13 mars 2020

Green : swamp

On ne se refait pas, j'ai l'autre jour racheté "Le nouveau magazine littéraire", ce devait être par nostalgie. J'avais un bon alibi : on y consacre des pages aux raisons de relire Nathalie Sarraute. 
Puis j'y ai trouvé un bon article sur le Journal non expurgé de Julien Green. Il paraît que Green était une bête de sexe : suit un court extrait où il est question de beau garçon et de pine. Soit. Contre-pied : l'auteur de l'article, Noël Herpe, se souvient qu'il est devenu lecteur de romans grâce à "Adrienne Mesurat" et il cite cette belle fulgurance du Journal où Green "se fait le porte-parole de la mort" :
"Je ne puis décrire cette maison qui est une des plus fameuses de tout le pays. Ce qui m'a le plus frappé semblerait insignifiant à tout le monde : une grande glace qui vient des Tuileries et qu'on a accrochée au salon, entre deux fenêtres. Elle a perdu son tain, mais, telle qu'elle est, m'a paru splendide, car elle est toute noire, noire comme l'eau des étangs où pourrissent des arbres, et elle reflète vaguement le salon dans ses profondeurs ténébreuses. J'aurais voulu rester là, un peu de temps, à imaginer des choses impossibles, la pièce entière émergeant d'un swamp, la petite tête fine et moustachue d'un rat divisant l'eau immobile, entre les pieds délicats du clavecin."


4 commentaires:

  1. Il faut vraiment que je lise Green : son écriture me semble ... d'ailleurs je ne sais pas la qualifier ... mais ça me semble "fort" ... c'est une lecture que je remets depuis toujours, ce serait bête de mourir sans l'avoir faite ...

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    1. L'auteur de l'article note à propos du style de Julien Green :"un mélange de grisaille et de feu, une sorte d'extase terne qui tient, en partie, à ce qu'il n'écrit pas dans sa langue maternelle." [Anglais].
      Une écriture délicate, soignée je trouve. Un peu étrange parfois, "Minuit" m'avait marqué, je ne sais pourquoi.

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  2. Il y a trop longtemps que je ne l'ai plus lu, je déplore qu'on publie ces détails intimes. Je pensais justement à cette phrase de Julien Green ce matin : "Le livre est une fenêtre par laquelle on s'évade."
    De belles pages sur Nathalie Sarraute ? Je comprends que vous ayez été tenté.

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    1. À l'heure du confinement, une fenêtre pour s'évader, c'est précieux :))
      Je projette de relire Sarraute et surtout "Tropismes". J'ai beaucoup en numérique ; j'ai aussi la possibilité d'emprunter, en numérique toujours, "Le planétarium" et "Lettres d'Amérique" (via Lirtuel/Samarcande, pratique en ces jours).

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