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3 mars 2024

Déluge de pixels


"Et il pensa que c’était justement ce qui terrifiait Léonard [de Vinci], le déluge, dont le maître était certain qu’il amènerait avec lui la fin des temps. Peut-être pas le déferlement d’eaux tourmentées et bouillonnantes qu’il avait dessiné dans les dernières années de sa vie au Clos Lucé, mais un torrent d’images continu, si abondant, si dense, qu’il deviendrait impossible d’en détacher le regard. Des milliards de formes et de couleurs, des milliards de pixels, agencés pour surprendre, étonner, captiver sans cesse, bombardés dans un flux intarissable et indigeste, une diarrhée dont on ne pourrait se soustraire à moins de renoncer à faire partie du monde. Et ce déluge aurait raison des hommes et de leur intelligence, de leur capacité à vivre et à être, de leur capacité à réfléchir et à s’émouvoir, de leur capacité à aimer. Il les détournerait des choses vraies, les obligeant à voir à travers un écran pour qu’ils n’aient plus jamais à lever la tête, courbant leurs nuques, figeant leurs regards dans la même direction pour l’éternité." 
(Paul Saint Bris - L’allègement des vernis

Ne tombons pas dans le catastrophisme ni dans le défaitisme, mais qu’il est saisissant ce passage d’un auteur dont le premier roman fait mouche.
Aurélien, responsable du département Peintures au Louvre, est un être nostalgique que l’accélération des techniques numériques et l’empire du rendement financier dans les établissements culturels désespèrent.
Voilà qu’il s’agit de restaurer la Joconde, de réduire les couches de vernis qui assombrissent le tableau. L’idée est de lui rendre un aspect plus fringant, plus proche de l’œuvre originale de Léonard de Vinci, et surtout d’amener un surplus rentable de visiteurs au musée - comme s’il fallait davantage de malaises dans les files en quête de selfies avec Lisa.
Le roman est profond, moderne, humain, avançant des questions artistiques préoccupantes sur la conservation et la restauration des tableaux anciens, sur le rapport intime qu’on établit avec une œuvre. En outre, les soixante dernières pages raviront les fervents de rebondissements. 

27 janvier 2023

Femmes et peintres


Ce n'est sans doute pas un hasard si la couverture montre ce visage de femme qui nous toise fièrement, du défi dans les yeux, pour accompagner le titre "Elles étaient peintres – XIXe - Début XXe siècle" : ainsi semble s'affirmer Elin Danielson-Gambogi (Finlande, 1861-1919) à travers cet autoportrait de 1903. 

Une publicité grandissante est faite de nos jours aux artistes femmes et un public élargi leur fait bon accueil. On ajoutera le présent excellent ouvrage au compte de ce phénomène. Martine Lacascertainement voulu ce titre comme le meilleur hommage, qui traduit aussi une préoccupation majeure. Car si la recherche universitaire, depuis les années 1970, se consacre aux parcours des artistes féminines, analysant les conjonctures sociologiques et un récit qui ont contribué à les invisibiliser, une question semble perdue : l'œuvre d'art est une façon de dire ce qu'est être au monde, de ce monde. Or l'approche sociologique supplante de façon générale, contrairement à ce que l'on constate pour les artistes masculins, l'analyse de leur manière de faire des mondes, leur tentative de rendre visible des forces qui ne le sont pas. ”Pourquoi attendre que les œuvres de femmes entrent dans notre mémoire poétique, afin d'accéder à une parité existentielle et pas seulement « sociale » ? [...]. Faut-il garder, comme un secret honteux, le punctum, le point sensible qui parfois en surgit pour piquer, couper, troubler nos consciences esthétiques souveraines et avouables ?" Des femmes, mais surtout des peintres, car elles étaient peintres sans oublier ce qu'entend le geste de peindre.

Pour Martine Lacas, parler d'« art féminin » comporte le risque d'enfermer dans un essentialisme réducteur.

Berthe Morisot : Intérieur (1872) et Un coin de la roseraie (1875)

Pour ce qui est de ”faire des mondes”, évocation d'un tableau de Berthe Morisot (Intérieur), où, derrière la femme en noir assise dans son salon bourgeois, est suspendu le miroir des formes jaillissantes de la roseraie, qui rappelle le tableau plus tardif "Un coin de la roseraie" : la dame assise, regard perdu, "ne le sent-elle pas croître sous la coquille de son chignon, ce corps vivant de traits, de touches, de traces ? Qu'ici dans la surface circonscrite, avec des signes aussi abstraits que des notes de musique, peut se dire, en vérité, le rythme du monde ? Ce que c'est de le percevoir ? Ce que c'est de le faire voir en peinture ?" [p.19]

