J'ai assisté récemment à une conférence du Dr Philippe Boxho, médecin légiste qu'il n'est plus nécessaire de présenter : "Entretien avec un cadavre" en était le sujet, traité avec le sérieux qu'il convient et, on ne le changera pas, édulcoré par quelques traits d'humour.
Un ami m'a prêté le livre au titre éponyme et à ma bonne surprise, à peu de choses près, je n'y ai rien lu de ce que j'avais vu et entendu lors de la conférence, si ce ne sont les exigences strictes des procédures de ce métier. Elles concernent les opérations minutieuses du relevé de traces sur et autour du cadavre, ainsi que la conduite méthodique d'une autopsie : que le corps présente ou non des blessures mortelles évidentes, l'autopsie médico-légale reprend toujours tout à zéro, le(s) médecin(s) ouvrent au bistouri le corps devant, derrière, puis les membres tandis que le crâne est scié.
Le sujet autopsié est systématiquement recousu afin de le rendre présentable aux proches.
Notre médecin légiste évoque surtout des affaires anciennes, pour la plupart oubliées. Il n'attribue aucun nom, sinon des prénoms fictifs aux protagonistes, tandis que les lieux où il a dû examiner tel cadavre sont parfois repérables par quelque allusion (à Liège notamment). La mythique salle d'autopsie se situe sur le trajet de ma promenade quotidienne, à deux cents mètres de la bibliothèque B3. Cependant, depuis quelques mois (août 2023), les autopsies sont réalisées au CHU (Sart Tilman) : subsistent les plaques "Laboratoire ADN" et "Morgue communale" où il y a de l'activité, si j'en juge par les véhicules garés.
Avec ce livre, on est dans la médecine dure, macabre et les âmes sensibles devraient s'abstenir. Philippe Boxho n'écrit aucun mot de jargon sans les expliquer. Il s'agit en effet d'un livre grand public, comme l'atteste l'expression "Frissons garantis !" sur la couverture. Il n'empêche qu'on est loin des feuilletons américains où les experts descendent sur le crime en costume cravate, alors qu'ils devraient obligatoirement être vêtus, de la tête aux pieds, de ces vêtements blancs destinés à éviter toute contamination de la scène de crime par l'ADN, les cheveux, la salive, etc.
L'ouvrage reprend quelques-unes des affaires qui ont marqué sa carrière, qui l'a vu examiner 6000 cadavres et pratiquer 4000 autopsies (au moment de la parution du livre). Je n'en dévoilerai rien, ne fût-ce que pour préserver les sensibilités. Sachez que c'est passionnant, facile à lire, et qu'on y découvre, grâce aux expertises, les dessous surprenants, incroyables parfois, de multiples affaires criminelles. En 2024, l'éditeur Kennes cite des chiffres de vente égalant ceux d'Amélie Nothomb et E. E. Schmitt.
J'ai trouvé adéquat un chapitre sur les féminicides, dont un exemple violent et écœurant dans un camping, il y a trente ans, qui, aujourd'hui, n'aurait pas vu le prévenu blanchi (pour cause de provocation) mais conduit droit aux assises. Sujets plus inattendus, la consultation des rapports d'examens du crâne du Roi Albert Ier après sa chute et des anomalies dans les représentations du Christ en croix, les causes de sa mort et référence au Saint-Suaire.
Si Philippe Boxho a pu faire condamner des prévenus aux assises, il a aussi l'impression d'avoir pu se tromper : "... j'ajouterai que reconnaître son erreur est surhumain mais indispensable dans notre métier." Ces mots concluent avec lucidité et modestie "Entretien avec un cadavre".
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L'ancienne salle d'autopsie rue Dos-Fanchon. |
Je ne donnerai pas d'extrait, mais plutôt une anecdote de la double représentation au Palais des Congrès de Liège (son succès l'a conduit à faire deux conférences le même soir). J'étais à la seconde et en introduction, le Docteur Boxho a signalé qu'à chacune de ses séances, une personne perdait connaissance : "Comme il n'y a pas eu de malaise à la séance de tout à l'heure, il faut prévoir deux pertes de connaissance durant celle-ci", fit-il goguenard.
