28 avril 2022

Servitudes volontaires

Aujourd'hui le marxisme est mort (ce qui ne signifie pas la disparition des problèmes l'ayant engendré). La science spécialisée a perdu une large part de son prestige. Les ré-enchantements contemporains du monde (intégrismes, sectes, épuration ethnique et hystérisation de la nation) ne peuvent que séduire les ignorants ou tenter les malheureux. Il n'est donc pas inimaginable d'accepter enfin de vivre dans un monde sans dieux, sans promesse ultime, sans seconde moitié nous attendant dans une vallée lointaine, sans philosophe, savant ou apparatchik nous guidant de son sur-savoir, sans passé ni futur nous déchargeant de notre responsabilité, sans « vitrines » conférant aux objets offerts (et à la fois refusés) la splendeur de l'interdit.
Les fantômes disparaissent quand le jour véritable se lève, mais ils résistent très bien à la fausse clarté du «cosmos» consolateur, nouvelle figure des ténèbres.

Guy Haarscher - "Le fantôme de la liberté" (Labor, 1997)


Cette proposition ouverte en conclusion de l'essai fait figure d'avertissement. Bien que la philosophie ne s'aborde souvent qu'après des choix de vie (avec leurs erreurs), ce livre peut contribuer à orienter des premières interrogations philosophiques mais aussi à ajuster les bases de convictions plus mûres. En explorant les paradoxes et ambiguïtés de la liberté, il cerne les difficultés de l'individu contemporain en quête de reconnaissance et de sens et le place en face de ses responsabilités. L’auteur  illustre concrètement son exposé en bon pédagogue. Et cette phrase : "Philosopher, c'est précisément s'engager dans un univers qui ne nous promet rien".


Pour la petite histoire, j'ai trouvé l'essai dans une boîte à livres, à un endroit qui fut sous eau lors des inondations de juillet 2021. Merci aux personnes qui veillent sur la lecture.


2 commentaires:

  1. Heureuse de votre retour en ligne, je pensais justement à vous en terminant la lecture d'un roman d'Eugen Ruge que vous m'avez donné envie de lire.

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    1. Un projet à boucler dans les semaines suivantes ne m'empêcheront pas de m'occuper de "Marque-Pages", j'espère. J'ai la chance d'avoir quelques fidèles qui suivent mes "posts" en pointillé : merci à vous, j'irai voir votre billet (sur « Le Métropole » je suppose?). Ne m'en voulez pas de ne pas beaucoup commenter.

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