La fin du 17e s et le 18e siècle ont vu une féminisation marquée de l’espace des beaux-arts, l'époque rapportée est donc riche. Plutôt que s'attarder aux figures connues [Berthe Morisot, Rosa Bonheur, Suzanne Valadon, Mary Cassatt, etc. apparaissent néanmoins], l'autrice "choisit d'avancer à ras du sol, d'ouvrir des chantiers de fouilles, d'opérer çà et là des sondages que d'autres ouvrages pourront analyser. [...] ... des artistes inconnues retiendront plus longuement l'attention, des questions qui ont déjà bénéficié d'études approfondies [académie Julian, entrée des femmes à l'École des Beaux Arts] se verront consacrer moins de pages que d'autres encore peu connues du grand public, bien que déterminantes." [p.19] On découvrira donc des œuvres qui ont moins souvent l'honneur des cimaises : toiles oubliées dans les réserves ou dans des collections particulières, toiles errantes, sans visa, sur le marché des ventes. Ce qui n'enlève rien à leurs qualités plastiques.

Le texte rédigé par Martine Lacas qui constitue la charpente de ce volume est du niveau attendu d’une enseignante universitaire et chercheuse : il mentionne, par exemple, des ouvrages tels que "La Méthode" d'Edgar Morin ou les essais d'Annie Le Brun dont le lecteur est censé être averti. Si tout le monde contemplera avec plaisir les abondantes illustrations proposées par l’ouvrage, sa lecture s’adresse donc à un public désireux de s’informer de manière approfondie. 

Signalons au passage, de manière entièrement subjective, cette bonne découverte : Helene Schjerfbeck (Finlande).
Helene Schjerfbeck (1862-1946) : Autoportrait (1912) et La porte (1884)

Dans sa conclusion, Martine Lacas se tient en retrait de la position critique vis-à-vis du récit dominant qui a exclu les artistes femmes. Elle ne veut pas y céder pour la raison qu'une telle histoire spécialisée des femmes artistes ne fait qu'entériner, bien qu'elle s'en défende, les mécanismes pernicieux qui sous-tendent le récit dominant de l'histoire de l'art. Et ceux-ci sont moins ceux d'un patriarcat ou d'un ordre masculin misogyne que ceux du capital, c'est-à-dire la financiarisation de l'art. Et l'on rejoint Annie Le Brun et "Ce qui n'a pas de prix" (2021) que relaie volontiers l'autrice pour affirmer : "La discipline « histoire de l'art des femmes », même si elle procède initialement d'une lutte dont la légitimité n'est pas à remettre en cause, trahit elle aussi bien souvent un semblable déni de la violence exercé par le pouvoir de la finance." [p.220]

Se focaliser sur les analyses de la discrimination par le genre exclut du questionnement l'instauration dès le 19e siècle du système concurrentiel et de la financiarisation du marché de l'art qu'on finit par trouver naturels. Invoquer continuellement la misogynie ou le partage hiérarchisé et genré de la société a tendance à laisser de côté la virulence généralisée du pouvoir de l'argent. 

L'usage de la catégorie « art féminin » énonce trivialement qu'un tableau peint par une femme a été peint par une femme et l'on s'enferme là dans une bien étroite impasse. "Avant qu'il ne soit trop tard pour aspirer à plus de complexité, à plus de vertige, plutôt que répéter à l'envi qu'elles sont des femmes, il est impératif d'aller voir comment ces artistes, [...] ont cherché dans ce monde l'espace et le temps d'un autre monde, [...] se sont mises en quête d'une épiphanie de l'art." [p.221]

Malgré l'absence d'un index des artistes, un vrai beau livre, solide, relié et luxueux, illustré de plus d’une centaine de reproductions irréprochables et porteur de messages intelligents. Merci aux éditions du Seuil et à Babelio.

Prochainement un extrait édifiant où est exposée une des attitudes discriminatoires qu'ont subies les femmes peintres à la fin du XIXe siècle.

