Payot & Rivages, 2019 -155 pages Traduit de l'anglais par Suzanne V. Mayoux et Martine Aubert |
De passage à la bibliothèque provinciale, je voulais emprunter quelque livre de David Lodge, décédé le premier de l'an 2025. Ne restait dans les rayonnages que ce recueil de huit nouvelles.
Elles ont été écrites entre 1966 et 2015, les seules qu'ait jamais écrites Lodge, dont ce n'était pas le genre de prédilection. La première est la meilleure, à mon avis, l'histoire d'un homme qui en a assez de se lever, se laver, prendre l'autobus pour passer huit heures au travail, etc. Il est si bien au creux de l'oreiller, dans la chaleur fœtale du lit. Les appels répétés de sa femme, ses filles, le médecin, rien n'y fera, plus question de se lever. L'on verra que la chute est ouverte, qui fait la beauté du texte.
Ce petit récit donna lieu à un partenariat quelque peu inattendu, raconté par l'auteur dans la préface et expliqué par la créatrice de meubles, Philippine Hamen, dans la dernière partie : voir plus bas.
Lodge commente bien cet éventail de nouvelles étalées dans le temps : "Certaines reflètent des changements dans les mœurs et la morale de la société, et le passage des années leur a conféré à son tour un nouveau cadre temporel", écrit-il dans la préface. [p.16] On retrouve en tout cas l'humour et l'esprit de l'écrivain avec son regard aigu sur la société, la sexualité, le mariage, l'adolescence, etc.
À la demande de l'éditeur Bridgewater Press, il a écrit une très intéressante postface qui explique comment et pourquoi il en est venu à écrire ces histoires.
Outre le premier texte déjà évoqué, j'ai beaucoup apprécié "Mon premier job", pour son côté humaniste et social, agrémenté de traits comiques : un étudiant appelé à une belle carrière trouve un job de vacances comme vendeur de journaux.
Et je ne voudrais pas passer sous silence "Ma dernière épouse" qui s'enrichit d'une dimension intertextuelle. David Lodge présente la pièce écrite qui est à l'origine de sa nouvelle, à savoir un poème de Robert Browning "My last duchess" (1842), assez connu outre-Manche, une pépite (la traduction de wikisource diffère de celle proposée dans le livre). L'interprétation moderne de Lodge est excellente, mais je préfère le texte de Browning.
Explication technique de l'auteur sur le monologue dramatique : "Il diffère du simple monologue en ce sens qu'il donne un seul côté de la conversation entre deux personnes, si bien que le lecteur déduit les réponses et les réactions de l'interlocuteur aux paroles du locuteur." [p.147]
Dans le dernier chapitre, Philippine Hamen s'exprime : "La manière dont un lecteur réagit à une histoire qu'il a lue et aimée, peut prendre différentes formes : dans ce cas, c'est une pièce de mobilier." Sollicité par la créatrice en 2015, David Lodge est enthousiaste et une collaboration entre littérature et design aboutit à l'exposition (2016) de ce meuble à Birmingham.
Méridienne-bureau, design de Philippine Hamen, pour la nouvelle "L'homme qui ne voulait plus se lever". |
Un petit livre plein de petites richesses qui m'a procuré de bons moments, d'autant que les récits se déroulent tantôt à l'époque où j'étais un nourrisson, puis adolescent, jusqu'à notre siècle. De quoi méditer, sourcils froncés et sourire aux lèvres, comme je me plais à imaginer Lodge qui, désormais, ne se lèvera plus.
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