16 janvier 2025

Pour saluer David Lodge

Payot & Rivages, 2019 -155 pages
Traduit de l'anglais par
Suzanne V. Mayoux et Martine Aubert

De passage à la bibliothèque provinciale, je voulais emprunter quelque livre de David Lodge, décédé le premier de l'an 2025. Ne restait dans les rayonnages que ce recueil de huit nouvelles. 

Elles ont été écrites entre 1966 et 2015, les seules qu'ait jamais faites Lodge, dont ce n'était pas le genre de prédilection. La première est la meilleure, à mon avis, l'histoire d'un homme qui en a assez de se lever, se laver, prendre l'autobus pour passer huit heures au travail, etc. Il est si bien au creux de l'oreiller, dans la chaleur fœtale du lit. Les appels répétés de sa femme, ses filles, le médecin, rien n'y fera, plus question de se lever. L'on verra que la chute est ouverte, qui fait la beauté du texte.
Ce petit récit donna lieu à un partenariat quelque peu inattendu, raconté par l'auteur dans la préface et expliqué par la créatrice de meubles, Philippine Hamen, dans la dernière partie : voir plus bas.

Lodge commente bien cet éventail de nouvelles étalées dans le temps : "Certaines reflètent des changements dans les mœurs et la morale de la société, et le passage des années leur a conféré à son tour un nouveau cadre temporel", écrit-il dans la préface. [p.16] On retrouve en tout cas l'humour et l'esprit de l'écrivain avec son regard aigu sur la société, la sexualité, le mariage, l'adolescence, etc.
À la demande de l'éditeur Bridgewater Press, il a écrit une très intéressante postface qui explique comment et pourquoi il en est venu à écrire ces histoires. 

Outre le premier texte déjà évoqué, j'ai beaucoup apprécié "Mon premier job", pour son côté humaniste et social, agrémenté de traits comiques : un étudiant appelé à une belle carrière trouve un job de vacances comme vendeur de journaux. 
Et je ne voudrais pas passer sous silence "Ma dernière épouse" qui s'enrichit d'une dimension intertextuelle. David Lodge présente la pièce écrite qui est à l'origine de sa nouvelle, à savoir un poème de Robert Browning "My last duchess(1842), assez connu outre-Manche, une pépite (la traduction de wikisource diffère de celle proposée dans le livre). L'interprétation moderne de Lodge est excellente, mais je préfère le texte de Browning. 
Explication technique de l'auteur sur le monologue dramatique : "Il diffère du simple monologue en ce sens qu'il donne un seul côté de la conversation entre deux personnes, si bien que le lecteur déduit les réponses et les réactions de l'interlocuteur aux paroles du locuteur." [p.147]

Dans le dernier chapitre, Philippine Hamen s'exprime : "La manière dont un lecteur réagit à une histoire qu'il a lue et aimée, peut prendre différentes formes : dans ce cas, c'est une pièce de mobilier." Sollicité par la créatrice en 2015, David Lodge est enthousiaste et une collaboration entre littérature et design aboutit à l'exposition (2016) de ce meuble à Birmingham.

Méridienne-bureau, design de Philippine Hamen,
pour la nouvelle "L'homme qui ne voulait plus se lever".

Un petit livre plein de petites richesses qui m'a procuré de bons moments, d'autant que les récits se déroulent tantôt à l'époque où j'étais un nourrisson, puis adolescent, jusqu'à notre siècle. De quoi méditer, sourcils froncés et sourire aux lèvres, comme je me plais à imaginer Lodge qui, désormais, ne se lèvera plus.

15 commentaires:

  1. Je n'ai lu que quelques livres de lui, toujours avec plaisir et intérêt
    J'ai toujours aimé son humour parfois décapant, ses critiques drôles et féroces sur le milieu universitaire

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    1. Dans ces nouvelles, il ne critique pas le milieu universitaire, mais il doit y exceller.

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  2. J'ignorais qu'il avait écrit des nouvelles. J'avais lu "Thérapie" il y a longtemps, et bien apprécié à l'époque, l'humour, l'auto-dérision, la causticité, qui se dégage de ce roman, où il se moque du monde de la télévision et...des médecins.

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    1. De nouvelles, il n'y a que les huit de ce recueil, de niveu inégal. Mais certaines que je cite dans le compte rendu valent qu'on s'y consacre. Oui, c'est un caustique, et pour cela, j'ai particulièrement apprécié "Thérapie".

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  3. Hé oui, triste nouvelle. je n'ai pas lu ces nouvelles, mais sinon je pense avoir tout lu, voire relu (sauf les biographies)

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    1. J'ai surtout lu "Thérapie", un excellent souvenir. Il a aussi écrit des essais sur la théorie de la littérature mais je ne me sens pas de taille à m'y frotter, actuellement en tout cas.

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  4. Je l'ai découvert au sortir de l'adolescence avec "La chute du British Museum" qui m'a fait beaucoup rire, vraiment. J'ai lu ensuite "Thérapie" et d'autres romans car j'étais très friande de son humour. Mais rien récemment.

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    1. À part "Thérapie", je ne l'ai pas assez lu. Il n'a plus beaucoup publié vers la fin de sa vie, hormis des mémoires. Je vais essayer de trouver "La chute du British Museum" et d'autres de la même époque.

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  5. Je regarderai à la bibliothèque, je ne connais pas ces nouvelles. "La vie en sourdine" m'a laissé un bon souvenir et je relirai plus volontiers ses romans que son autobiographie moins enjouée.
    Etonnante, cette chaise-longue ou ce lit de repos design !

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    1. Je suis de votre avis en faveur de ses romans plus enjoués.
      En fait, ce meuble est un lit bureau qui permet à la personne de s'étendre sur le ventre, il y a un trou dans la partie supérieure avant pour lire un livre sur le plan inférieur ou, les bras sur le côté, écrire voire taper à la machine. La conceptrice explique les bienfaits pour le corps de cette position...
      Je trouve l'idée farfelue et préfère retenir le texte de la nouvelle.
      "La vie en sourdine", je retiens.

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    2. J'avais vu cette ouverture pour la tête, comme sur une table de kiné, mais je n'imaginais pas de pouvoir écrire à plat ventre - à moins qu'elle soit assez étroite (j'aimerais faire un essai). Cela procure probablement une bonne détente pour la colonne et pour la nuque.

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    3. Ce n'est pas parce que je juge la méridienne-bureau farfelue que la création de Philippine Hamen n'a pas son sens. Elle présente un design utile, sérieusement réfléchi. Et puisque vous semblez vous y intéresser, le mieux est que je vous envoie par courriel la reproduction express de la partie du livre où la créatrice développe son idée. Cliquez aussi sur le lien sous la photo du billet.
      À bientôt, belle journée.

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    4. Merci beaucoup, je vous réponds par la même voie.

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  6. Bonjour Christian, j'aime ebaucoup lire des nouvelles, genre littéraire difficile car très concentré, je note donc ce titre.
    J'ai surtout lu et beaucoup ri et apprécié "Un tout petit monde" qui parle, comme le mentionne Dominique, du monde universaitaire....et ça vole!!!
    Bonne journée, amicalement.

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    1. "Un tout petit monde", le titre fait déjà rire... Je le note, j'irai voir prochainement ce qu'ils ont au B3, ma bibliothèque qui est à dix minutes d'ici.
      Bonne journée, à bientôt Colette.

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