28 décembre 2021

Musée de papier


Il s’agit d'un volume XL [24,4 x 34 cm, 4,72 kg, 762 pages], un cadeau de fêtes, un an déjà, où il est bon de flâner certains jours autour de l'un ou l'autre tableau parmi les cent proposés par Rainer et Rose-Marie Hagen. Du très ancien au contemporain, depuis une ravissante peinture murale de tombeau égyptien jusqu'à Diego Rivera au milieu du 20è siècle, les sujets sont variés. 
Qu'est-ce qu'un chef-d'œuvre ? Ces peintures n'en sont pas toutes : "La Madone Sixtine" de Raphaël, sans doute, "La fontaine de jouvence" de Cranach l'Ancien répond moins à l'idée que l'on se fait de la beauté et de la perfection. Le regard neuf du sous-titre définit bien l'ouvrage : le texte de chaque peinture propose des indications singulières qui tranchent avec les commentaires parfois succincts et convenus des guides. C'est un des atouts de ce beau livre, conférer une substance pragmatique à l'époque où nous transporte chaque toile.
Sur "La blanchisseuse" de J-S Chardin (1733) :
"Des livres de comptes des ménages nous livrent aussi leurs secrets. Ainsi en 1759, un jeune noble célibataire faisait parvenir chaque semaine à sa blanchisserie cinq chemises, une paire de manchettes, trois mouchoirs, une paire de chaussettes et une paire de bas. Il changeait donc de chemise presque tous les jours et de culotte une seule fois par mois – après tout personne ne la voyait. Après son mariage, il aura droit chaque semaine à une culotte propre.
Les femmes ne portaient pas de culottes, elles étaient «à la merci d'une chute ou d'une saute de vent». Leur linge de corps se composait d'une chemise, d'un corsage et d'un jupon. [...]."

Une bibliographie précise des références consultées par les auteurs est offerte en appendice. 

Au-delà du charme, de l'attrait pictural et de l’émotion que peut procurer une peinture, il y a le contexte vers lequel elle fait voyager, un dépaysement instructif simple, clair, sans omettre de cerner le projet du peintre.

Sur "Les chasseurs dans la neige" de Bruegel L'Ancien (1565) : 
"Ils [gens de la campagne] ont l'air réel – c'est ainsi que Bruegel voit les hommes. Cette vision évoque la genèse, l'homme né d'une motte de glaise à qui Dieu insuffle l'esprit. Ses contemporains célèbrent le souffle divin, Bruegel montre la glaise dans la main de Dieu. En outre, il n'accorde guère d'importance à l'individualisme. Ses chasseurs n'ont pas de visage, le peintre ne montre pas ce qui les différencie l'un l'autre mais ce qu'ils ont en commun. Ce qui vaut aussi pour les patineurs : ils n'ont pas plus de caractère que les oiseaux dans le ciel."

L'avantage du grand format est évident – les illustrations (couleurs, détails) des éditions Taschen sont parfaites – mais on ne le balade pas comme un poche. Et le classement vertical demande des étagères assez hautes [disponible en format 15 x 20]

Une voix de femme dans la rédaction du commentaire contribue à sa modernité, car l'histoire picturale est souvent le reflet d'arrogances masculines : "La fontaine de jouvence" [1546] en est révélatrice. Rose-Marie Hagen a étudié les lettres romanes et l'histoire à Lausanne. Rainer Hagen est diplômé de littérature et de dramaturgie. Tous deux, des littéraires donc, ont collaboré à plusieurs titres aux éditions Taschen.

À parcourir selon l'heure et l'envie. Que ceci ne nous fasse surtout pas oublier les vrais musées dont la plupart souffrent en cette période épidémique.

18 mai 2021

Ar(t)bres



Ce n'est pas parce que la beauté des arbres se suffit à elle-même, comme rappelé dans l'introduction, que le livre qui les met à l'honneur acquiert une âme. Celle-ci fait défaut à ce volume sur les arbres dans la peinture.

Le format carré (20x16) et la présentation générale sont attirants, papier épais satiné, avec couverture gaufrée souple et reliure solidement collée. On a toujours un peu peur d'ouvrir entièrement les illustrations sur double page pour ne pas casser le dos, d'autant que le papier est raide. Les reproductions sont très belles, bien reproduites.

Il est regrettable toutefois que le texte soit puéril et l'organisation fourre-tout. Les artistes sont brièvement présentés avec référence à des œuvres qu'on ne trouve pas dans le recueil, sinon perdues parmi les pages d'autres peintres (et il n'y a pas d'index). Un artiste (Phil Greenwood) plusieurs fois repris dans les illustrations n'est pas décrit.

Les gros caractères en pleine page ne m'ont pas paru opportuns et on trouve dans le texte des phrases telles que "Bien sûr, les arbres ne sont pas inanimés ; leurs branches bougent avec la brise et leurs feuilles changent de couleur au long de l'été et de l'automne, saisons lors desquelles ces tableaux voient le jour(pour Monet). Et on apprend que "splash" veut dire "plouf " en français" (piscines de David Hockney).

