16 septembre 2017

Traduire

Le traducteur est méconnu ; il est assis à la dernière place ; il ne vit pour ainsi dire que d'aumônes ; il accepte de remplir les plus infimes fonctions, les rôles les plus effacés ; "servir" est sa devise, et il ne demande rien pour lui-même, mettant toute sa gloire à être fidèle aux maîtres qu'il s'est choisis, fidèle jusqu'à l'anéantissement de sa propre personnalité intellectuelle. L'ignorer, lui refuser toute considération, ne le nommer, la plupart du temps, que pour l'accuser, bien souvent sans preuves, d'avoir trahi celui qu'il a voulu interpréter, le dédaigner même lorsque son ouvrage nous satisfait, c'est mépriser les qualités les plus précieuses et les vertus les plus rares : l'abnégation, la patience, la charité même, et l'honnêteté scrupuleuse, l'intelligence, la finesse, des connaissances étendues, une mémoire riche et prompte, - vertus et qualités dont quelques-unes peuvent manquer chez les meilleurs esprits, mais qui ne se trouvent jamais réunies dans la médiocrité. Il nous faut donc respecter, et même honorer publiquement, en la personne de l'habile et consciencieux traducteur, ces traces des perfections que nous adorons dans ce que nous concevons de plus élevé ; il nous faut donc louer, en même temps que son nom et ses mérites, les puissances du monde intelligible par lui glorieusement, et modestement, manifestées dans le monde sensible.

Valéry Larbaud, 1957 - "Sous l'invocation de Saint-Jérôme"


Le travail dans l'ombre du traducteur, de la traductrice, est justement (et un peu pompeusement) honoré par Larbaud dans un encart du hors-série du magazine "Le 1" (aoūt 2017).
Malgré toute la sympathie éprouvée pour le format insolite de ce journal (évitez-le dans le métro aux heures de pointe), on peut douter de l'intérêt d'avoir scindé ce passage sur une seule feuille pliée en seize, dont la lecture exige une gymnastique pénible pour en trouver la bonne séquence.

12 commentaires:

  1. Je vois bien le format du 1, pas pratique dans le métro en effet...
    Sinon, le thème de la traduction me fascine toujours.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Sujet passionnant, oui. Quel beau travail aussi, je crois que cela m'aurait plu.

      Supprimer
  2. la traduction est quelque chose qui m'a toujours passionné et intrigué, je ne connaissais pas ce texte de Larbaud
    Pour info il va paraitre bientôt un essai sur la traduction, un essai ancien puisqu'il est d'Hugo Friedrich le biographe de Montaigne, je pense que je le lirai, même si je ne fais pas de billet je vous dirai ce que j'en pense
    je suis des cours d'hébreu biblique depuis plusieurs mois et parmi les étudiants nombreux sont ceux qui sont traducteurs et leurs réflexions sont toujours intéressantes

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ces cours doivent vous combler, votre intérêt pour la bible apparaît dans vos chroniques.
      Je prends bien note du H Friedrich, tous les essais sur la traduction valent la peine de s'y intéresser et j'entendrai votre avis avec plaisir, Dominique.

      Supprimer
  3. J'ai beaucoup d'admiration pour les traducteurs et aimerais beaucoup être l'un d'entre-eux ! Leur importance est considérable. Je viens d'en faire l'expérience très récemment en lisant la très belle traduction de l'Odyssée de Philippe Jaccottet. J'espère en parler dans quelques temps.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'aurai, j'espère, le plaisir de vous lire sur Jaccottet et l'Odyssée.
      L'édition illustrée est en outre très belle, je l'ai feuilletée.
      À bientôt.

      Supprimer
  4. Bonjour Christw, j'évoque dans certains billet, le travail de traducteur. Je tire mon chapeau à ces professionnels qui font souvent un travail remarquarble. Bonne après-midi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Dasola. Je ne lis pas un très grand pourcentage de livres traduits, mais quand c'st le cas, j'imagine les choix auxquels sont confrontés les traducteurs. À la limite, ils'agit ni plus ni moins de création si une traduction exacte est impossible, ce qui est courant, en poésie notamment.

      Supprimer
  5. Bonjour Christian, j'ai du retard partout, mais me voilà!
    Vous le savez, la traduction me passionne et je lis avec grand intérêt tout ce qui concerne ces travailleurs de l'ombre.
    En poésie certains traducteurs s'éloignent beaucoup du texte orignal, créent en quelque sorte un autre poème, souvent je crois pour la musicalité. Je préfère ceux qui restent près du texte, mais ça c'est très personnel.
    Je note tout, Larbaud et Hugo Friedrich.
    Je passe illico à votre billet suivant.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Du retard ? Que dire de moi qui lambine et procrastine... Mais ce n'est pas de la mauvaise volonté... Beaucoup de choses en dehors et petits soucis de santé de tous les deux.
      Je ne pense pas qu'il est préférable, en poésie, de créer autre chose à la traduction. J'opterais aussi pour les versions les plus proches.
      Je lis beaucoup de Faulkner ces derniers temps et je mesure combien certaines traductions qui semblent boiteuses le sont beaucoup moins à l'examen de l'original. Il faut faire des choix difficiles.
      Il est certain que pour les traducteurs de Faulkner, les sonorités n'ont pas la même importance que dans la poésie versifiée.

      Supprimer
  6. Je voulais tester ce magazine : j'ai renoncé à cause du format ! même sans être dans un métro. Je n'aime que les formats de poche et là, c'est vraiment le désordre...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pour les amateurs de format poche, "Le 1" n'est pas le... top
      :-)

      Supprimer

AUCUN COMMENTAIRE ANONYME NE SERA PUBLIÉ
NO ANONYMOUS COMMENT WILL BE PUBLISHED