombre que la gravité du thème peut le laisser penser. Ceci malgré le développement un peu complaisant de la dernière scène pornographique en fin du livre. Le premier texte "Paysage aux oiseaux" est un réel chef-d'œuvre : "L'obscurité hurlait dans la lumière".
Et je continue à m'interroger sur la conclusion – ironique ? – de Pieter van Os (De groene Amsterdammer): "Quelque épouvantable que puisse être le personnage central de ce livre, Hetmans ne doit pas, à tous égards, s'en sentir très éloigné."[1]
Jérôme Bosch - L'enfer (détail) |
Un extrait demain.
[1] traduction christw
j'ai lu un livre de cet auteur : Entre villes, il y a longtemps mais j'avais eu beaucoup de difficultés à entrer dans son territoire, ici c'est plutôt le sujet qui est effrayant malgré tout je crois qu'à tout le moins je regarderai si il est présent à la médiathèque
RépondreSupprimerDans "Entre villes", il évoque même Liège, Anvers etc... je pense.
Supprimer"Comme au premier jour" n'est pas facile, il n'évoque pas du tout les événements pénibles cités dans le billet mais cela reste un livre tourmenté, surtout dans la troisième partie.
Je vous conseillerais plus vite "Guerre et térébenthine", Pascale a beaucoup aimé, mais je n'ai pas encore lu, pas facile de trouver Hertmans en bibliothèque ici.
Un auteur dont je n'ai jamais entendu parler. J'ai donc lu votre billet et ouvert tous les liens, fort intéressée. je me demande si ma sœur qui habite près de Gand le connaît.
RépondreSupprimerLes sujets "durs" ne me font pas peur; assez habituée à la littérature espagnole qui, dans le genre noir et dur, est plutôt bien fournie!
Je note tous ces titres donc, grand merci.
Si vous lisez un de ses titres je serais heureux d'avoir votre avis, Colette. Ainsi que celui de votre sœur peut-être.
SupprimerIci, j'ai trouvé que la manière, l'écriture, etc... bref l'artistique dépasse largement le frein que peut progressivement induire le sujet.
Ma bibliothèque possède un titre de cet auteur : "la métamorphose de l'ange" sur l'œuvre de Jan Fabre. Vous l'avez lu ?
RépondreSupprimerJe n'ai lu que "Comme au premier jour" de S. Hertmans et celui dont vous parlez ne figure pas parmi les plus commentés selon mes récentes recherches sur la Toile. A priori je ne suis pas attiré par le travail de Jan Fabre.
SupprimerJe suis toujours en alerte, pour le prochain 'mois belge', mais hélas rien à la bibliothèque...
RépondreSupprimerDéjà difficile de trouver Hertmans ici, en région francophone, là-bas alors...
SupprimerLe mois belge : avez-vous jamais lu Guy Goffette ? Mais c'est un ancien.
Mais oui, je connais bien Goffette, famille et amies belges m'ont offert des recueils de poésie de lui et quelques récits aussi. Des écrits, des mots dans lesquels je me glisse avec plaisir.
SupprimerJe posais la question à Keisha pour son mois belge, mais je vois avec plaisir, Colette, que vous appréciez comme moi le poète Gaumais.
SupprimerAu fait, c'est bien Colette là ?
Stefan Hertmans n'est pas un écrivain facile d'accès. Son livre le plus "abordable" (facile à lire) est le dernier traduit en français, "Guerre et térébenthine". Très beau !
SupprimerJ'aime tous ses livres et je ne les ai pas tous lu, seulement "Entre villes", "Le paradoxe de Francesco", "Guerre et thérébentine".
Je suis à la recherche du "paradoxe", celui-là avant tout.
SupprimerPas facile d'accès Hertmans, en effet et un billet sur "Comme au premier jour", pas de la tarte, méme les critiques pros sont peu loquaces.
Je suis allée vous relire à propos du "Cœur converti" mais j'avais manqué ce billet-ci. Il ne me tente pas vraiment, j'y jetterai un œil à l'occasion.
RépondreSupprimerOh c’est un texte sombre, difficile. On y trouve un Hertmans très différent et je n’ai pas tout assimilé (même si dans le billet j'écris que c'est une œuvre aboutie). Le tableau avec le paon est mentionné dans "Guerre et térébenthine", je pense que le grand-père Urbain en a fait une copie, si je me souviens bien.
SupprimerMerci d’avoir fait ces détours, Tania.