Isaac Levitan - Pommiers en fleurs (1896)

Le positif, ce sont les œuvres : essentiellement contemporaines (hormis quelques incontournables Van Gogh et Monet et surtout l'admirable Isaac Levitan), la plupart sont britanniques, des artistes valant la découverte. Il est dommage que, si titre et date des tableaux sont donnés, il n'y ait pas de précisions techniques. Ainsi, le magnifique tableau en feu de Claire Cansick n’est pas une aquarelle. Il n'est pas non plus noté qu'il s'agit, dans notre livre, d'un recadrage de l'œuvre originale.

Claire Cansick - Embrasement de l'Amazonie
(2020, huile sur toile de lin)

"Les arbres dans l'art" est un objet chic à prix acceptablePour ma part, en prix modiques, je suis plus enclin à aller vers les ABCdaire de Flammarion qui sont bien documentés.

Je remercie les éditions Pyramyd pour l'envoi cadeau et à Babelio dans le cadre efficace de Masse Critique.

18 janvier 2021

Caravage : optique et autres questions

Parcourant le texte objectif (et convenu, en comparaison des embrasements de Yannick Haenelde Sebastian Schütze dans le volume consacré à l'œuvre complet de Caravage (Taschen, Bibliotheca Universalis), on s'arrête (p. 107) sur quelques mots à propos des techniques qu'aurait utilisées le peintre :

"Pour étudier le relief, le modelé puissant en clair-obscur de ses personnages, Caravage plaçait ses modèles dans une pièce obscure dotée d'une source unique de lumière, semblable à un phare. Mancini décrit déjà cette pratique. En outre, David Hockney (2006), surtout, a postulé que Caravage aurait utilisé des instruments optiques, par exemple un miroir et une chambre noire, pour transposer les figures sur la toile. Baglione décrit quelques figures en buste des débuts que Caravage aurait représentées à l'aide d'un miroir mais il est difficile de dire si cela se rapporte à l'utilisation traditionnelle du miroir pour étudier sa propre physionomie ou si cela implique plus généralement l'utilisation d'images réfléchies. En tout cas, un inventaire des biens domestiques de Caravage établi en 1605 ne mentionne qu'un grand miroir et un second en forme d'écu. Les observations fascinantes de David Hockney, qui reposent sur des expériences optiques et des comparaisons entre différentes peintures de la Renaissance et du Baroque, ne peuvent être jusqu'ici vraiment étayées dans le cas de Caravage par des documents d'époque. Roberta Lapucci (2009) a même envisagé dernièrement l'utilisation d'un procédé quasi photographique, le peintre utilisant une préparation à base d'éléments chimiques photosensibles pour fixer l'image projetée ainsi sur la toile."

C'est le commentaire d'un historien d'art prudent. Investigations.

Concernant David Hockney, le livre qui expose les "Savoirs secrets : les techniques perdues des maîtres anciens" (Éditions du Seuil,  1 et 2anglais) où le britannique expose de manière didactique les procédés optiques (lentilles et miroirs) auxquels auraient eu recours les Primitifs flamands et d'autres, tel Caravage, l'on est séduit mais dubitatif, Hockney ne multiplie-t-il pas à l'envi les anomalies qui appuient ses thèses, perdant son sens critique ? On peut lire une controverse qui replace l'essentiel de la peinture dans le génie artistique – "rendre visible l'invisible" – et non dans les techniques de réalisation.


L'historienne italienne d'art Roberta Lapucci creuse chez Caravage la voie des procédés optiques mais aussi chimiques (poudre photoluminescente de lucioles concassées, etc.). L'on trouve quelques publications officielles (non traduites en français) sur son site. Voir aussi ce condensé et une controverse de david G. Stork. Un très sérieux "Painted Optics Symposium" s'est déroulé à Florence en 2008. Ces conjectures ne peuvent être considérées comme tempête dans un verre d'eau.
Nombreux gauchers dus à des images inversées par lentilles ?
L'utilisation d'instruments optiques par les artistes
risquait, à l'époque, de les voir taxer de sorcellerie.


Plusieurs tableaux du peintre italien (les "Bacchus", "Le joueur de Luth", "L'amour victorieux") ont une connotation érotique homosexuelle. Natacha Aprile, historienne d'art spécialiste des questions de genre (Sorbonne), reprend cet aspect dans Vie et œuvre de l'artiste, entre fantasmes et réalités et apporte des éléments biographiques précis permettant d'évaluer l'entourage homophile du Caravage. Elle émet une conclusion sur la difficulté d'analyser les œuvres d'art en dehors des normes morales et dans leurs aspects les plus dérangeants : "[...] Ne peut-on pas voir dans la persistance à nier l’impact de la sexualité dans la production artistique le dernier élan moribond d’une perception uniquement patriarcale et hétérosexuelle de la société ?"
 