Hé bien! Je découvre ce monsieur, et qu'il a écrit aussi La mort en face, déjà réservé par 5 lecteurs à la bibliothèque! Je l'ai noté bien sûr.
RépondreSupprimerComme médecin légiste de roman je ne connaissais que Scarpetta (auteur, Cornwell) et j'aimais le côté assez froid et scientifique.
Quasi impossible de l'emprunter en bibli, j'ai eu la chance de recevoir "Entretien avec un cadavre" en prêt d'un ami. Ici, c'est un peu la star et il reçoit paraît-il 50 invitations à des entretiens/conférences par jour, et ce dans le monde entier.
SupprimerJe vous souhaite de trouver un de ses livres ou d'aller le voir en conférence, si vous vous sentez le cœur bien accroché.
Belle journée.
Voyez aussi les vidéos Youtube de la série "Legend".
SupprimerAssurément, ce n'est pas pour moi. Bonne journée, Christw.
RépondreSupprimerOui, il vaut mieux, bonne journée Tania.
SupprimerIl s'agit d'un domaine qui n'est pas le mien, mais je comprends bien entendu, l'intérêt que l'on peut porter à la médecine légale.
RépondreSupprimerÀ bientôt, Christw
Je comprends bien, à bientôt.
SupprimerBonjour Christian, je me demandais si, à part le côté scientifique et minutieux (j'imagine des tas de protocoles aussi), un médecin légiste emploie aussi son intuition. Cette dernière me semble à moi indispensable pour des conclusions, mais je me trompe probablement !
RépondreSupprimerBon week-end à vous.
Bonjour Colette.
SupprimerJ'ai l'impression que l'intuition sera plus vite le fait d'un médecin thérapeute. Dans son livre, P. Boxho, n'en fait pas mention pour ce qui est de l'autopsie médico-légale. Quant à ce qui concerne les prélèvements (seul ou en équipe) de traces révélatrices sur la scène du meurtre, suicide ou accident, il doit y avoir une part d'intuition selon moi, ou faut-il appeler cela de l'expérience ? Mais tout cela reste assez protocolaire, systématique.
Il faut aussi savoir que l'examen du cadavre débouche sur plusieurs expertises complémentaires : toxicologie, balistique, ADN, etc. On dit plutôt que le médecin légiste «fait appel à toute sa science» pour orienter ces examens complémentaires.
Lors de l'autopsie d'un cadavre en putréfaction, notre médecin légiste a trouvé une balle de revolver 9 mm dans le crâne (ces gros calibres ne ressortent pas toujours). Il n'y avait aucune trace d'entrée du projectile et, après consultation des résultats balistiques, il conclut à un tir du mari jaloux pile par l'orifice de l'oreille, ce qui pouvait indiquer la volonté de dissimuler le coup de feu.
Lors de la comparution aux assises, Boxho expliqua cette hypothèse raisonnablement intuitive. La défense lui demanda s'il était possible que le tir ait au lieu à distance et que le hasard ait fait entrer la balle par le conduit auditif. Cette hypothèse pouvait laisser entendre que la volonté du tireur était simplement de faire peur à son rival.
Le Dr Boxho a bien dû reconnaître, en toute honnêteté scientifique, malgré son sentiment, qu'il n'était pas impossible que le tir ait eu lieu à quelque distance, puisque l'état du corps ne permettait pas de vérifier les traces du coup de feu à l'orifice de l'oreille. Le prévenu a été acquitté.
Au risque d'être long, il y a un cas plus évident où Boxho fit jouer son intuition. On l'appelle pour un corps tué d'une balle en pleine tête, étendu sur un canapé, le revolver dans la main droite, contre la tempe. Sa première idée est de questionner l'épouse et son amant qui se trouvent dans la pièce à côté : votre mari était-il droitier ? Elle dut avouer qu'il était gaucher. L'affaire était quasi classée.
Merci pour votre question qui continue à me tarabuster. Il faudrait poser la question au médecin légiste :)
Merci pour votre réponse détaillée Christian. Si je rencontre un médecin légiste un jour...
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