Vladimir Nabokov |
Évoquer un recueil de nouvelles tellement diverses dont on voudrait tirer quelques grandes lignes revient à présenter un écrivain dont on a tout dit ou presque. Ces histoires courtes écrites en russe au tout début de sa carrière (traduites plus tard en anglais par l'auteur), lors de l'exil à Berlin en fuite du bolchevisme, sont significatives et symboliques de la démarche future de Vladimir Nabokov qui s'inscrivait à contre-courant des modes et voyait dans la littérature une manière de sorcellerie plutôt qu'un langage de raison.
Gilles Barbedette l'indique en préface : "Dans ces nouvelles, Nabokov tente de saisir en plein vol des images, des sons et des voix cristallisés pour le seul plaisir des mots et qui représentent pour lui le seul moyen d'ignorer avec superbe la puissance temporelle du monde. D'où ce penchant pour l'invraisemblance délibérée d'un détail qui vient traverser ou clore un récit, et la méfiance instinctive à l'égard de l'Histoire dite «objective»." Si Nabokov dit un jour que les romans sont des contes de fées, on peut penser qu'il avait au moins raison pour les siens.
Lors de leur parution (décembre 1990), la plupart de ces textes étaient inédits ou n'avaient été publiés que dans des revues berlinoises sans refaire surface depuis. On y retrouve la nostalgie du pays russe, l'aversion pour les partisans de la révolution et quelques apparitions fabuleuses. Tout cela est savoureux, on ne s'y ennuie jamais.
Jeune romaine dite Dorothée - Sébastiano del Pïombo |
Dans "La Vénitienne", Nabokov réussit à déstabiliser le fantastique même, de sorte que l'on est autant confondu d'y avoir cru que ravi du tour de passe-passe des dernières lignes. Nabokov y trempe librement une toile connue du peintre del Piombo de la Renaissance italienne.
"Bruits", tous les sens en éveil, en vibration avec le monde, évocation d'une relation adultérine, est ma lecture préférée.
Les treize nouvelles colorées sont précédées de deux courts essais sur l'art, rédigés en anglais, annonciateurs de l'esthétique à venir : refus du réalisme, amour de Pouchkine et Gogol, goût du grotesque et de l'étrange.
Passant un jour en revue mes nombreuses lectures si lointaines et oubliées de l'auteur – j'ose espérer que l'absence de comptes-rendus sur un blog hypothéquait la stabilité de mes souvenirs nabokoviens – je me demandai ingénument pourquoi je le prisais tant, d'où une des raisons de relire "La Vénitienne et autres nouvelles". Il ne faut pas chercher loin : dès les débuts russes dans les années 20, c'est sensible, varié et talentueux, ainsi que l'avait confirmé, il y a peu, "Le guetteur".
Autant je suis sensible au Nabokov romancier et critique littéraire jusque dans ses outrances autant ses nouvelles ne m'attirent pas. Mais j'ai certainement tord
RépondreSupprimerDes romans, je n'ai pas lu "Ada" et "Le don", sinon je crois avoir tout lu, mais j'ai un peu oublié tout ça. Quel plaisir d'y revenir !
SupprimerPas de billets auparavvant, qui sont peut-ëtre aujourd'hui des cailoux que je me sème pour dans vingt ans. Dans vingt ans...ooh !
Dans vingt ans est une expression que je ne m'aventure plus à utiliser ! De Nabokov, je pense n'avoir lu que "Lolita" autant dire que je le connais à peine.
RépondreSupprimerOn connait beaucoup Nabokov pour "Lolita", pour le scandale à l'époque. C'est peu de chose à côté du reste de l'œuvre.
SupprimerUn auteur qui me reste à découvrir (au milieu de nombreux autres !).
RépondreSupprimerQuelle belle invitation quand je lis : "Tout cela est savoureux, on ne s'y ennuie jamais" !
Je confirme, Annie, pour moi en tout cas, c'est sûr !
SupprimerBonjour Christian, comme j'aime particulièrement le genre "nouvelles" et n'en ai lu aucune de Nabokov, je vous ai lu attentivement et aussi cet article du Monde https://www.lemonde.fr/livres/article/2010/04/23/premiers-et-ultimes-ecrits-de-nabokov_1341417_3260.html
RépondreSupprimerAu travail donc, recherche et lectures, merci!
Des textes cités dans l'article du Monde (merci pour le lien), il n'y en a que quelques-uns du recueil que je viens de terminer, celles qui sont datées de 1923-24. J'imagine que pour être complet, le "Quarto" Gallimard s'impose. Bonnes lectures Colette !
SupprimerJamais lu ces nouvelles, votre billet met en appétit, c'est noté.
RépondreSupprimerAh ces lectures d'avant le blog, celles dont on se souvient, celles qui semblent oubliées - cela donne envie de rouvrir bien des livres dans sa bibliothèque !
C'est vrai. J'avoue que même depuis le blog, je me rappelle mal de certains livres... mais les comptes-rendus viennent à mon secours.
SupprimerJ'avoue : je n'ai rien lu de Nabokov...
RépondreSupprimerJ'avais lu Lolita mais j'ai abandonné son autobio, autres rivages... ce nouvelles ne vont aps faire partie de mes priorités... Je suis surprise de voir du fantastique dans sa production...
RépondreSupprimer"Autres rivages" m'a beaucoup plu en son temps.
Supprimer"Le lutin" et "Un coup d'aile" mettent résolument en scène des êtres surnaturels. Quant à "La Vénitienne", pour ne pas trop en dévoiler, disons que l'histoire s'appuie sur le fantastique.
tiens tiens j en'ai pas lu ces nouvelles qui peuvent me plaire. à essayer.
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