"Calvin n'articulait point de phrases. Il se contentait de hurler, de jurer : «J' vais te secouer les puces, moi, rugissait-il. Eh, les petites ! Vangie ! Beck ! Sarah ! » Les sœurs étaient déjà là. Dans leurs longues jupes, elles semblaient avoir franchi la porte comme des ballons sur un torrent, et elles poussaient des cris perçants, dominés par la voix du père qui rugissait et tonnait. Son habit – la redingote du dimanche, redingote de riche ou de retraité – était entrouverte, et il fouillait près de sa taille, du geste de quelqu'un qui cherche son pistolet. Mais il se contenta de détacher une ceinture de cuir et, la brandissant, il se précipita au milieu des trois femmes qui sautillaient comme des oiseaux et poussaient des cris perçants. «Je t'apprendrai, hurlait-il. Je t'apprendrai à t'enfuir de chez moi.» Par deux fois, la courroie s'abattit sur les épaules de Nathaniel. elle retomba deux fois avant que les deux hommes s'étreignissent.
En un sens, c'était par jeu : une sorte de jeu mortel, mi-sérieux, mi-souriant, le jeu de deux lions, qui aurait pu tout aussi bien laisser des marques que n'en pas laisser. Ils étaient là, debout, face à face, poitrine contre poitrine : le vieillard grisonnant avec son visage émacié et ses yeux pâles de Nouvelle-Angleterre, différent en tous points du jeune homme au nez en bec d'aigle et aux dents blanches qu'un sourire découvrait."
William Faulkner - Lumière d'août
Mon préféré de Faulkner...
RépondreSupprimerSuperbe !
RépondreSupprimerje ne me souviens pas d'avoir lu ce passage alors que je croyais avoir lu ce roman.
RépondreSupprimer@Pascale, Tania : merci d'apprécier.
RépondreSupprimer@Luocine : Les romans de Faulkner sont très denses, particulièrement le volumineux "Lumière d'août".