20 septembre 2018

Nos ultimes réserves de rêve

[...].
Et aujourd'hui [...], s'il est encore un espoir, il ne peut venir que de là où conduisent les plus singulières désertions. En 1928, André Breton déclarait au seuil du "Surréalisme et la peinture" : «L'œil existe à l'état sauvage». Plusieurs générations y retrouvèrent une liberté du regard. Seulement, la question est désormais de savoir ce qu'il en est, quand des millions d'images nous agressent jour après jour, déferlant de partout pour nous rappeler à l'ordre de cette réalité génétiquement modifiée, que tout incite à confondre avec la vie. À cet égard, les nouvelles sont sinistres. Car à quoi nous fait assister l'ère informatique sinon à la progression de bataillons d'images insignifiantes, neutralisant systématiquement celles que nous avions cru faire nôtres, non sans que le flux qui les emporte menace le secret qui nous liait à elles ?
Malgré les apparences, les mots ne s'en tirent pas mieux. Constamment retournés, on l'a vu, les voilà condamnés à ne plus servir que de faux témoins, démentant les images tout en se laissant démentir par elles, pour finalement nous empêcher de nous rendre compte que ce sont nos ultimes réserves de liberté qui sont attaquées.
Jusqu'à quand assisterons-nous, sans rien dire, à cette colonisation de nos paysages intérieurs ?

Annie Le Brun - Ce qui n'a pas de prix


L'asservissement de la culture à l'argent, de l'art contemporain en particulier, est le sujet du dernier essai virulent d'Annie Le Brun. Considérons qu'il continue "Du trop de réalité" (2000) où elle déplorait la disparition des rêves intérieurs à cause de la grande entreprise de crétinisation moderne qui réduit les réserves d'irréalité. 
La marchandisation outrancière de tout amène Annie Le Brun à revenir à la charge pour dénoncer l'enlaidissement du monde par la collusion de la finance, de l'art contemporain et de la mode.
Compte-rendu à venir.

6 commentaires:

  1. Mon prochain article va faire écho au votre à tel point que cela en est drôle. Je vois que j'ai une forte alliée dans Annie Lebrun !

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    1. Je me réjouis de vous lire ! Quant au compte-rendu de "Ce qui n'a pas de prix", ce sera pour la semaine prochaine, après notre retour de voyage.

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  2. Je l'ai écoutée parler de son livre sur France-Culture pendant 1 heure et c'était passionnant, même si j'ai parfois du mal à la suivre dans ses raisonnements.

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    1. Ah vous êtes au parfum alors, tant mieux. Il y aura dans le compte-rendu à venir le lien vers un bel entretien de l'auteure avec Aude Laurencin, je l'y ai trouvée assez claire. Le voici :
      https://m.youtube.com/watch?v=XGkBiEn-tCI

      En général, je trouve que ALB écrit/parle pour des initiés, des gens qui ont déjà la problématique en tête, elle n'est pas facile à lire/comprendre immédiatement. Ici, le compliqué est de dénoncer la violence d'un système si bien déguisé, justement, qu'on a du mal à en saisir la nature et son impact sur nos univers sensibles.

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  3. Annie Lebrun faisait partie avec son mari (Radovan Ivsic) du groupe des "Surréalistes"
    http://www.lacauselitteraire.fr/rappelez-vous-cela-rappelez-vous-bien-tout-radovan-ivsic
    Il faut lire "Ce qui n'a pas de prix" avec à l'esprit le sens du beau selon André Breton: « Le merveilleux est toujours beau, n’importe quel merveilleux est beau, il n’y a même que le merveilleux qui soit beau »
    "C'est la révolte même, la révolte qui seule est créatrice de lumière.
    Et cette lumière ne peut connaître que trois voies, la poésie, la liberté et l'amour qui doivent inspirer le même zèle et converger, à en faire la coupe même de la jeunesse éternelle, sur le point le moins découvert et le plus illuminable du coeur humain"
    http://www.fabula.org/acta/document5795.php

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    1. Ce commentaire éclairera certainement le compte-rendu que je me prépare à publier. Il permet de bien situer l'auteure de l'essai, sa proximité avec les surréalistes. Merci pour les liens.

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