Ne tombons pas dans le catastrophisme ni dans le défaitisme, mais qu’il est saisissant ce passage d’un auteur dont le premier roman fait mouche.Aurélien, responsable du département Peintures au Louvre, est un être nostalgique que l’accélération des techniques numériques et l’empire du rendement financier dans les établissements culturels désespèrent.Voilà qu’il s’agit de restaurer la Joconde, de réduire les couches de vernis qui assombrissent le tableau. L’idée est de lui rendre un aspect plus fringant, plus proche de l’œuvre originale de Léonard de Vinci, et surtout d’amener un surplus rentable de visiteurs au musée - comme s’il fallait davantage de malaises dans les files en quête de selfies avec Lisa.Le roman est profond, moderne, humain, avançant des questions artistiques préoccupantes sur la conservation et la restauration des tableaux anciens, sur le rapport intime qu’on établit avec une œuvre. En outre, les soixante dernières pages raviront les fervents de rebondissements.
3 mars 2024
Déluge de pixels
27 janvier 2023
Femmes et peintres
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Berthe Morisot : Intérieur (1872) et Un coin de la roseraie (1875) |
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Helene Schjerfbeck (1862-1946) : Autoportrait (1912) et La porte (1884) |
Se focaliser sur les analyses de la discrimination par le genre exclut du questionnement l'instauration dès le 19e siècle du système concurrentiel et de la financiarisation du marché de l'art qu'on finit par trouver naturels. Invoquer continuellement la misogynie ou le partage hiérarchisé et genré de la société a tendance à laisser de côté la virulence généralisée du pouvoir de l'argent.
L'usage de la catégorie « art féminin » énonce trivialement qu'un tableau peint par une femme a été peint par une femme et l'on s'enferme là dans une bien étroite impasse. "Avant qu'il ne soit trop tard pour aspirer à plus de complexité, à plus de vertige, plutôt que répéter à l'envi qu'elles sont des femmes, il est impératif d'aller voir comment ces artistes, [...] ont cherché dans ce monde l'espace et le temps d'un autre monde, [...] se sont mises en quête d'une épiphanie de l'art." [p.221]
Prochainement un extrait édifiant où est exposée une des attitudes discriminatoires qu'ont subies les femmes peintres à la fin du XIXe siècle.
28 décembre 2021
Musée de papier
Sur "La blanchisseuse" de J-S Chardin (1733) :
"Des livres de comptes des ménages nous livrent aussi leurs secrets. Ainsi en 1759, un jeune noble célibataire faisait parvenir chaque semaine à sa blanchisserie cinq chemises, une paire de manchettes, trois mouchoirs, une paire de chaussettes et une paire de bas. Il changeait donc de chemise presque tous les jours et de culotte une seule fois par mois – après tout personne ne la voyait. Après son mariage, il aura droit chaque semaine à une culotte propre.Les femmes ne portaient pas de culottes, elles étaient «à la merci d'une chute ou d'une saute de vent». Leur linge de corps se composait d'une chemise, d'un corsage et d'un jupon. [...]."
Une bibliographie précise des références consultées par les auteurs est offerte en appendice.
Au-delà du charme, de l'attrait pictural et de l’émotion que peut procurer une peinture, il y a le contexte vers lequel elle fait voyager, un dépaysement instructif simple, clair, sans omettre de cerner le projet du peintre.
Sur "Les chasseurs dans la neige" de Bruegel L'Ancien (1565) :
"Ils [gens de la campagne] ont l'air réel – c'est ainsi que Bruegel voit les hommes. Cette vision évoque la genèse, l'homme né d'une motte de glaise à qui Dieu insuffle l'esprit. Ses contemporains célèbrent le souffle divin, Bruegel montre la glaise dans la main de Dieu. En outre, il n'accorde guère d'importance à l'individualisme. Ses chasseurs n'ont pas de visage, le peintre ne montre pas ce qui les différencie l'un l'autre mais ce qu'ils ont en commun. Ce qui vaut aussi pour les patineurs : ils n'ont pas plus de caractère que les oiseaux dans le ciel."
18 mai 2021
Ar(t)bres
Le format carré (20x16) et la présentation générale sont attirants, papier épais satiné, avec couverture gaufrée souple et reliure solidement collée. On a toujours un peu peur d'ouvrir entièrement les illustrations sur double page pour ne pas casser le dos, d'autant que le papier est raide. Les reproductions sont très belles, bien reproduites.
Il est regrettable toutefois que le texte soit puéril et l'organisation fourre-tout. Les artistes sont brièvement présentés avec référence à des œuvres qu'on ne trouve pas dans le recueil, sinon perdues parmi les pages d'autres peintres (et il n'y a pas d'index). Un artiste (Phil Greenwood) plusieurs fois repris dans les illustrations n'est pas décrit.
Les gros caractères en pleine page ne m'ont pas paru opportuns et on trouve dans le texte des phrases telles que "Bien sûr, les arbres ne sont pas inanimés ; leurs branches bougent avec la brise et leurs feuilles changent de couleur au long de l'été et de l'automne, saisons lors desquelles ces tableaux voient le jour" (pour Monet). Et on apprend que "splash" veut dire "plouf " en français" (piscines de David Hockney).
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Isaac Levitan - Pommiers en fleurs (1896) |
Claire Cansick - Embrasement de l'Amazonie (2020, huile sur toile de lin) |
Je remercie les éditions Pyramyd pour l'envoi cadeau et à Babelio dans le cadre efficace de Masse Critique.
18 janvier 2021
Caravage : optique et autres questions
Parcourant le texte objectif (et convenu, en comparaison des embrasements de Yannick Haenel) de Sebastian Schütze dans le volume consacré à l'œuvre complet de Caravage (Taschen, Bibliotheca Universalis), on s'arrête (p. 107) sur quelques mots à propos des techniques qu'aurait utilisées le peintre :
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Nombreux gauchers dus à des images inversées par lentilles ? L'utilisation d'instruments optiques par les artistes risquait, à l'époque, de les voir taxer de sorcellerie. |