15 novembre 2018

L'astragale


Albertine Sarrazin saute d'une hauteur de dix mètres pour s'évader de prison et se fracture l'astragale, un os du pied. Elle est secourue par un malfrat, Julien, qui la cache chez des proches et l'aide à se soigner. Cet homme va devenir l'amour d'Albertine jusqu'à ses vingt-neuf ans, où elle meurt dans une salle d'opération négligente. Le couple réuni pensait trouver la sérénité dans leur maison de l'Hérault. La jeune femme était, dit-on, affaiblie par le tabac et l'alcool.
Le récit autobiographique (1965), rédigé en prison par Albertine – car elle sera reprise, tout comme Julien commettra d'autres délits qui lui vaudront l'enfermement – est considéré comme un petit roman d'amour pour «son homme».

Une écriture avec de belles trouvailles, pas trop d'argot, rien à voir avec le témoignage hardi de Jeanne Cordelier ("La dérobade"), bien qu'Albertine se prostitue, sans revenus durant sa cavale. Envers et contre tout, malgré Rolande, liaison de prison, malgré Jean, client épris, cette fille résolue de dix-neuf ans garde Julien rivé solidement au cœur : "Merci, Julien, d'avoir su me faire si mal. Tu mets un terme aux chimères, après un corps tu me fais un cœur de femme, ces femmes dont je méprisais le pouvoir mendiant, les attachements et les servilités forcenées. Maintenant, c'est moi qui renifle tes liquettes...".

Je n'ai pas l'impression que l'histoire, presque bienséante, est édulcorée : cette "âme sans détours" est émouvante de sincérité.

Préface de Patti Smith : "Sans Albertine pour me guider, aurais-je fanfaronné de la même façon, fait face à l’adversité avec la même ténacité ? Sans l’Astragale comme livre de chevet, mes poèmes de jeunesse auraient-ils eu le même mordant ?"

L'adaptation au cinéma (2015) de Brigitte Sy (malgré une Leïla Bekhti convaincante) ne m'a pas accroché du tout. Les extraits de celle de Guy Casaril (1968) ne m'inspirent guère mieux. Il y a dans une telle lecture une proximité avec l'écrivaine que je ne peux retrouver à l'écran.

Extrait à suivre.

14 commentaires:

  1. Je ne savais pas que Patti Smith avait ce livre comme livre de chevet. J'ai lu moi-même l'Astragale quand j'étais très jeune, et bien sûr j'avais été très sensible à la révolte, au désir de liberté totale, à cette exigence d'absolu.
    Merci pour cet article.
    Bonne journée.

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    1. J'y ai trouvé également un don inné pour écrire. Albertine a passé son bac en prison et y a entamé des études de lettres.
      Bonne journée Bonheur.

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  2. Oh mais j'ai lu L'astragale, je n'ose dire il y a combien de temps. ^_^ Sans doute devrais-je le relire, histoire d'avoir une autre vision.

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    1. Oh oui, on lit très différemment selon l'époque. Je me suis ennuyé jusqu'à la moitié du livre, j'ai failli abandonner puis j'y ai mordu lorsque les événements se précipitent. Et sont si bien narrés.

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  3. un livre de ma jeunesse c'est drôle de le retrouver ici

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    1. Le personnage suscite la curiosité, c'est pourquoi j'ai voulu aller plus loin, le site, les films. Le livre reste un beau souvenir. Je l'avais trouvé dans un boîte en carton laissée près des ascenseurs par un habitant de notre immeuble.

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  4. Aussi un souvenir de ma jeunesse, Albertine Sarrazin ! "L'astragale" a figuré sur les listes de lecture que je proposais à mes élèves. Comment le lirais-je aujourd'hui ? A tenter. (Pas retrouvé dans ma bibliothèque, peut-être laissé à celle de l'école ?)

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    1. Oh mais oui, c'est une belle lecture pour adolescent(e)s.
      Mon exemplaire vieillot est celui que je propose en image avec l'extrait demain.

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  5. A l'époque, c'était pratiquement un incontournable ; je l'ai lu, comme tout le monde, j'avais aimé, mais comme le souligne Keisha, difficile de savoir ce que j'en penserais aujourd'hui. Le monde a tellement changé depuis.

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    1. Je ne vois pas bien ce que vous voulez dire, Aifelle, avec le monde qui change. Vous voulez dire ce genre de lien Albertine-Julien ? Le genre de récit ? Votre propre regard ?

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  6. Je veux dire qu'à l'époque c'est un texte qui frappait par son propos et par la personnalité de l'auteure. On n'avait pas l'habitude de ce genre de texte, en tout cas par moi, dans mon milieu. Aujourd'hui où on publie tout ou n'importe quoi, pourvu que ça choque, ça paraît bien plus "banal".

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    1. Ah d'accord, c'est vrai, de nos jours le récit d'Albertine est "soft" à côté de ce qu'on peut trouver en matière de truanderie. On devine bien qu'elle n'est pas un ange, loin de là, mais elle n'insiste pas sur cet aspect. Finalement c'est ce qui m'a plu, au-delà de la bonne écriture.

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  7. Comme toutes les autres je m'exclame : "Un souvenir de jeunesse !". Je l'ai lu, sans trop me souvenir des détails, je dois dire. C'était à l'époque un livre qu'il fallait avoir lu, surtout si l'on avait envie d'inquiéter les parents, ce qui n'était d'ailleurs même pas mon cas...

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    1. Pour un livre qui était un "must", donc "branché", je trouve qu'il a passé honorablement le temps. Ce n'est pas toujours le cas des best-sellers.

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