14 avril 2018

Carnet à Rio

Traduit du brésilien par Jean-Paul Bruyas.

"Ce que les hommes appellent amour" est considéré comme le récit le plus autobiographique de l'auteur brésilien Machado de Assis (1839-1908).

Un diplomate à la retraite, à Rio de Janeiro en 1888, est pris en amitié par un vieux couple sans enfants, les Aguiar, dont l merveilleuse vieille dame pourrait avoir été inspirée par la propre épouse de Machado (ils n'eurent pas d'enfants). Ces personnes se lient avec une belle jeune femme, Fidélia, veuve Noronha, qu'ils considèrent comme leur fille, tandis qu'ils désespèrent de voir jamais revenir Tristan d'Europe, qui fait aussi figure de fils adoptif. La sœur du diplomate parie avec son frère que la veuve Noronha, inconsolable mais ravissante personne, ne se remariera jamais, et certainement pas avec lui, seul et la soixantaine. 

Ce dernier note les faits de sa vie dans un carnet, au jour le jour, avec sincérité et finesse d'esprit. Au-delà du récit, plutôt romantique et presque sans surprise, la manière de relater, amusante, sans emphase et élégante, attache le lecteur. Le regard porté sur cette société aisée et sur sa propre vie, est vif et affable. L'événement capital est le retour de Tristan au pays. Les Aguiar voient leurs deux «enfants» temporairement réunis. Fidélia restera-t-elle veuve ?

Le titre de l'édition francophone vient d'un vers de Shelley (stances de 1821) "I can give not what men call love" [je ne peux donner ce que les hommes appellent amour] que Fidélia  inspire au narrateur après l'avoir observée chez les Aguiar : "l'image d'une personne digne d'intérêt aussi bien par son aspect que par sa conversation". Que l'on s'éprenne d'elle, cependant, "si fermement qu'on la refuse, on ne laisse pas de savourer la passion que l'on inspire".

En version originale (portugais), le livre, publié l'année de la mort de Machado de Assis,  est appelé "Mémorial de Aires", Aires étant un conseiller souvent présent dans les histoires de Machado, généralement un ami des personnages et qui figure l'auteur lui-même. Dans le présent roman, le carnet du 10 août commence : "Mon  vieil Aires, brouillon de mon cœur, [...]".

Le lecteur habitué à des récits où il se passe beaucoup de choses et le plus souvent des événements désagréables ou surprenants, sera  déçu par le côté «lisse», incroyablement idyllique, de ce qui survient (si l'on peut dire) dans l'entourage du narrateur. Néanmoins, cet homme très bienveillant, sincèrement heureux de voir le bonheur des couples amis, éprouve la résignation de la solitude et de l'âge. Elle se devine sous l'insistance à décrire la réussite sentimentale d'autrui, la propension à ironiser sur soi ou à moquer les personnes malveillantes. Ceci confère une dimension mélancolique, un peu désabusée,  au beau journal de Aires
© Academia Brasileira de Letras

"Dona Carmo a le don de s'exprimer, d'exprimer la vie par tous les traits de son visage, ainsi qu'un don de plaire à chacun que j'ai rencontré à ce degré chez bien peu de femmes. Ses cheveux blancs, arrangés avec un goût sûr, donnent à sa vieillesse un éclat particulier et semblent marier en elle tous les âges de la vie. Je ne sais si je me fais bien comprendre, mais pourquoi essayer de mieux dire dans des pages écrites par un solitaire et que connaîtra seul le feu où je les jetterai un jour."

8 commentaires:

  1. Une histoire qui a l'air d'être délicieusement racontée. Je note ce titre, merci.

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  2. encore un auteur jamais lu ouhhhh c'est trop pour ma petite tête et ma pile qui s'écroule

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    1. Ah les piles à lire : je n'en tiens pratiquement plus, la pression... non.
      Bon dimanche.

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  3. En voilà en core un dont je n'ai jamais entendu parler et qui m'a l'air fort intéressant!

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  4. J'en conclus, personnellement, que c'est un livre bien tentant ! Un récit idyllique teinté de mélancolie et d'une légère ironie, comme cela doit faire du bien. Merci Christian !

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