Il s’agit d'un volume XL [24,4 x 34 cm, 4,72 kg, 762 pages], un cadeau de fêtes, un an déjà, où il est bon de flâner certains jours autour de l'un ou l'autre tableau parmi les cent proposés par Rainer et Rose-Marie Hagen. Du très ancien au contemporain, depuis une ravissante peinture murale de tombeau égyptien jusqu'à Diego Rivera au milieu du 20è siècle, les sujets sont variés.
Qu'est-ce qu'un chef-d'œuvre ? Ces peintures n'en sont pas toutes : "La Madone Sixtine" de Raphaël, sans doute, "La fontaine de jouvence" de Cranach l'Ancien répond moins à l'idée que l'on se fait de la beauté et de la perfection. Le regard neuf du sous-titre définit bien l'ouvrage : le texte de chaque peinture propose des indications singulières qui tranchent avec les commentaires parfois succincts et convenus des guides. C'est un des atouts de ce beau livre, conférer une substance pragmatique à l'époque où nous transporte chaque toile.
Sur "La blanchisseuse" de J-S Chardin (1733) :
"Des livres de comptes des ménages nous livrent aussi leurs secrets. Ainsi en 1759, un jeune noble célibataire faisait parvenir chaque semaine à sa blanchisserie cinq chemises, une paire de manchettes, trois mouchoirs, une paire de chaussettes et une paire de bas. Il changeait donc de chemise presque tous les jours et de culotte une seule fois par mois – après tout personne ne la voyait. Après son mariage, il aura droit chaque semaine à une culotte propre.Les femmes ne portaient pas de culottes, elles étaient «à la merci d'une chute ou d'une saute de vent». Leur linge de corps se composait d'une chemise, d'un corsage et d'un jupon. [...]."
Une bibliographie précise des références consultées par les auteurs est offerte en appendice.
Au-delà du charme, de l'attrait pictural et de l’émotion que peut procurer une peinture, il y a le contexte vers lequel elle fait voyager, un dépaysement instructif simple, clair, sans omettre de cerner le projet du peintre.
Sur "Les chasseurs dans la neige" de Bruegel L'Ancien (1565) :
"Ils [gens de la campagne] ont l'air réel – c'est ainsi que Bruegel voit les hommes. Cette vision évoque la genèse, l'homme né d'une motte de glaise à qui Dieu insuffle l'esprit. Ses contemporains célèbrent le souffle divin, Bruegel montre la glaise dans la main de Dieu. En outre, il n'accorde guère d'importance à l'individualisme. Ses chasseurs n'ont pas de visage, le peintre ne montre pas ce qui les différencie l'un l'autre mais ce qu'ils ont en commun. Ce qui vaut aussi pour les patineurs : ils n'ont pas plus de caractère que les oiseaux dans le ciel."
L'avantage du grand format est évident – les illustrations (couleurs, détails) des éditions Taschen sont parfaites – mais on ne le balade pas comme un poche. Et le classement vertical demande des étagères assez hautes [disponible en format 15 x 20].
Une voix de femme dans la rédaction du commentaire contribue à sa modernité, car l'histoire picturale est souvent le reflet d'arrogances masculines : "La fontaine de jouvence" [1546] en est révélatrice. Rose-Marie Hagen a étudié les lettres romanes et l'histoire à Lausanne. Rainer Hagen est diplômé de littérature et de dramaturgie. Tous deux, des littéraires donc, ont collaboré à plusieurs titres aux éditions Taschen.
À parcourir selon l'heure et l'envie. Que ceci ne nous fasse surtout pas oublier les vrais musées dont la plupart souffrent en cette période épidémique.
Merci pour ce billet-cadeau ! Je prends note pour mon prochain passage en librairie.
RépondreSupprimerLes beaux livres de peinture, terrible tentation de librairie, surtout en cette période de cadeaux.
SupprimerEt le commentaire est didactique ici. Par exemple, on apprend avec la Madone Sixtine que l'unité mère/enfant du tableau tranche avec la famille réelle de l'époque jusqu'18è s, les nourrissons dérangeaient plutôt, confiés à des nourrices ou envoyés à la campagne, la femme vite requise par la vie sociale. C'est avec Rousseau que les choses changèrent au 18è.
Oh là, là, que c'est tentant! Voyons si je peux le commander.
RépondreSupprimerLe commentaire sur le lavage du linge est si amusant (et correspond avec le titre de l'ouvrage;-)) ! Et le suivant chasseurs-patineurs vraiment intéressant.
Merci!
Oui, je m'en étais aperçu après rédaction, ça m'a fait rigoler.
SupprimerVous pouvez peut-être voir pour un format plus petit, j'ai chez cet éditeur celui de l'œuvre du Caravage en 20x14, ce sont vraiment des livres soignés.
Ah ! c'est le genre de livre que j'ai toujours envie d'avoir à portée de main car, oui, il est bon de feuilleter des livres d'art de temps en temps. Les éditions Taschen proposent de belles choses, vraiment et je note, bien sûr, la référence de ce livre-ci. A chaque fois que je regarde un tableau dans un livre, je cherche dans la référence où il est exposé et je rêve d'y aller, pour le voir, "en vrai".
RépondreSupprimerCe musée de papier est un peu fourre-tout, mais pas dans le mauvais sens du terme. Il me fait penser à un espace du Louvre-Lens en 2018 où il y avait une fascinante série d'œuvres diverses rassemblées dans un même espace, depuis un sarcophage égyptien jusqu'à des pierres, vases, sculptures et quelques tableaux; la "galerie du temps" je crois. J'aimerais y retourner.
SupprimerIci ce ne sont que peintures, bien sûr.
ce livre est dans ma bibliothèque et je l'apprécie beaucoup seul bémol : son poids !!!
RépondreSupprimerLe poids et l'encombrement, de fait. Enfin ça ne me gêne pas trop puisque j'ai demandé Egon Schiele cette année (1kg de moins, quand même)
Supprimer;-)
J'ai pu le commander mais en format plus petit...je vous dirai quand il arrivera.
RépondreSupprimerBonne fin et agréable début d'année.
Chouette, j'espère que vous l'apprécierez, bonne façon de commencer l'année ! Voilà celle-ci finie, vive 2022, qu'elle soit moins contraignante.
SupprimerIl est arrivé, en petit format mais cela n'enlève rien à la lecture, un tableau à la fois, un ou deux par jour, les textes sont vivants, vraiment intéressants.
SupprimerBien sûr les illustrations sont petites elles aussi, mais s'agissant de tableaux connus, je les trouve facilement ailleurs.
Encore un tout grand merci!
Le genre de livre qui nous accompagne en pointillé, qu'on reprend avec joie. L'aspect pratique d'un format réduit est évident, même pour un livre d'art. Durant les fêtes, on fait tout un peu autrement et c'est peut-être pour ça que le XL a un côté "beau cadeau" que j'aime bien.
SupprimerMerci de ces nouvelles, Colette.