Enfin, une interrogation personnelle : dans certains tableaux ("Judith et Holopherne", "La Méduse", "La décollation de saint Jean-Baptiste"), la représentation des jets de sang par Caravage est particulièrement maladroite, comment l'expliquer au regard du réalisme du reste, visages, chairs et vêtements ? Peut-être la réponse tient-elle dans notre œil exigeant, familiarisé au techniques modernes de visualisation, avec  arrêts  sur image et ralentis ? 
Dans la décapitation d'Holopherne chez Artemisia Lomi Gentileschi (1593-1656), ces détails semblent toutefois plus justes. Notons que cette remarquable artiste de l'école caravagesque, qui devint peintre de cour au 17e siècle, figure aux côtés des grands peintres baroques.

Autoportrait - Artemisia Gentileschi (1593-1656)

30 octobre 2020

Passion Caravage


La sensibilité de Yannick Haenel manifestée dans "La Solitude Caravage" pour cette ténébreuse peinture est, à certaines pages, portée à l'incandescence. Grâce à cela, la découverte des œuvres du peintre italien s'avère un parcours somptueux. Au moment de refermer cette lecture, j'avais déjà commandé l'œuvre complet chez Tashen [*].

19 janvier 2020

Femme de profil

Léonard a peint au moins cinq portraits au cours de sa carrière, dont le plus célèbre – la Joconde – est le moins typique, car la jeune femme est tellement idéalisée qu'elle en perd son individualité. Ce superbe dessin est tout à fait différent : c'est l'étude rigoureusement observée d'une jeune femme dans sa tenue quotidienne. Il ne s'agit probablement pas d'un dessin préparatoire pour un tableau, mais bien d'une œuvre indépendante créée par Léonard pour son propre plaisir. Le traitement de la pointe de métal varie des contours libres du buste et des mèches de cheveux qui s'échappent avec fluidité, jusqu'au modelé plus retenu du visage – la joue est à peine effleurée, mais les petites zones ombrées autour des yeux, du nez et du menton sont modulées avec une telle délicatesse qu'elles en viennent à articuler la forme entière : même l'humidité de l'œil et son reflet lumineux transparaissent. Léonard est arrivé à la maîtrise totale de cet instrument inflexible, se servant exclusivement de la ligne pour saisir les effets les plus subtils.

18 janvier 2020

Le génie en dessin


Un œil sur la couverture et quelques pages feuilletées suffisent à saisir une beauté discrète toute en teintes passées, ocre et bleu gris, rose chamois et gris rouillé, tons pastel relevés d'orange éteint et de sanguine. Le plaisir des yeux n'est pas gâté par le toucher : feuilles satinées, souples mais robustes, et la vraie reliure autorise l'ouverture à plat sans rupture, bref un beau livre réussi (Feuilleter).

13 juillet 2019

Veiller avec Giacometti


Se laisser enfermer dans un musée toute une nuit, avec un lit de camp, cela vous inspire-t-il ? Alina Gurdiel a proposé à des écrivains de tenter l'expérience et de la raconter. On ne peut pas dire que Lydie Salvayre, désireuse de mieux se confronter à "L'homme qui marche" et aux œuvres de Giacometti, ait vécu une grande révélation artistique, loin s'en faut, et c'est même plutôt soulagée qu'elle quitta au matin le musée Picasso. À en juger par les deux cent dix pages de "Marcher jusqu'au soir", elle n'a pas perdu son temps, car durant le cours versatile de ses doutes et contrariétés, le lecteur a le loisir d'explorer son propre rapport au musée et à l'art.

"... la force de L'Homme qui marche excédait-elle les capacités 
de mon âme et ses très exiguës dimensions ?"

14 mai 2019

Manet, Picasso, des toiles et des femmes

On ne présente plus Philippe Sollers, cet écrivain à l'esprit libertin, défenseur farouche de l'individu créatif. Ce livre s'apparente à un fourre-tout peu ou prou structuré en enfilade de paragraphes alternant au petit bonheur des thèmes récurrents. À propos de "L'éclaircie",  les commentateurs des plus prestigieux journaux s'enlisent - alors que Sollers s'amuse - à y trouver un fil conducteur tangible. On a une liaison clandestine avec Lucie (lux, lucis : lumière de l'éclaircie), les allégations d'inceste avec la sœur, l'art, la peinture de Manet, de Picasso, avec toutes les femmes, les fleurs, les musiques qu'ils ont peintes. Ajoutez-y la critique du nihilisme artistique ambiant et secouez. J'ai tout vidé et trouvé cela bon. Tenez : j'ai marqué dix-huit pa(ssa)ges à relire.