27 juin 2024

Le FBI dans la tornade

Image satellitaire de Katrina (NASA, 2005)

Voici le monstre, immense tourbillon de blanc d'œuf en neige, vu d'en haut par les satellites de la NASA. Certes, il y a bien dans ce thriller de Dolorès Redondo un monstre de chair et d'os, un tueur en série, diabolique et insaisissable, qui, d'une arme à feu, décime des familles de compositions semblables, les parents, leurs trois enfants et la grand-mère, disposant systématiquement les corps têtes au nord, mais le plus meurtrier reste l'ouragan Katrina qui frappa plusieurs états du sud des États-Unis en août 2005. Ce cyclone (1836 morts, dommages pour 141 milliards de $) a plongé La Nouvelle-Orléans sous les eaux, conditions apocalyptiques dans lesquelles se déroule une bonne partie du roman.

Sous la plume de l'écrivaine espagnole, réapparaît l'enquêtrice Amaia Salazar, l'héroïne de la trilogie du Baztán, femme flic qui a développé un sens intuitif du comportement criminel, pour avoir elle-même côtoyé le mal, subissant dans l'enfance la haine de sa mère conjuguée à la lâcheté de son père. Dans cette affaire, elle intègre le FBI comme profileuse dans l'équipe de l'agent Dupree. Celui-ci a remarqué la perspicacité d'Amaia qu'elle allie à une certaine insolence pour masquer ses traumatismes d'enfance.

La particularité du meurtrier de "La face nord du cœur", surnommé le « Compositeur » tant ses méfaits semblent réalisés comme des partitions, est d'éliminer des familles entières en camouflant les crimes dans les dégâts d'une tornade ou d'une catastrophe. Il agit dans les moments précédant le souffle de la tempête, ce qui, par la suite, éloigne toute suspicion de meurtre lors de la découverte des victimes.

L'intrigue est embrouillée par des mystères où l'on retrouve les contes et rites vaudous de la Louisiane, avec le mythe d'un baron sanglant nommé Samedi. Tout cela accrédite une forme de sorcellerie qui sème le trouble parmi l'équipe d'agents chargés de traquer le tueur. Les inondations de La Nouvelle-Orléans perturbent grandement leurs déplacements et, pour parachever le tableau, les déchets organiques répandus en grande quantité entraînent le développement d’agents pathogènes qui menacent la santé publique.

Dolorès Redondo est imprégnée par les grands auteurs américains de thrillers, par les classiques du film noir américain, de même que par les séries criminelles fantastiques – des domaines qui me sont peu familiers – mais elle évite les étiquettes en mêlant adroitement les codes du genre, ceci constituant, selon moi, les atouts du travail de l'autrice. Je reste cependant persuadé que, comme c'est le cas de beaucoup de pavés, on pourrait faire l'économie du quart, voire du tiers des pages, sans gâcher la qualité ni l'acuité du suspense. Je comprends aussi que beaucoup aiment lire de longs livres.

Traduction française : Anne Plantagenet
"De l’étude des victimes de Katrina, Dolorès Redondo a tiré un profil type représenté dans son nouveau roman, La Face nord du cœur, par le personnage de Nana : « Une femme assez âgée, pauvre, noire et célibataire. »" [Le Monde des livres, février 2021] Il apparaît en effet que les digues ont plus facilement cédé dans les quartiers pauvres, car bâties avec des matériaux de qualité inférieure.

J'ai parcouru ce livre dans sa version audio, ce media me permet d'aborder plus facilement les très gros livres de fiction.


11 commentaires:

  1. Bonjour Christw
    Si je comprends bien, il s'agit donc du quatrième tome d'une trilogie (que dasola avait lue et chroniquée à l'époque, mais pas moi).
    Je viens de vérifier (sur fn*c.***) que la version "papier" de ce bouquin fait 68 pages.
    Ce titre est donc aussi éligible au challenge "Les épais de l'été 2024" (à partir de 650 pages) que j'organise chez dasola ;-)
    Même jeu: pour participer, il suffit de rajouter logo et lien, et de prévenir par un commentaire sous le billet récapitulatif.
    Bonne suite de challenge(s) estival/vaux quoi qu'il en soit!
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

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    1. Hormis la réapparation de l'enquêtrice Salazar, "La face nord du cœur" n'est pas un quatrième volume de ce qui précède. Il peut se lire indépendamment, le passé de la femme flic revient en flash-backs et l'on comprend son passé difficile. L'affaire criminelle est, pour ce que j'en sais, entièrement nouvelle.

      Pour le challenge, je vais aller voir chez Dasola, merci.

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  2. j'aime bien l'auteur, je suis d'accord qu'elle tire un peu à la ligne mais ça ne me gêne pas outre mesure, je l'ai lu et écouté en audio et j'ai passé un bon moment

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    1. J'aime bien votre expression «elle tire un peu à la ligne» et , de fait, ce n'est pas gênant, surtout si on choisit la version audio.

      J'espère que vous allez bien, il fait chaud ici, on avait presque oublié que le soleil pouvait se montrer plusieurs jours de suite.

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  3. Pas pour moi, vidéo ou papier, je déteste les histoires de Serial Killers :-D

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    1. J'ai expérimenté des polars en lecture audio ces derniers temps, mais de là à en faire ma tasse de thé... Il y a des gens que le thème du serial killer inquiète. Vous n'aimez pas parce que c'est un peu toujours la même chose ?

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    2. Non, plutôt parce que cela donne la vedette et prête des qualités intellectuelles remarquables à des gens qui sont juste des malades mentaux entièrement soumis à leurs pulsions

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    3. Les tueurs en série sont des surdoués magnifiés dans les polars. Sans quoi les enquêteurs triompheraient sans gloire ;-)

      Comme les avis peuvent différer : chez moi, ce sont les perspicacités hors normes des flics, genre HPI, qui me dérangent. J'aime mieux voir le bon vieux Maigret tâtonner...

      Bonne journée, Sibylline.

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  4. Votre billet et les échanges ci-dessus m'amènent à m'interroger sur l'abandon du genre policier dans mes lectures, à de rares exceptions. Pourtant j'en ai beaucoup lu quand j'étais jeune. Est-ce la perception d'un monde de plus en plus violent qui a développé en moi une sorte d'intolérance ? Pourtant je regarde encore des séries policières à la télévision, de préférence celles qui s'attachent aux raisons psychologiques des crimes et qui ne s'attardent pas trop sur les corps dévastés. C'est peut-être cela la raison : ce "divertissement" visuel me suffit, mes heures de lecture visent à autre chose, bien au-delà. Qui sait, j'y reviendrai peut-être un jour.

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    1. L'analyse que vous portez sur l'évolution de votre intérêt pour les romans et films policiers est limpide et j'apprécie votre sens de la nuance. Merci d'avoir pris le temps de développer cela ici.
      Peut-être y reviendrez-vous ?
      Un événement marquant, sentimental ou non, bouscule parfois complètement nos appétences en matière de livres. Besoins passagers de facilité, de fantaisie, d'exotisme, de violence, de féerie, de puérilité ou même d'horreur, pour en citer.
      L'on n'en perd pas pour autant, je pense, le sens du beau en littérature, là ou la magie opère, visant ce "bien au-delà" que vous dites plus haut.

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    2. Je n'en doute pas. Je le connais aussi, ce besoin de facilité, de légèreté... qui fait choisir une lecture plutôt qu'une autre. Bon week-end.

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