À chacune de mes lectures de François Mauriac, ressort l'un de mes importuns paradoxes qui consiste à apprécier ses romans, alors que je me complais généralement chez des écrivains, moralistes ou penseurs qui naviguent aux antipodes des idées platoniciennes et religieuses de l'académicien français.
Dois-je m'alarmer ? Je me targue seulement de partager ce que je lis, sans chercher à m'approprier ou promouvoir – à quel titre d'ailleurs ? – telle éthique ou philosophie, serait-ce au sein d'un blog qui met résolument en avant certaines d'entre elles parmi les plus immanentes. Et dans ce blog qui vit et respire au fil du temps et des pages, libre respiration qui s'accommode de la contradiction, quelle inconsistance y aurait-il à s'attacher un personnage de fiction qui ne veut plus du sacerdoce de l'avarice, de la haine familiale et du ressentiment pour se découvrir un cœur qui le porte à la foi chrétienne ?
Si les subjonctifs imparfaits ne vous irritent pas, ni l’austérité du ton, ce sont deux cent cinquante pages en Livre de Poche qui méritent le détour.
"À travers la vitre où une mouche se cogne, je regarde les coteaux engourdis. Le vent tire en gémissant des nuées pesantes dont l'ombre glisse sur la plaine. Ce silence de mort signifie l'attente universelle du premier grondement. « La vigne a peur ... » a dit Marie, un triste jour d'été d'il y a trente ans, pareil à celui-ci. J'ai rouvert ce cahier. C'est bien mon écriture. J'en examine de tout près les caractères, la trace de l'ongle de mon petit doigt sous les lignes. J'irai jusqu'au bout de ce récit. Je sais maintenant à qui je le destine, il fallait que cette confession fût faite ; mais je devrai en supprimer bien des pages dont la lecture serait au-dessus de leurs forces. Moi-même, je ne puis les relire d'un trait. À chaque instant, je m'interromps et cache ma figure dans mes mains. Voilà l'homme, voilà un homme entre les hommes, me voilà. Vous pouvez me vomir, je n'en existe pas moins." [p.167]
Je comprends la sorte de fascination ressentie à la lecture de cet auteur. Ah ces subjonctifs! Mais quelle étude de l'Homme.
RépondreSupprimerVous dites avec d'autres mots ce que je pense de Mauriac.
SupprimerEh oui, ces subjonctifs, ils font un peu précieux aujourd'hui.
Bonne journée.
alors là je cale , Mauriac est un auteur que j'ai lu bien entendu mais sans aucun plaisir, il y a chez moi quelque chose qui m'indispose vis à vis de l'auteur, je n'aime pas ses personnages, la trame de ses romans. bref j'aime pas
RépondreSupprimerEn ce moment je suis plongée dans les livres sur le conflit Israélo palestinien
Il est vrai qu'il peut indisposer par une austérité, un sérieux rebutants. Le soin apporté à l'élaboration des personnages et de leurs rapports me le fait apprécier. Et ceci, comme précisé plus haut, sans aucune considération de foi religieuse.
SupprimerMauriac, un homme qui a des convictions, bien qu'il soit tourmenté, partagé entre des exigences contradictoires, et c'est aussi un grand romancier, d'un lyrisme, et d'un style à nul autre pareil (malgré l'emploi de l'imparfait du subjonctif ! ) On aime, ou on n'aime pas, mais on ne peut rester indifférent.
RépondreSupprimerBon week-end, christw
Je retiens surtout le grand romancier et grand styliste. Ce doit être ce qui me retient d'abord dans ces livres, disons-le, un peu déclassés.
SupprimerBonne fin de dimanche Antoine.
Une petite dizaine de titres de Mauriac dans ma bibliothèque. Celui-ci était sur la liste des lectures imposées dans le secondaire, je me demande s'il y est encore et comment je l'apprécierais à la relecture.
RépondreSupprimerJ'ai vu qu'en France, "Thérèse Desqueyroux" figure toujours parmi les imposés . Difficile de trouver (sans chercher longtemps) des F. Mauriac imposés chez nous, je ne pense pas qu'il y en ait.
SupprimerLa question est peut-être moins de vous demander si vous l'apprécieriez, mais plutôt si vous auriez envie de le relire.
A l'époque de mes études et de mes cours, la liste était composée librement par le prof de français : "Thérèse Desqueyroux" était sur la liste de lecture en rhéto. Je ne suis pas sûre que cela ait changé.
SupprimerL'envie de relire me prend devant tant de mes livres ! Parfois j'y cède, même si le goût de la découverte domine le plus souvent.
Mauriac n'est pas renvoyé dans l'oubli, c'est pour moi l'essentiel, il reste un grand romancier.
SupprimerJe comprends que le goût des livres récents prenne le pas, nous sommes tous dans le cas je crois ; j'apprécie que l'envie de relire vous prend, malgré tout, face à votre bibliothèque.
Beaucoup de catholiques aiment raconter des histoires de "mécréants" se précipitant dans les bras divins lorsqu'approche l'heure fatidique. C'est d'une totale mauvaise foi, mais ça plait...
RépondreSupprimerEh oui, ça plaît...
SupprimerS'il n'y avait qu'une raison pour relire Mauriac de temps en temps et se faire plaisir, ce serait les verbes conjugués à l'imparfait du subjonctif !
RépondreSupprimerAllons-y pour une cure de subjonctifs... ;-)
SupprimerBonne semaine Marie.
Bon dimanche !
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