Avisé par quelques lignes de Pascal Quignard [Philosophie Magazine - Déc 2021] à propos de Yasunari Kawabata, prix Nobel 1968, j'ai demandé "Pays de neige" (1948) dans la réserve de la bibliothèque provinciale. Sa lecture m'a laissé un souvenir profond, sans doute est-ce dû aux circonstances de lecture, l'humeur, où on s'est assis, le ciel et les oiseaux, tout ce que vous voulez, mais voilà, ce récit un peu étrange m'a beaucoup plu. Étrange n'est sans doute pas le mot, il s'y passe peu de choses, explicitement, mais le livre inspire un immense sentiment de simplicité, de poésie. Je viens de relire le dernier chapitre, l'impression de beauté persiste (à laquelle ne sont pas étrangères quelques clés sur la fin du roman glanées de-ci de-là).
Je crois utile d'insister sur la préface d'Armel Guerne, auteur du texte français avec le traducteur Bunkichi Fujimori : "On croit lire un roman ; on vit une incantation", écrit le poète. Il nomme "thèmes musicaux" les sujets qui habitent ce texte. Cette très belle présentation indique en outre deux points essentiels pour aborder l’auteur japonais : le non-dit et la transposition en français.
Pour ce qui est de la traduction : " [...] l'on comprendra qu'un tel auteur, qui interroge son langage jusqu'au plus intime de son génie, estime, à juste titre, que c'est précisément par ce qu'ils ont d'essentiellement intransmissible (sauf peut-être, par une subtile transposition des valeurs suggestives de la musicalité et de l'image) que ses écrits prennent toute leur valeur. Il méprise les traductions, et il a raison." [préface p 14] Nous voilà prévenus contre un trop facile exotisme.
Kawabata est le défenseur d'une sensibilité et d'une tradition japonaise quasiment ésotérique. Le roman comprend de belles pages sur le Chijimi, l'étoffe blanchie dans la neige : ”Et lorsque la blancheur arrivait à perfection, le printemps arrivait aussi : c’était le signe du printemps dans le Pays de Neige.” [p 168]
J'ai poursuivi ma découverte de l'auteur japonais avec "Les pissenlits", son ultime roman inachevé, long dialogue entre une mère et le fiancé de sa fille qui ont laissé celle-ci dans une institution psychiatrique. De beaux éclairs (la cloche sonne au loin) et des allusions énigmatiques, encore. Vais-je me décider pour le livre de Cécile Sakai ? En attendant, j'ai entamé "Tristesse et beauté".
"Et voilà qu'au fond de son cœur il l'entendait à présent, Komako, comme un bruit silencieux, comme la neige tombant muettement sur un tapis de neige, comme un écho qui s'épuise à force d'être renvoyé entre des murs vides." [P 171]
J'ai lu Kawabata en son temps, je dirai il y a presque quarante ans. Pas relu depuis. L'atmosphère de ses livres me plaisait mais quelque chose me gênait, sans que je sache expliquer pourquoi. Je viens de regarder dans la bibliothèque, et j'en ai plusieurs. Pourquoi donc m'est-il resté à la fois si étranger mais si proche que j'ai conservé ces livres-là alors que je me suis séparée de tant d'autres au fil des ans ? Je vais chercher si je peux emprunter le journal Philosophie magazine car l'avis de Pascal Quignard, que j'aime beaucoup, m'éclairera peut-être.
RépondreSupprimerBonne journée.
Il se peut que ce qui vous gênait est ce qu'évoque la préface. Dans "Pays de neige" la conclusion est très ouverte, énigmatique. Kawabata avait écrit plusieurs fins paraît-il. Pour les mots de Quignard, c'est très succinct, je vais vous envoyer copie.
SupprimerJe vous souhaite une belle journée.
Je suis une adepte de Kawabata même si je n'aime pas tous ses romans, j'ai lu celui ci il y a très longtemps et mon souvenir s'est un peu délité je crois que je vais le rouvrir pour l'occasion et je vais faire comme Bonheur du jour et chercher l'article de P Quignard
RépondreSupprimerBonjour Dominique, un plaisir de vous lire, ça faisait longtemps.
SupprimerPour le moment, je suis dans "Tristesse et beauté", j'aime beaucoup. Et j'ai commandé ce livre de Cécile Sakai. J'espère que de rouvrir Kawabata vous sera profitable.
Je vous envoie copie de l'article à propos de Quignard, il y a juste dix lignes sur le Japonais. À bientôt.
Lu il y a un bout, bien évidemment je suis sûrement passée à côté de bien des détails, mais peu importe, j'ai aimé, même si j n'ai pas eu toutes les réponses.
RépondreSupprimerMais oui, c'est important de privilégier l'impression, le sentiment esthétique sans toujours expliquer tout, se laisser porter par de beaux instants. Les réponses viennent à leur heure, peut-être, ou pas, selon chacune/chacun.
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