2 novembre 2018

Entre eux


Traduit de l'anglais ( États-Unis) par Josée Kamoun, 168 pages

Eux, ce sont les parents de Richard Ford dont il tente de retracer la vie. En 1988 il avait publié "À la mémoire de ma mère", dont il reprend le texte précédé par celui qu'il consacre au père. L'ordre se justifie chronologiquement, car cet homme décédé jeune fait davantage partie de la jeunesse de l'auteur. 

Aucune vie n'est ordinaire, Ford le laisse entendre avec la sobriété d'un livre concis et pudique. S'il n'avait pas écrit, de ses parents il ne resterait pas la moindre trace ténue; leurs joies, épreuves et vertus demeureraient invisibles à jamais : "cette perte serait la dernière et la plus lourde de toutes", confie-t-il. 

Ils sont singuliers mais ressemblent à tout le monde, car ils s'aimaient, semblaient apprécier l'existence qu'ils menaient, sans autre ambition que de faire ce qu'il fallait pour gagner des sous, se loger, s'amuser un peu et le bien du fils. Au bord des phrases, ce sont les nôtres qui réapparaissent, père et mère si lointains. C'était à peu près cette époque, dix ans près. Quelques photos en noir et blanc jalonnent le livre, elles ressemblent à mes propres albums de souvenirs. Mêmes vêtements. Ils posent. 

Je le signalais à l'occasion d'une vieille lecture de Richard Ford, cet écrivain reste en retrait, n'entre pas dans les têtes, énonce des faits avec retenue, à la façon d'Hemingway. Il ne traque pas les spéculations, se contente de voir avec les yeux de ses parents, des questions demeurent sans réponse. Ces gens acceptaient la vie comme elle venait, impression déjà rencontrée dans "Une saison ardente" et "Péchés innombrables", espèce de soumission à l'ordre des choses. En cela déjà, ces personnes sont attachantes.

"Ce que j'en dis n'est pas pour parer d'une aura romanesque la vie de ma mère, ou la faire passer pour unique, mais parce que tout ça semble si loin dans le temps et que ces lieux nous paraissent eux-même si lointains, si inconnaissables. Et puis aussi  parce que c'est ma mère que j'ai très bien connue, qui me relie à cet «étranger», cet «autre chose» dont je sais fort peu, à présent comme hier. Cette particularité de notre vie avec nos parents est souvent ignorée, son importance sous-estimée. Nos parents assurent un lien intime entre nous, qui sommes enfermés dans nos vies, et quelque chose qui n'est pas nous; ils forgent l'écart et la passerelle, le mystère fécond, si bien que même avec eux nous sommes encore seuls."

10 commentaires:

  1. je ne suis pas passionné par ses romans mais le livre consacré à sa mère est toujours dans ma bibliothèque depuis déjà pas mal d'années par la simplicité, au meilleur sens du terme, de son écriture, par une sorte d'humilité pleine de tendresse

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    1. Il poursuit de la même manière au sujet de son père.

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  2. L'un des rares livres de R Ford qui me reste à lire, je fais durer, quoi...

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    1. C'est un auteur qui ne publie pas beaucoup. Je tenterais bien la série Bascombe.

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  3. C'est un auteur que je n'ai jamais lu, sans raison particulière, sauf que l'on ne peut pas tout lire. Avec le commentaire de Dominique, je note que c'est peut-être mieux de commencer par le livre sur sa mère.

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    1. Entre eux" sont des mémoires, pas du roman. Le livre sur sa mère, comme expliqué, figure en seconde partie. Ayant donc disposé des deux, j'ai apprécié les échos du premier dans le second.

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  4. Un livre qui me plairait. J'aime absolument la vie ordinaire et cela rejoint de plus mon goût pour les recherches généalogiques.

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    1. Finalement, nous sommes nombreux à avoir une vie ordinaire.
      Je n'ai jamais entamé de recherche généalogiques, je n'en sais rien. Un jour peut-être ?

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  5. J'ai beaucoup aimé ce récit pudique et pourtant vibrant d'amour pour ses parents. L'auteur, le fils, se tient "en retrait", oui, mais on sent sa présence.

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    1. Le retrait que j'essaie de dire, c'est dans la manière d'écrire. Plutôt qu'écrire, par exemple, "j'ai mal dormi parce que je pensais à l'opération que je subirai ce matin et qui me fait peur, car je... etc.", un Hemingway, un Ford écrirait : "Ce matin, l'opération. La nuit, je me suis levé à deux et quatre heures".
      Ce qui n'empêche pas de sentir une anxiété, ou une présence, etc. , comme vous le dites.
      Mais vous connaissez tout cela.

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