25 août 2015

Le compagnon des taiseux

[...]. Le vent souffle dehors, des images muettes défilent sur l’écran. Là-dessus, la voix de Jean-Yves prend toute sa place, à sa mesure, puissante, chaleureuse, sans risque pour moi de devoir combler les silences. J’aime l’écouter, le regarder, ça me repose. Quand chez d’autres c’est un monologue qui n’en finit pas et ne vaut que par le flux continu qui se répand et soulage celui qui parle, ou alors simplement il s’en régale et celui d’en face qui l’écoute et a la même faim n’a qu’à faire abstinence, quand d’autres font irruption et déversent à vos pieds les tonnes dont ils sont excédentaires, comme devant les grilles de la sous-préfecture, les revendications en moins, quand ils vous parlent et vous pourriez être n’importe quoi de vivant ou non, n’importe quelle surface réfléchissante, ils parleraient pareil, Jean-Yves lui a une façon d’occuper le terrain qui vous soulage de devoir le faire, et en même temps vous interpelle, et bizarrement toujours ce qu’il dit vous concerne, et quand l’intérêt baisse, d’instinct il redresse la barre, il a un savoir-faire pour ça, si bien qu’au final c’est le compagnon idéal des timides, des taiseux, et des jours de blues.

Élisabeth Filhol - La centrale
Élisabeth Filhol © Photo Fabien Tijou - Libération


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24 août 2015

Chair à neutrons

Le roman La centrale d'Élisabeth Filhol raconte de manière très documentée la vie des intérimaires sous-traitants dans les centrales nucléaires de l'hexagone et sa périphérie. Ces ouvriers de l'ombre sont chargés de leur entretien lors des arrêts de tranche. Payés en smicards, ils sont les plus exposés aux risques des radiations: "Chair à neutrons. Viande à rem." Le dosimètre les sanctionne en cas d'incident : mise au vert temporaire, chômage forcé. Mais les doses encaissées ne s'effacent jamais. Aucune enquête n'est faite aujourd'hui chez ces travailleurs sur les potentielles conséquences graves d'expositions à des doses «faibles»; elles rappellent les dégâts sous-estimés de l'amiante. Des voix s'élèvent aussi pour dénoncer la sous-traitance dans les centrales qui  permettrait de diluer les responsabilités. 
Les réacteurs nucléaires belges ont également recours à ces centaines de travailleurs nomades (voir À voix autre), hébergés en motel, camping ou caravanes le temps de la maintenance. Ils épargnent aux statutaires les expositions les plus néfastes: la part des radiations prise par les intérimaires s'élèverait à 80%.

16 août 2015

Série noire : carte blanche


L'été, voici venu le temps des lectures paresseuses sous le parasol, des romans noirs pourquoi pas ? Et du coup, question policiers, entorse faite à une ambitieuse lecture complète de Maigret[1]. Le Magazine Littéraire de juin 2015, numéro spécial Série Noire, a déclenché cette incursion estivale dans le littéraire glauque. Négligeant le "top quinze" des titres conseillés par le connaisseur de la série, Claude Mesplède, j'ai joué carte blanche, au pif (en fait, j'avais oublié cette liste à la bibliothèque)

6 août 2015

Le pingouin face au vent

Le blanc et noir aide à séparer. Bien des mammifères voient ainsi et s'ils ignorent notre étonnement devant un arc-en-ciel, ils savent mieux que nous pénétrer les gris des ombres. J'aime les couleurs, mais encore plus la livrée du pingouin qui est celle de l'encre et du papier. C'est un oiseau qui a renoncé au vol, le contraire parfait de nous, bipèdes tentés par les ailes. Son «garde-à-vous», le torse bombé face au vent, sait se tenir sur la terre mieux que moi.

Erri De Luca - Le chanteur muet des rues 
(Traduit de l'italien par Danièle Valin)



5 août 2015

De Luca malgré tout

Traduction de l'italien par Danièle Valin

Les auteurs sont deux habitués de Gallimard, quoi de plus normal de les y retrouver associés à l'occasion d'un hommage de Erri De Luca au photographe qu'est aussi François-Marie Banier, dont quelques photos (32 exactement) figurent dans le livre. Elles montrent des personnes «différentes» saisies en rue, clichés spontanés, non celles plus connues de personnalités publiques
Piéral (1994), I. Adjani (1991), D. Lynch (2001) © François- Marie Banier